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Actualités - CHRONOLOGIES

HYDROLOGIE - À l’approche de l’été, le problème de l’approvisionnement refait surface - Le projet de barrage à Bisri devrait assurer - 100 millions de m3 d’eau à la capitale

La saison d’été pointe déjà à l’horizon et comme chaque année, les problèmes d’approvisionnement en eau ne manqueront sans doute pas d’apparaître. Des problèmes qui risquent de se poser, une fois de plus, avec d’autant plus d’acuité que cette année, les pluies ayant été très peu abondantes. À l’approche de chaque saison d’étiage, les responsables et les experts se rappellent que le Liban, jadis considéré comme un grand château d’eau aux réserves inépuisables, doit désormais se prémunir dans ce domaine contre les années de «vaches maigres» dont les effets commencent à se faire sentir avec le rationnement, souvent drastique, auxquels les abonnés sont soumis, notamment dans la capitale et dans les grandes agglomérations urbaines. Cet état de fait remet sur le tapis, de façon souvent cyclique, le dossier de l’eau au Liban, d’une manière générale, et certains grands projets hydrauliques, dont notamment celui de Bisri. Habitué depuis des lustres à se contenter d’une gestion approximative de sa richesse hydrologique, mais conscient aussi de l’enjeu stratégique de cette richesse de plus en plus rare et, par le fait même, de plus en plus convoitée, le Liban a prévu la construction d’un certain nombre de barrages dans différentes régions. En 1958, il y a eu le Litani, un grand projet à deux volets (hydroélectricité et irrigation) mais qui a pas encore été achevé. En 1965, il y a eu une tentative de détournement des eaux du Hasbani et du Wazzani, ce qui a provoqué des représailles israéliennes. Le développement des relations syro-libanaises a, d’autre part, débouché sur un accord portant sur le partage des eaux de l’Oronte. L’introduction du dossier de l’eau dans la stratégie régionale ne cesse de hanter l’esprit des Libanais. Et pour cause : la capitale, avec ses deux banlieues, nord et sud, totaliseront, en 2020, près de 2 525 000 habitants. C’est sans doute une telle donne qui pousse les responsables du ministère de l’Énergie et de l’Eau à redoubler d’efforts pour faire aboutir le projet du barrage de Bisri, conçu pour emmagasiner 100 millions de mètres cubes par an dans le but de répondre aux besoins de cette «mégalopole» à l’échelle libanaise . Eau et stratégie Tous les experts sont d’accord là-dessus : le Proche-Orient manque d’eau. Les terrains à caractère désertique couvrent environ 60 % du territoire en Israël, 70 % en Syrie, 85 % en Jordanie et 90 % en Égypte . En 1992, la Banque asiatique pour le développement affirmait, dans un rapport spécialisé, que «l’eau sera bientôt reconnue comme la grande question de politique étrangère des années 90». La banque avait prévu que les 25 pays qui souffraient, au moment de la publication de ce rapport, de «pénuries chroniques d’eau», seront au nombre de 90 en l’an 2000. Traduite sur le plan pratique, cette constatation veut dire que «la moitié de la population mondiale est actuellement touchée par ce phénomène». Cette pénurie d’eau n’est pas un problème nouveau dans la région. Elle est omniprésente depuis longtemps dans le quotidien de la population, à tel point que les habitations sont souvent conçues en conséquence. En effet, plus d’un ethnologue a fait remarquer que l’architecture des demeures citadines dans les grandes agglomérations, édifiées sous forme de grandes pièces spacieuses et fraîches, autour d’une grande cour centrale où se trouve le puits, a été voulue pour, précisément, répondre aux besoins en eau qu’il fallait économiser . Plus près de nous, l’eau figure en tête des préoccupations des pays de la région, aussi bien en Israël qu’en Turquie, dans les pays du Golfe qu’en Syrie et en Jordanie . En 1987, au Center for Strategic and International Studies de Washington, la Turquie a proposé la construction d’un «pipeline de la paix» pour transporter l’eau dont elle n’avait pas besoin vers les pays du Moyen-Orient souffrant de pénurie. À l’origine, le plan prévoyait deux pipelines principaux, l’un à l’est et l’autre à l’ouest, qui auraient eu ensuite des ramifications secondaires. Le pipeline oriental aurait traversé la Syrie, la Jordanie et l’Arabie séoudite, pour gagner ensuite les Émirats arabes unis et Oman. Le pipeline occidental aurait transporté l’eau vers la Syrie, Israël , les territoires sous contrôle de l’Autorité palestinienne et la Jordanie, et de là vers l’Arabie séoudite. Les pays arabes refusèrent cependant d’inclure Israël dans le projet tant que le conflit israélo-palestinien, qui a des implications hydrologiques, n’aura pas été réglé. La Turquie a par conséquent décidé de commencer par le pipeline oriental. Mais ce projet est loin d’être dans sa phase finale. C’est précisément pour contourner pareilles difficultés que l’actuel ministre israélien des Affaires étrangères israélien, Shimon Peres, avait prévu un autre mode de transport de l’eau à partir de la Turquie. Dans le chapitre 9 de son livre Le temps de la paix, il a prévu de faire parvenir l’eau du sud de la Turquie vers un port de Gaza «qui reste à construire», dans des citernes de type Méduse qui seraient tractées par des navires appropriés. Selon les informations rapportées par la presse spécialisée, il semble que les expériences portant sur ce type de transport se poursuivent, malgré l’échec des deux premières tentatives au cours desquelles les deux premiers ballons de type Méduse ont éclaté en pleine mer. Les pays du Golfe, note-t-on dans ce cadre, ont pu opter – du fait des moyens financiers dont ils disposent – pour le dessalement de la mer. Mais ce procédé reste très coûteux et tout autre projet d’alimentation en eau naturelle demeure bienvenu. Pour se faire une idée approximative des difficultés de ce genre de traitement, il faut comprendre que la quantité d’eau dessalée dans le monde équivaut à la consommation mensuelle de l’Égypte. Cela veut dire que les pays de la région qui souffrent d’une pénurie en eau ne pourront pas compter sur ce procédé tant que de nouvelles techniques qui le rendent économiquement rentable n’auront pas été trouvées. Un déficit de 26 % Beyrouth et sa grande banlieue, nord et sud, auront besoin approximativement en 2020 de 694 375 m3 d’eau par jour pour les besoins des ménages, à raison de 275 litres de consommation individuelle . Cette quantité devrait être doublée pour inclure les besoins des services publics, c’est-à-dire les hôpitaux, les sociétés, les commerces, les lieux publics, les municipalités avec leurs parcs publics et le nettoyage des routes. D’après les études internationales, les dépenses en eau de ces services publics comptent pour environ 45 % des prévisions en dépense d’eau. Pour nous faire une idée des besoins actuels pour la seule ville de Beyrouth et sa banlieue sud, il faut savoir que le déficit est de l’ordre de 36 % . En effet, les dernières statistiques montrent que ces deux grandes agglomérations ont besoin de 280 000 m3 d’eau par jour, alors qu’elles ne peuvent en recevoir que 180 000. Le barrage de Bisri a été retenu comme la réponse la mieux adaptée au développement démographique de la capitale pour les prochaines décennies. Ce barrage est situé sur le fleuve qui porte le même nom, dans une petite dépression qui sépare les cazas du Chouf et de Jezzine, à 395 mètres d’altitude et à 23 kilomètres de l’embouchure du fleuve qui se jette dans la mer Méditerranée, aux portes de la ville de Saïda où il est appelé le fleuve Awali . C’est le «Point 4» qui a effectué les études préliminaires sur ce plan entre les années 1951 et 1954 (le président américain Truman a prononcé le 11 mars 1947 un discours devant le Congrès, consacré essentiellement à sa vision de «l’endiguement», fondé sur le militaire et l’aide au développement pour stimuler les pays à rejoindre le camp américain dans sa confrontation avec l’URSS. Le «Point 4» du discours est devenu le titre des différents programmes d’aide consacrés à la région, à l’instar du plan Marshall pour les pays européens). En 1975, c’est l’Office national du Litani qui a poursuivi les études et en 1980, un accord a été signé avec les consultants PRC/ECI et Dar al-Handassa pour effectuer les premières études de faisabilité . La première tranche des études a été effectuée entre 1981 et 1984. La seconde phase a été bloquée en raison de la dégradation de la situation dans la région. L’élaboration du dossier de l’avant-projet a nécessité un travail de quatre ans. Cette période a été rendue nécessaire pour les travaux de reconnaissance du site du barrage, en 1981, et pour les forages de reconnaissance géotechnique effectués entre février et octobre 1982. C’est cette même année qu’ont été creusées aussi des galeries de reconnaissance, deux sur la rive gauche du site et une seule sur la rive droite. L’année d’après, il y a eu encore des forages supplémentaires. Ces travaux, effectués en amont du site pour la reconnaissance des matériaux en vue de la construction du barrage, se sont arrêtés en 1983 et les résultats n’ont pas excédé les 15 % du contrat. Toujours dans cette même phase de préparation, on a procédé à une prospection géophysique pour, notamment, identifier tout système de failles ou de fissures qui pourrait provoquer des fuites d’eau. Cette campagne de prospection géophysique n’a pas permis d’atteindre les objectifs qui lui avaient été assignés, et l’ingénieur conseil Robert B . Jansen a estimé dans son rapport, en mars 1986, qu’il fallait reprendre ces travaux dans la phase de la Mission II d’Études . Des problèmes majeurs Les études de l’avant-projet effectués entre 1981 et 1984 ont révélé quatre problèmes majeurs : 1 - La présence de calcaire karstique très perméable sur la rive droite, sur une longueur de 2 kilomètres à partir du barrage. 2 - La présence d’une série de failles actives importantes dans le site . 3 - La présence de grès de base sur la rive gauche sous le barrage et en amont, sur les deux rives du réservoir. 4 - Le dépôt d’alluvions lacustres dans la vallée sur une largeur de 400 mètres et une épaisseur atteignant 90 mètres. Suite à toutes ces données, l’Office national du Litani a été appelé à trouver des solutions qui devaient : • Atténuer les effets des séismes et éliminer les risques de liquéfaction sous les fondations, dus au silt (sable fin très abondant dans la région, du fait que la dépression où est prévu le barrage est constituée de dépôts d’alluvions). • Empêcher les entraînements de sable sous le barrage et traiter les berges instables constituées de gré de base. • Limiter les effets de tassement différentiel et stopper les fuites à travers les intercouches des alluvions lacustres. • Empêcher les fuites à travers le calcaire karstique. Option finale Dans le rapport présenté par le directeur général de l’Office national du Litani, Nasser Nasrallah, et préparé par l’ingénieur civil Kamel Awaida, le principe d’un barrage en terre a été retenu. Le rapport souligne qu’un «barrage en terre a été considéré le plus approprié en raison de la seismité de la région et de la nature compressible du sol de fondation constitué d’alluvions lacustres et en raison aussi de l’abondance de matériaux de construction pour ce type de barrage, aussi bien pour le corps du barrage que pour le noyau étanche». Le rapport indique aussi qu’«un rideau étanche en mortier de ciment a été proposé pour être injecté au-dessous du noyau central, pour stopper les fuites d’eau et éviter les entraînements». Ce rideau, toujours d’après le même rapport, «aura une largeur de 400 mètres environ et une profondeur maximale de 50». Cette partie de l’ouvrage «sera ancrée dans le rocher sous les berges et dans la couche d’argile imperméable sous la partie centrale». Et pour empêcher les fuites dans le calcaire karstique sur la rive droite et les entraînements de sable sous les fondations du grès de la rive gauche, «on procédera à l’installation d’une couverture imperméable en argile d’un mètre d’épaisseur sur 50 centimètres de matériaux filtrant sur les deux rives du barrage». En ce qui concerne les études hydrologiques, le rapport indique qu’«elles ont été basées sur les fiches de débit du fleuve et des précipitations étendues sur 30 années». Ces études ont déterminé les apports annuels moyens du fleuve, les crues probables, les crues maximales, les étiages, et la capacité utile de la retenue qui sera de 100 millions de mètres cubes. Ces études ont prévu aussi les dimensions de l’évacuateur des crues, des ouvrages de dérivation et des ouvrages de restitution. Reste à évoquer enfin le coût du projet. Toutes les estimations sont à refaire car les études effectuées dans les années 80 ne sont plus de mise. On peut à ce propos signaler que des estimations approximatives nous ont été fournies par un bureau d’étude privé concerné par ce genre de travaux. Le coût de l’ouvrage évalué en 1983 à près de 60 millions de dollars (le taux de dollar étant à l’époque de 4 LL) est à multiplier par 6, d’après notre consultant. Ces montants concernent uniquement le corps principal du barrage et ne prennent pas en compte les travaux complémentaires, dont notamment la grande conduite qui doit acheminer l’eau vers la capitale et dont le coût est actuellement estimé, toujours d’après notre consultant, à 160 millions de dollars. La rapport présenté aux autorités par l’Office national du Litani indique que «le temps nécessaire pour l’achèvement des études et la préparation des appels d’offres et la sélection des offres est de trois ans». Quant à la durée de construction de l’ouvrage, elle est estimée à quatre ans. Reste à espérer que ce projet vital ne sera pas relégué aux oubliettes de l’histoire.
La saison d’été pointe déjà à l’horizon et comme chaque année, les problèmes d’approvisionnement en eau ne manqueront sans doute pas d’apparaître. Des problèmes qui risquent de se poser, une fois de plus, avec d’autant plus d’acuité que cette année, les pluies ayant été très peu abondantes. À l’approche de chaque saison d’étiage, les responsables et les experts se...