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Actualités - CHRONOLOGIES

Liban-Onu - Double tutelle de Chirac et de Abdallah ben Abdel-Aziz - Avec Annan, Hariri réussit un véritable tour de force

Ce n’est pas que la kyrielle d’entretiens à Washington entre Rafic Hariri et tous les dirigeants US n’ait pas été importante. Loin de là. C’était un premier contact indispensable, une manière, assez impressionnante d’ailleurs, de baliser le chemin. Mais la réunion, avant-hier samedi à New York, entre le secrétaire général de l’Onu Kofi Annan et le Premier ministre était primordiale. Dans le sens où le principal sujet évoqué – la situation au Liban-Sud – peut être considéré, sans erreur d’interprétation aucune des échelles de valeurs, comme étant le premier maillon de la chaîne. Une chaîne dont le but serait de renverser la vapeur, pour tenter de commencer concrètement à faire en sorte que le Liban sorte de l’insupportable marasme économico-politico-sécuritaire dans lequel il s’enfonce. Un peu plus chaque jour. À l’ombre, notamment, de l’impressionnant pessimisme du ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine. Et tout concourt à dire, objectivement et avec de la mesure, que Rafic Hariri, une nouvelle fois, a réussi : obtenir d’un dirigeant mondial, pour le Liban, les moins mauvaises – ou les meilleures – des alternatives. Grâce, surtout, dit-on, à ses deux anges gardiens… Avant la rencontre Deux remarques, d’abord. Primo, l’entretien Annan-Hariri n’était pas prévu au programme. Pourquoi a-t-il semblé se greffer, ex abrupto, à la feuille de route du Premier ministre ? Se greffer du moins en apparence, parce que à en croire une source ministérielle, la rencontre aurait été programmée «quelques jours avant le départ» de la délégation libanaise de Beyrouth. Trois hypothèses. Dans les milieux de la délégation libanaise, depuis Washington, on avançait non sans malice la théorie du «concours de beauté». Comprendre par là qu’impressionné sans doute par le «carnet de bal» prestigieux d’un Rafic Hariri qui s’est entretenu avec les plus grands responsables du pays-leader planétaire, Kofi Annan aurait voulu, à son tour, le recevoir. Plus sérieusement, et toujours selon les mêmes sources, la réunion aurait eu lieu grâce aux contacts et au travail fourni en amont par une tierce personne, «un des ministres accompagnant Rafic Hariri». Troisième hypothèse, la plus cartésienne, la plus évidente aussi : le locataire de la Maison de Verre aurait profité de la présence sur le continent nord-américain du n° 3 libanais pour l’inviter à venir s’entretenir avec lui, à New York, d’une situation devenue, à réécouter Hubert Védrine, des plus alarmantes. Secundo, cet entretien a eu lieu en la résidence personnelle du secrétaire général de l’Onu. Et non pas au siège des Nations unies. Et la nature du cadre des discussions, pour anecdotique que ce dernier puisse paraître, n’en demeure pas moins significative. Conférant par là un cachet encore plus extraordinaire à cette rencontre. Notons enfin que Kofi Annan s’entretiendra, dans les très prochains jours, avec le ministre israélien des AE Shimon Peres. Une entrevue importante par son timing : elle intervient juste après celle entre Annan et Hariri, juste après, également, la tournée jordano-égyptienne du ministre israélien. Comment les choses se dessinaient-elles avant la rencontre Annan-Hariri ? Et, surtout, à moins de trois mois de la fin du mandat des forces de la Finul au Liban-Sud. Un bref rappel : des rumeurs tenaces circulaient ces derniers jours, selon lesquelles la Finul se retirerait au cas où l’armée ne se déployait pas le long de la frontière avec Israël. Sachant que l’envoi de l’armée au Sud – selon tous les analystes politiques, arabes comme étrangers, installés à Washington – serait la condition sine qua non exigée par l’Administration US pour débloquer ses millions et renforcer son soutien. Dans tous les cas, des rumeurs de retraits qu’a démenties Rafic Hariri, vendredi dernier, et en exclusivité pour L’Orient-Le Jour : «La Finul ne se retirerait pas». Tandis qu’à la Maison de Verre, et tel que l’avait rapporté notre correspondante à l’Onu Sylviane Zéhil, deux tendances se disputaient. Soit l’on allait vers une réduction drastique et immédiate des forces onusiennes, qui seraient passées de 5 700 à 2 000 – il y aurait même eu un projet français, à l’origine duquel aurait été le gouvernement Jospin, d’en arriver à 1 800. Soit l’on allait vers une réduction plus progressive de ces dernières, en tenant compte de la situation sur le terrain. Cela, sans parler du changement probable de la fonction des forces de la Finul – qui, de «forces pour le maintien de la paix» passeraient à «forces de surveillance». Chose avec laquelle le Liban n’était pas en désaccord sur le fond, mais bien plutôt sur le timing : «Trop tôt». Annan change d’avis Comment les choses ont-elles évolué pendant et jusqu’à la fin de l’entretien ? Force est de constater que là, Rafic Hariri a fait très fort. Il y avait trois éventualités. Un : réduire le nombre des forces de la Finul, entre juin et décembre, à 1 800, en modifiant leur fonction. Deux : les réduire à 3 000 sans leur changer de fonction. Trois : ne les réduire qu’à 4 500, un nombre qui ne sera pas inférieur à celui d’avant mai 2000 – une réduction graduelle, à partir de maintenant et jusqu’à la fin de leur mandat, prévue le 31 juillet prochain. Et c’est cela que Kofi Annan aurait promis à Rafic Hariri, selon des sources confirmées au sein de la délégation libanaise. Et ce malgré la détermination du secrétaire général de l’Onu – à en croire des sources diplomatiques onusiennes – de sortir de son entretien avec Rafic Hariri en annonçant devant la presse que c’est l’éventualité n° 1 qui sera appliquée. C’est-à-dire que d’ici à juillet, la Finul serait réduite de 1 200 hommes pour se retrouver à 4 500, et qu’«ensuite, on verra bien, selon la situation». Et ce aussi malgré la position de Terjé Roed-Larsen, telle qu’il l’aurait communiquée à Farouk el-Chareh – le retrait de la Finul si l’armée libanaise ne se déployait pas. D’autant plus, toujours selon ces mêmes sources diplomatiques, que Tel-Aviv «aurait vu d’un mauvais œil une réduction drastique des forces de la Finul». Un autre son de cloche onusien, beaucoup plus isolé celui-là, disait par contre qu’aucune réduction drastique ne serait faite, étant donné que la situation au Liban-Sud n’avait pas beaucoup évolué depuis le retrait israélien. Rafic Hariri ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Kofi Annan, a-t-on appris de sources diplomatiques onusiennes, entendait présenter, dans deux semaines à l’Onu, un rapport assez négatif pour le Liban – et plus particulièrement pour les opérations du Hezbollah au Liban-Sud. Il aurait, dit-on, changé d’avis après l’entretien d’avant-hier samedi. Autre fait, moins primordial certes, mais tout aussi important : le locataire de la Maison de Verre viendra à Beyrouth en octobre prochain, pour le IXe sommet des chefs d’État ou de gouvernement francophones. Alors qu’il avait décidé, fermement, de ne pas être présent pour l’occasion dans la capitale libanaise et avait même envoyé une lettre officielle en ce sens au ministre de la Culture, Ghassan Salamé. Le Premier ministre l’aurait également convaincu, en utilisant, cette fois, quatre arguments – selon des sources confirmées au sein de la délégation libanaise. «Un : pourquoi ne se rendrait-il pas à Beyrouth alors qu’il était présent à Moncton ? Deux : 55 pays, qui seront représentés en octobre à Beyrouth, verraient d’un mauvais œil l’absence d’Annan, à la veille de sa réélection de l’Onu. Trois : les Français, tel que l’aurait dit Jacques Chirac à Kofi Annan, seraient très fâchés de son absence. Et quatre : Hariri aurait fait remarquer qu’il ne pouvait pas, décemment, dire au Premier ministre canadien Jean Chrétien (qu’il rencontre aujourd’hui) que Kofi Annan ne se rendra pas à Beyrouth». Une dernière chose, enfin : le dîner et la rencontre entre Rafic Hariri et Jean-David Levitte, l’ambassadeur de France aux Nations unies. De même que les entretiens téléphoniques entre le Premier ministre et le chef de l’État. A priori favorable Quoi qu’il en soit, l’entretien entre le Premier ministre et le secrétaire général de l’Onu a duré exactement une heure. Il a regroupé, du côté onusien et autour de Kofi Annan, Ibrahima Fall, le sous-secrétaire adjoint au département des Affaires politique, Hadi Annabi, le sous-secrétaire adjoint au département des opérations de maintien de la paix, et Staffan de Mistura, le représentant personnel du secrétaire général au Liban-Sud. Tandis que du côté libanais, outre le président du Conseil, se trouvait l’ambassadeur libanais auprès des Nations unies Sélim Tadmouri – les deux hommes avaient dîné ensemble la veille, et le courant, dit-on, passe très bien entre eux, contrairement aux rapports houleux qu’entretiennent Rafic Hariri et Farid Abboud, le très lahoudien ambassadeur libanais à Washington. Selon des sources proches de la délégation libanaise, la rencontre a été franche et positive. Une rencontre au cours de laquelle Rafic Hariri a insisté clairement et fermement sur «la libanité des fermes de Chebaa, que la Syrie même considère comme étant libanaises», indiquant en outre que «dans tous les cas, ces fermes n’étaient pas israéliennes, et que rien ne justifiait que l’État hébreu y reste». Et toujours selon ces mêmes sources, Kofi Annan, tout en accordant une plus grande considération à la vision de Rafic Hariri, donc à celle du Liban, est resté particulièrement attaché aux positions de l’Onu. À savoir «le déploiement de l’armée au Liban-Sud et l’arrêt immédiat des actions du Hezbollah le long de la frontière». Une réunion de grande importance donc, et aux résultats très positifs pour le Liban. «Un vrai tour de force», a-t-on entendu de la part d’observateurs installés à New York. Et ce qui est tout aussi intéressant, sinon plus, serait de savoir pourquoi, et comment, Rafic Hariri a réussi à faire changer d’avis Kofi Annan. Les sources proches de la délégation libanaise parlent de «l’inattaquable argumentation du Premier ministre, qui aurait insisté sur les très grands risques et dangers qui menaceraient tant le Liban que la région, si la Finul se retirait». D’autres inscrivent la rencontre en la résidence de Kofi Annan dans son cadre temporel. «Elle intervient à la suite de la série d’entretiens plutôt positifs entre le Premier ministre et les dirigeants US. Et sachant que l’Onu obéit – ou est forcée d’obéir – aux directives ou aux recommandations américaines, la relation de cause à effet est vite faite». Sauf qu’il semblerait que l’explication la plus plausible, la plus logique, soit la suivante, telle qu’entendue par L’Orient-Le Jour : «Hariri a désormais un a priori très positif en Occident. Et puis ce qui a sauvé sa tournée, c’est autant sa position à l’encontre de la dernière opération du Hezbollah dans les fermes de Chebaa (i.e. la manchette d’al-Mostaqbal au lendemain de l’attaque), que son refus de voir se tenir à Beyrouth une conférence négationniste. Mais surtout, où qu’il aille, il est accompagné par ses anges gardiens, les deux ombres de Jacques Chirac et d’Abdallah ben Abdel-Aziz». Espérons juste, pour le Liban, que cette (double très) bonne étoile perdure. La présidentielle française est pour dans un an… Rafic Hariri aurait tout intérêt à ne prendre aucun risque et à s’entretenir, demain mardi ou après-demain mercredi, également, avec le Premier ministre français Lionel Jospin.
Ce n’est pas que la kyrielle d’entretiens à Washington entre Rafic Hariri et tous les dirigeants US n’ait pas été importante. Loin de là. C’était un premier contact indispensable, une manière, assez impressionnante d’ailleurs, de baliser le chemin. Mais la réunion, avant-hier samedi à New York, entre le secrétaire général de l’Onu Kofi Annan et le Premier...