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Actualités - CHRONOLOGIES

PORTRAIT D’ARTISTE - Nazir Ismaïl à la galerie Agial jusqu’au 21 avril - Visages sur papier fait main

Des visages, encore des visages, presque jumeaux mais avec des détails infimes qui font toute la différence. Un trait vertical accentué les fait ressembler à un livre ouvert, une poire renversée pour la forme générale, sur laquelle sont ajoutées des fentes pour les yeux et des lignes verticales pour les sourcils et voilà qu’apparaît un os ancien sculpté. Nazir Ismaïl, artiste syrien né en 1948, est fasciné par cet aspect de l’être humain, «le miroir de l’intimité et le lien avec l’extérieur», sans distinction de sexe : ici, les visages sont sans cheveux, sans oreilles, sans aucun signe, pour différencier l’homme de la femme : Comme l’a écrit l’écrivain syrien Antoun Mokdessi, précise-t-il, ils sont parfaitement indistincts». Isolés en portraits saisissants pour quelques-uns, la plupart sont représentés en groupes, en grappes plutôt. Des empilements de visages : à chaque étage, une histoire différente, comme dans les immeubles des quartiers surpeuplés de Damas, où Nazir Ismaïl vit avec ses voisins comme avec sa famille : le terrain d’observation est vaste. Reprendre la chaîne du début Un visage asexué en relation avec le monde qui l’entoure, surmonté d’un oiseau ou d’un poisson, mais aussi un visage sans expression particulière, à peine perceptible, réduit à sa plus simple représentation. Nazir Ismaïl confie dans un sourire l’explication : «Je n’ai pas connu mon père. Un jour, dans mon enfance, j’ai vu la photo d’un homme et je suis persuadé depuis que c’est celle de mon père. Peut-être que, dans ces peintures, je le cherche encore». Voilà pour le thème. Car s’il lui accorde une importance certaine, très attachée au souvenir, il voue une passion d’artisan au papier, qu’il confectionne lui-même. Son exigence est telle qu’il va jusqu’à créer son propre cahier de dessins. «J’aime reprendre la chaîne depuis le début. Après tout, certains matériaux, certaines couleurs réagissent différemment selon la composition du papier». Nazir Ismaïl reste discret sur les secrets de confection de ces supports tantôt gaufrés, tantôt simplement gondolés, au grain épais ou fin, qui, de toute façon, n’ont pas passé sous une presse. Patience et minutie «J’avance avec patience et minutie, puisque l’art est, après tout, le meilleur moyen pour dire ce qu’on pense», ajoute-t-il. Il raconte les 200 clichés pris, par lui ou ses amis photographes, d’un morceau de baril d’essence, minutieusement comparés, qui seront à l’origine d’un travail unique final : «La vie des objets utilisés puis jetés m’intéresse, explique-t-il. J’en ramasse au gré de mes promenades. Ils peuvent rester longtemps tels quels dans l’atelier, puis trouvent brusquement leur utilité». Artisan, mais aussi chercheur de nouvelles textures, de nouvelles matières (il utilise fréquemment l’asphalte et le miel par exemple), il explique cet intérêt par l’enfance, encore elle : «Quand j’étais petit, je m’amusais à plonger des morceaux de laine teints dans l’eau pour voir la couleur quitter la laine et se mélanger au liquide». Les visages de Nazir Ismaïl, déposés par dizaines sur un papier étonnant, nouveau, jamais vu ailleurs et pour cause, et peints à partir de matières hétéroclites et de couleurs belles et rares sont un exemple éloquent de l’éternel redéploiement du figuratif, ici très épuré. Comme dans un rêve.
Des visages, encore des visages, presque jumeaux mais avec des détails infimes qui font toute la différence. Un trait vertical accentué les fait ressembler à un livre ouvert, une poire renversée pour la forme générale, sur laquelle sont ajoutées des fentes pour les yeux et des lignes verticales pour les sourcils et voilà qu’apparaît un os ancien sculpté. Nazir Ismaïl,...