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Actualités - ANALYSES

Tiraillements larvés sur le sens concret du pacte chrétien

Guy Béart, élève dit-on des chers frères de Gemmayzé, est accessoirement l’auteur d’un chant tout levantin qui met en vis-à-vis «les grands principes et les grands sentiments». En vertu des premiers, le camp chrétien opère une remarquable récollection. Et en vertu des deuxièmes, il se discorde derechef. Sur le sens concret à donner à son pacte refondateur, le manifeste de Kornet Chehwane. La raison volontariste entre vite en conflit, sous le chaud soleil de Satan, avec un tissu serré d’éléments subjectifs qui ne se commandent pas. Mais qui ne brillent pas tant par leur altruisme que par un mélange corrosif d’ambitions refoulées et de frustrations inavouées. Cependant, tout comme les guerres propulsent le progrès, ces convulsions souterraines suscitent, dans un Est réputé apathique, une vigoureuse dynamique politique. C’est presque de la fébrilité, à cette nuance près que pour éviter de se laisser piéger, les professionnels s’activent et s’agitent loin de tout tapage médiatique. Jamais, en réalité, il n’y a eu autant d’assises privées, en petits ou en grands comités, jamais autant d’agapes discrètes, jamais autant d’interminables conférences téléphoniques. Dans cette kermesse de l’ombre, certains ministres se distinguent tout particulièrement. Il convient de souligner, à leur actif (c’est le mot), qu’ils ont fait œuvre de pionniers. Dans ce sens qu’ils ont entamé un long dialogue avec des hommes de religion comme avec les pôles de la société civile, ou même avec des étudiants, depuis la nomination du gouvernement il y a six mois et demi. Mais, bien entendu, ce processus, au départ un peu anarchique, se trouve désormais canalisé par les préceptes et par les thèmes de Kornet Chehwane. Qui suscitent, répétons-le, la contradiction. Aussi beaucoup de sages, modérément rassurés par la discrétion relative des débats, craignent qu’en fin de compte toute cette agitation ne serve à noyer le poisson. Et à vider le document de Kornet Chehwane de son contenu, du moment qu’on ne s’accorde pas sur ce qu’il peut bien signifier en termes pratiques. Toujours est-il que les intéressés, sourdement soupçonnés de jouer les sous-marins chargés de faire diversion, rejettent en chœur de telles insinuations. Pour prendre trois exemples entre mille, les participants aux rencontres, respectivement organisées par MM. Élias Murr, Farid el-Khazen ou Farés Boueiz, s’accordent à souligner, sans s’être donné le mot, que l’intensité même des concertations actuelles prouve que l’Est est enfin sorti de son long sommeil. Et de sa déprime. Ajoutant, sans trop se rendre compte que chacun parle pour soi et prêche pour sa propre paroisse puisque les efforts ne sont pas regroupés, que leur élan propre démontre l’existence d’un centre modéré. Qui, à les en croire (séparément), refuse de se laisser entraîner dans les «surenchères». Pour se hâter ensuite de préciser que leur mouvement n’est pas dirigé contre Kornet Chehwane. Ni, a fortiori, contre les constantes nationales défendues par Bkerké. Mais ces courants, et d’autres qui font partie intégrante de la rencontre de Kornet Chehwane, reconnaissent volontiers qu’il n’y a pas accord sur les moyens à mettre en œuvre pour diligenter une action politique cohérente. Si la mésentente se prolonge, ce qui est tout à fait probable, il y a donc fort à parier que le manifeste restera lettre morte. C’est d’autant plus prévisible que les dissonances s’accentuent ouvertement. Ainsi, le général Aoun, dont le courant avait refusé de cosigner le texte tout en proclamant son respect pour Bkerké, part maintenant en guerre contre le ralliement de Kornet Chehwane à Taëf. Parallèlement, nombre de formations de l’Est s’évertuent désormais à souligner qu’elles n’ont pas participé à la rencontre et ne se reconnaissent pas dans son manifeste. À ce propos, on assiste aujourd’hui à de petits règlements de comptes intérieurs, certains partis ou courants désavouant leurs membres qui ont participé à la rencontre en affirmant qu’ils n’étaient pas mandatés à cet effet. Il y a donc une sorte de désagrégation, facilitée il faut le dire par l’absence hors du pays du patriarche Sfeir. Il faudra dès lors attendre son retour pour voir si les choses vont se recomposer dans le sens unifié qu’il souhaite. Toujours est-il que les participants à la réunion tenue chez M. Farès Boueiz ambitionnent d’élargir leur cercle. Et soulignent la responsabilité du pouvoir en matière de dialogue comme de traitement des problèmes de l’heure, dont la souveraineté et l’indépendance. Du même coup, estiment-ils, nul ne doit refuser de dialoguer avec le pouvoir. M. Boueiz répète pour sa part que l’action n’est pas dirigée contre Kornet Chehwane, que les constantes de Bkerké restent la référence, mais qu’il y a litige sur les mécanismes à adopter pour faire aboutir un projet politique global.
Guy Béart, élève dit-on des chers frères de Gemmayzé, est accessoirement l’auteur d’un chant tout levantin qui met en vis-à-vis «les grands principes et les grands sentiments». En vertu des premiers, le camp chrétien opère une remarquable récollection. Et en vertu des deuxièmes, il se discorde derechef. Sur le sens concret à donner à son pacte refondateur, le...