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Actualités - CHRONOLOGIES

Commémoration - Kardaha, un an après la disparition de Hafez el-Assad - Nasrallah : Les hameaux de Chebaa représentent 10 452 km2

Comme pour respecter la phobie de la foule chez le défunt président Hafez el-Assad, les citoyens syriens anonymes n’ont pas été conviés à la cérémonie commémorant le premier anniversaire de son décès. Par contre, tous les représentants de l’État libanais sont présents à Kardaha, dans l’immense mausolée dédié au bâtisseur de la Syrie moderne. Pas d’échanges politiques ni de consécration de la réconciliation entre les responsables libanais, mais beaucoup d’émotion, un peu de recueillement et une série de messages, dont le plus applaudi est celui du secrétaire général du Hezbollah, qui a critiqué les chefs d’État arabes à la solde des États-Unis et promis solennellement de récupérer les hameaux de Chebaa par la force. Kardaha, un an plus tard. Le dispositif sécuritaire est le même que lors des funérailles du président Hafez el-Assad, mais contrairement à ce 10 juin 2000, les citoyens sont restés chez eux, préférant suivre à la télévision la cérémonie officielle. Les immenses avenues du village, qui veut se donner des airs de ville ne s’animent que lors des passages des limousines transportant les 4 000 invités, dont près de 500 personnalités libanaises. Les mesures de sécurité sont très strictes et pour pouvoir passer, il faut montrer patte blanche, ou plutôt carton d’invitation vert ou bleu selon l’importance de la fonction. Les militaires sont intraitables, engoncés dans leurs uniformes mal coupés aux épaulettes amidonnées, comme pour bien montrer à ceux qui en douteraient que le système a bien survécu à celui qui l’a instauré. À l’entrée du mausolée, les invités sont acheminés vers leurs places, sous l’immense tente dressée pour la circonstance. Tout l’establishment syrien est là, les militaires d’un côté, les civils de l’autre. Entre les deux, les nombreuses personnalités libanaises, très à l’aise, comme faisant partie de la famille. Traitement de faveur pour Joumblatt Les Égyptiens, les Jordaniens, les Algériens, les Iraniens, les Yéménites et les autres tiennent en quelques rangées, mais le protocole syrien réserve quand même quelques surprises, installant le chef du FPLP-Commandement général Ahmed Jibril à côté du député arabe israélien Azmi Béchara. Côté libanais, les susceptibilités sont préservées, le chef du PSP, Walid Joumblatt, étant le seul à bénéficier d’un traitement de faveur, puisqu’il est installé entre le vice-président de la Chambre et le vice-président du Conseil. Photographes et journalistes guettent la venue du président syrien Bachar el-Assad. En vain. Personne ne le verra arriver. Certains diront qu’il était là bien avant tout le monde pour se recueillir sur la tombe de son père, d’autres qu’il est passé par une route contournant le village. Toujours est-il que le jeune chef de l’État s’installe dans un salon jouxtant le mausolée, tout près du lieu où se déroule la cérémonie et c’est là qu’il recevra ses invités. D’abord le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, traité comme un chef d’État, ensuite le président libanais Émile Lahoud accueilli avec chaleur. Lahoud est accompagné du président de la Chambre Nabih Berry, du président du Conseil Rafic Hariri, de MM. Ferzli, Farès et de quelques ministres et députés ainsi que de MM. Addoum et Sayed qui sont venus avec lui dans le même avion. À 10h55, tout le monde se dirige vers le lieu où doit se dérouler la cérémonie. En Syrie, on est ponctuel et au barrage, les soldats ferment carrément le passage. Arrivé avec du retard pour cause d’incident mécanique, le PDG de Télé-Liban a dû parlementer longuement avec les officiers pour obtenir finalement le droit de passer…à pied. Les officiers en ont profité pour donner une petite leçon de morale : «En Syrie, le règlement, c’est le règlement». Mais ils ont quand même fait une entorse pour le PDG de Télé-Liban. Dix-sept personnalités, 4 heures de discours Aussitôt après la prière, les discours commencent. Le secrétaire général adjoint du parti Bas parle en premier. M. Sleimane Kaddah s’adresse essentiellement à Israël pour dire que ni ses menaces, ni ses manœuvres n’effraient la Syrie. Chaque orateur a droit à 15 minutes de parole. Ce qui contraint bon nombre des dix-sept personnalités qui se succèderont à la tribune à sauter plusieurs pages de leurs discours écrits. Venus du Liban, d’Égypte, d’Iran, de Palestine, du Yémen ou de Jordanie, ils vanteront tous les qualités du président disparu, sa sagesse, son habileté et la fermeté de ses convictions, puisant dans sa biographie des messages à adresser aux actuels gouvernants arabes. Le secrétaire général de la Ligue arabe a ainsi insisté sur la profondeur des liens entre la Syrie et l’Égypte, axés sur l’attachement de Hafez el-Assad à la souveraineté arabe. Il a souligné aussi la volonté actuelle des dirigeants arabes d’améliorer leurs relations pour une meilleure coordination de leur action. Le président de la Chambre Nabih Berry a axé son discours sur le rôle de la Syrie au Liban et l’appui qu’elle a apporté à ceux qui ont lutté pour la libération du territoire. En passant, il a rappelé que c’est l’imam Sadr qui a lancé l’étincelle de la résistance et il s’est solennellement engagé à sauvegarder le Liban tel que l’a voulu Hafez el-Assad, c’est-à-dire, selon lui, souverain, fort et stable et surtout à préserver les relations privilégiées entre le Liban et la Syrie. Le vice-président iranien Hassan Habibi qui avait effectué de nombreuses missions en Syrie du temps de Hafez el-Assad a rappelé le courage qu’il a fallu à ce dernier pour appuyer l’Iran, en dépit des pressions exercées sur lui. Il a ensuite précisé qu’il était important de suivre la voie tracée par le défunt. Le ministre égyptien de l’Information Safouat Chérif a prononcé un discours au nom du président Hosni Moubarak, cédant ensuite la place au mufti libanais Mohammed Rachid Kabbani. Mohsen el-Ayni du Yémen a ensuite pris la parole, mais le plus applaudi a été incontestablement le secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah. Ce dernier a véritablement créé l’événement, dans cette cérémonie qui manquait un peu de relief. Les 10 452 kilomètres carrés En souvenir de Hafez el-Assad, il a promis de libérer les hameaux de Chebaa par la force, «ces hameaux qui, aux yeux du défunt président et donc à ceux de tous ceux qui tiennent à leur dignité, représentent la superficie de la nation, c’est-à-dire 10 452 km2». Nasrallah s’en est aussi pris aux chefs d’État arabes à la solde des États-Unis, alors que Assad lui, ne s’est jamais rendu à Washington. Selon lui, ces présidents arguent des besoins de leur pays pour justifier leur manque de dignité devant les Américains, «comme si Hafez el-Assad, lui, n’avait pas un pays à construire et des citoyens qui manquaient de beaucoup de choses». Bref, c’est un Nasrallah au meilleur de sa forme, virulent comme à l’accoutumée, relevant la sagesse du défunt président «qui maniait aussi bien la politique que les armes», qui a réveillé une assistance quelque peu somnolente en raison notamment de la chaleur et de la longueur de la cérémonie, qui a duré quatre heures. L’ancien Premier ministre jordanien Taher Masri, l’ancien responsable algérien Ahmed Taleb Ibrahimi, le patriarche grec-catholique Grégoire III, Hoda Abdel Nasser (fille de l’ancien président égyptien), le député libanais Jean Obeid, M.Talal Naji représentant les Palestiniens et d’autres se sont succédé à la tribune. Mais l’assistance n’a plus retenu que le discours du député arabe israélien Azmi Béchara, qui avait réussi à gagner la confiance du président Hafez el-Assad, inaugurant sous ses auspices les voyages des druzes israéliens en Syrie pour revoir leurs familles. Béchara a sommé les pays arabes d’agir vite, car selon lui, l’intifada palestinienne ne peut survivre que si elle est appuyée par les Arabes. «Il faut élargir la distance entre la guerre totale et l’impossible reddition pour empêcher le gouvernement de Sharon d’établir l’équation suivante soit la guerre totale soit l’acceptation des conditions israéliennes». S’il n’est pas ovationné, Béchara est, en tout cas, entendu. La cérémonie s’étire en longueur et à 15h, les responsables ont hâte de s’en aller. Le dernier orateur a à peine quitté la tribune que les présidents se lèvent. Bachar se rend au domicile de son père à Kardaha où l’attend sa proche famille, alors que les responsables libanais se dirigent vers l’aéroport pour rentrer à Beyrouth. Le déjeuner annoncé chez le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam n’aura pas lieu ; certains diront que la raison n’est nullement politique, mais plutôt liée à l’état de santé de M. Khaddam, d’autres relèveront que la nouvelle du déjeuner n’a jamais été confirmée en Syrie, elle n’a été lancée qu’au Liban. Les responsables libanais échangeront quand même quelques amabilités pendant le trajet en avion, mais selon la plupart des sources, aucun sujet politique ne sera évoqué. À 16 heures, il n’y a plus à Kardaha que les habitants du village, qui retrouvent leur rythme habituel de vie. Les banderoles et les portraits du président défunt, accrochés depuis trois jours pour la cérémonie, seront retirés dès aujourd’hui. Mais au Liban, le gigantesque portrait de Hafez el-Assad qui marque l’entrée nord de Tripoli restera en place.
Comme pour respecter la phobie de la foule chez le défunt président Hafez el-Assad, les citoyens syriens anonymes n’ont pas été conviés à la cérémonie commémorant le premier anniversaire de son décès. Par contre, tous les représentants de l’État libanais sont présents à Kardaha, dans l’immense mausolée dédié au bâtisseur de la Syrie moderne. Pas d’échanges...