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Actualités - CHRONOLOGIES

La Syrie, l’une des premières terres d’implantation du christianisme

La Syrie, berceau du christianisme ? Oui, mais en réalité, c’est tout l’Orient qui en est le berceau, et d’abord la terre de Palestine, où le Christ est né, où il a grandi, est mort et est ressuscité. La Syrie, pour sa part, est l’une des premières terres d’implantation du christianisme. Elle est, en tout cas, le théâtre de la conversion de saint Paul, l’un des points d’inflexion centraux de l’histoire du christianisme. La ville d’Antioche, aujourd’hui en Turquie, mais historiquement identifiée à la Syrie, abritera l’une des premières communautés chrétiennes. C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples du Christ recevront le nom de «chrétiens». En Syrie que, sous l’influence de saint Paul, le christianisme est sorti du milieu judaïque pour devenir religion universelle. La Syrie contemporaine est donc dépositaire d’une histoire deux fois millénaire de présence chrétienne. Quelques villages syriens parlent encore l’araméen, la langue du Christ. Après Jérusalem et Bethléem, les couvent de Sainte-Thècle à Maaloula (IVe siècle) et celui de Notre-Dame à Saïdnaya (Ve siècle), sont les plus importants lieux de pèlerinage de la région, encore que l’affection que leur portent les pèlerins est due, en partie, à la négligence des autorités libanaises, qui ont déprécié les récentes découvertes historiques sur la localisation de la Cana-de-Galilée au Liban, et n’ont toujours pas donné aux sites de Sidon et de Tyr l’importance religieuse qui leur revient, comme lieux de passage du Christ. Mouvement d’émigration De toute façon la présence chrétienne n’a cessé de conditionner l’histoire de la Syrie. Trois grands patriarcats ont toujours leur siège à Damas : le patriarcat grec-orthodoxe, le patriarcat grec-catholique, qui organise la visite du pape, et le patriarcat syrien-orthodoxe. Terre d’élection des hérésies christologiques dont elle a été un remarquable conservatoire, et dont la mémoire se transmet encore, hélas, sous des formes plus ou moins rigides, la Syrie compte en outre huit autres communautés chrétiennes, dont la communauté maronite (20 000 fidèles environ). En Syrie, l’effectif de grandeur des chrétiens est du même ordre que le Liban : 1 million à 1,4 million, selon les estimations, sur un total de 15 millions d’habitants. Les grecs-orthodoxes représentent la plus large partie de ces chrétiens (entre 70 et 75 %). Ainsi, les chrétiens de Syrie ne représentent qu’entre 10 à 14 % de la population totale. En tout état de cause, pour des raisons qui ne sont pas sans analogies avec celles qui sont invoquées au Liban, les recensements confessionnels sont absents en Syrie, et l’incertitude est entretenue sur le poids des communautés. On estime généralement que la moitié des chrétiens de Syrie résident à Damas ou dans son agglomération. L’autre centre de gravité démographique de la présence chrétienne étant le nord-est syrien, en particulier les régions de Homs et d’Alep, encore qu’un mouvement d’émigration rapide a touché, en vingt ans, les deux tiers de la population chrétienne d’Alep, notamment les Arméniens. Selon les spécialistes, la population chrétienne ne cesse de croître en valeur absolue, mais son importance relative n’en est pas pour autant modifiée, compte tenu de la croissance démographique des autres communautés d’abord, et du mouvement d’émigration qui saigne la Syrie, et dont les causes sont aussi bien économiques que sociales et politiques. Le pèlerinage du pape en Syrie offre au régime syrien l’occasion de démontrer qu’il incarne véritablement le nationalisme arabe laïque, un modèle de dépassement des identités religieuses développé dès le XIXe siècle, notamment par des intellectuels chrétiens, pour dépasser le clivage entre chrétiens et musulmans, et proposer du monde arabe une vision nationaliste, plutôt que religieuse. Ce régime, qui a eu des avantages certains sur le plan de la laïcisation de la vie publique, a quand même porté un coup sévère aux Églises. C’est ainsi qu’en raison de l’effort d’uniformisation de la société syrienne, les écoles tenues par des congrégations religieuses ont été nationalisées. Terre de passage et d’invasions, la Syrie a subi des influences culturelles très diverses. L’imprégnation arabe y a commencé bien avant la conquête islamique à travers les tribus plus ou moins sédentarisées. Elle est devenue très profonde au VIIe siècle, lorsque les califes omeyyades ont établi, pour une centaine d’années, le seul empire véritablement arabe de l’histoire, centré sur la Syrie et gouverné depuis Damas. Les Églises du pays en ont été très marquées et, aujourd’hui encore, donnent d’elles-mêmes l’image la plus «arabe» de toutes les chrétientés d’Orient. La diversité communautaire Parmi les pays du Moyen-Orient, la Syrie est, avec le Liban, le pays qui présente la plus grande diversité communautaire. Aux onze confessions chrétiennes s’ajoutent plusieurs musulmanes (sunnites, alaouites, druzes et chiites), sans parler des minorités ethniques, comme les Kurdes et de la petite communauté juive. Après un régime ottoman qui a exacerbé les particularismes confessionnels, le Baas se veut le noyau d’un régime laïque. Il n’est jamais fait état d’une appartenance religieuse dans les documents publics et la vie administrative. L’appartenance religieuse ne figure pas, non plus, sur la carte d’identité. La diversité communautaire n’est pas contestée pour autant, mais elle est – officiellement du moins –, rejetée en dehors du champ politique. «La liberté de croyance est garantie», affirme la Constitution syrienne de 1973. L’État «respecte toutes les religions, garantit la célébration de tous les cultes pourvu que cela ne trouble pas l’ordre public». De fait, il n’existe pas en Syrie de restrictions à la pratique du culte chrétien ni à l’extériorisation de l’identité chrétienne. Les cérémonies religieuses se pratiquent sans souci de dissimulation et les fêtes chrétiennes sont célébrées sans discrétion excessive. Seule de tous les pays arabes, avec le Liban, la Syrie ne reconnaît pas l’islam comme religion d’État. Tous les citoyens y sont égaux en droits, et aucune discrimination n’a de support juridique. Toutefois, la question de la place de l’islam dans l’État a été à l’origine d’une crise de régime sérieuse en 1973, où un amendement constitutionnel a précisé que le chef de l’État devait être musulman, alors que le projet initial ne faisait pas mention de son appartenance religieuse. Revers de la médaille : la population est placée sous une surveillance étroite, les ministres du culte doivent manifester leur allégeance au régime. Tout, dans le discours politique, l’enseignement, l’information, vise à faire prévaloir le sentiment d’appartenance nationale. Mais on peut en revanche créditer le régime syrien d’avoir observé un certain équilibre dans l’approche du problème religieux, et de loger le christianisme et l’islam à la même enseigne, même si la pratique n’est pas toujours à la mesure des principes. Pour tout ce qui concerne les chrétiens d’Orient, l’ouvrage fondamental à consulter est l’étude de J.-P. Valognes Vie et Mort des Chrétiens d’Orient (Fayard) qui, malgré son titre crépusculaire, est un ouvrage de référence riche, documenté et, pour l’essentiel, objectif.
La Syrie, berceau du christianisme ? Oui, mais en réalité, c’est tout l’Orient qui en est le berceau, et d’abord la terre de Palestine, où le Christ est né, où il a grandi, est mort et est ressuscité. La Syrie, pour sa part, est l’une des premières terres d’implantation du christianisme. Elle est, en tout cas, le théâtre de la conversion de saint Paul, l’un des...