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Actualités - CHRONOLOGIES

AL-BUSTAN - « Roméo et Juliette » ce soir, 20h30 - L’amour en Givenchy

Ceux qui ont assisté à la première de la création de Roméo et Juliette au Bustan mardi soir ne s’attendaient sans doute pas à voir ce qu’ils ont vu. La mise en scène de Daniel Kramer, un jeune Américain de 24 ans, est pour le moins ébouriffante. Bien sûr, l’adaptation au cinéma par le réalisateur australien Baz Luhrmann en 1996 a changé la donne et a injecté un sang neuf à l’œuvre de William Shakespeare. Et Daniel Kramer fait évidemment partie de cette mouvance qui sort le génial auteur du carcan victorien dans lequel il était enfermé. Sur scène, un balançoire et de longs rubans de soie pendent du plafond : les comédiens de la troupe des Shakespeare Players sont aussi des acrobates remarquables, sautant, bondissant, grimpant et se contorsionnant tout en jouant leur rôle dans la langue de l’époque. Le texte est vivant, vibrant dans le mouvement des corps : une idée formidable, qui permet au public de se passer de traduction et de suivre, à son grand étonnement, l’histoire comme s’il s’agissait d’une langue familière. Qualité de l’interprétation Les Capulet et les Montague : deux familles de Vérone qui se haïssent sans se cacher, cherchant la bagarre et le duel à chaque coin de rue. Le prince de la ville essaie tant bien que mal, alternant la clémence et la colère, de calmer les choses, mais la fierté et la rancœur sont tenaces. Capulet, le père de Juliette, remarquablement interprété par Mark E. Smith, tout de rouge vêtu, les cheveux en bataille, a des allures d’empereur décadent, tandis que Lady Capulet (beau jeu de Kate Olivia Higginbottom), moulée dans des robes très années folles, ne pense qu’à s’amuser et à marier sa fille. Juliette (extraordinaire Gwendolyn Warnock), la rêveuse, la pure, la passionnée de 14 ans, a à peine besoin d’une tunique blanche pour exprimer le fond de son être : l’amour à l’état pur, un ange, une «sainte» qui emporte le cœur de Roméo, fils de Capulet, dans la très belle mise en scène du bal (acte I, scène 5) : «Oh ! Elle apprend aux flambeaux à illuminer ! Sa beauté est suspendue à la face de la nuit comme un riche joyau à l’oreille d’une Éthiopienne ! Etc.». Roméo, le beau Logan Brown – dont le physique n’a rien à envier à celui de Leonardo Di Caprio –, en bleu nuit, une écharpe crème ou gris pâle constamment autour du cou ou entre les mains, est fou amoureux, souvent à genoux, souvent fougueux, comme les adolescents de son âge : un geste furtif vers sa braguette, en présence de Juliette, n’a pas échappé à certains spectateurs prudes, qui n’ont pas vraiment apprécié. Il faut aussi saluer la magnifique interprétation de Stephanie Kehoe dans le rôle de la nourrice de Juliette, mais aussi celle de Joe Foust, alias Mercutio, et celle de Frère Laurence, incarné par Kirjan Waage. Daniel Kramer, en signant cette mise en scène tout en mouvements et en acrobaties, en éclats de rire et de colère, a résolument choisi son camp : il semblerait que, pour lui, les querelles violentes entre deux familles puissantes doivent être montrées dans toute leur ridicule absurdité. D’où la persistante impression d’être, non pas au théâtre, mais au cirque : les costumes sont beaux et cocasses à la fois, les époques s’y téléscopant sans cesse : un nœud papillon et une cape façon XIXe siècle romantique portés avec des bottes de cow-boy pour Pâris, le prétendant de Juliette ; la nourrice et son éventail de duègne ; Mercutio mi-chevalier mi-motard en cuir et satin vert pomme ; le moine Laurence oscillant entre la bouffonnerie et le spirituel, sans oublier Capulet, sorte de «Joker» cruel et fou de dessin animé. Le dépouillement extrême du décor ne fait que rehausser la couleur et la qualité de ces vêtements de scène (60 au total), entièrement dessinés par Andrew Heather, de la maison Givenchy. Un réel plaisir des yeux et de l’oreille. Coup d’essai et coup de maître donc pour le Festival du Bustan, qui s’est offert une création d’une qualité irréprochable menée par une jeune génération de comédiens à suivre.
Ceux qui ont assisté à la première de la création de Roméo et Juliette au Bustan mardi soir ne s’attendaient sans doute pas à voir ce qu’ils ont vu. La mise en scène de Daniel Kramer, un jeune Américain de 24 ans, est pour le moins ébouriffante. Bien sûr, l’adaptation au cinéma par le réalisateur australien Baz Luhrmann en 1996 a changé la donne et a injecté un sang...