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Actualités - REPORTAGES

ENVIRONNEMENT -Nouveau plan directeur de la ville - Sauver les montagnes et le littoral - de Jounieh de l’avancée du béton

Du «plus beau lagon du monde», telle que l’a surnommée dans le passé Ernest Renan, la région de Jounieh est devenue, ces dernières années, l’exemple type des paysages défigurés par les constructions anarchiques qui ont pratiquement envahi le littoral et la montagne. Il était temps d’arrêter le massacre, même si, à bien des égards, il est déjà trop tard. À l’instar de plusieurs localités libanaises, la région de Jounieh (hauteurs et littoral) a été l’objet d’un étude de la Direction générale de l’urbanisme (DGU) pour l’établissement d’un nouveau plan directeur de la ville. «L’Orient-Le Jour» a fait le point avec la municipalité de la ville sur cette réelle opération de sauvetage. Le plan directeur initial de la ville de Jounieh (capitale du caza du Kesrouan, au nord de Beyrouth) date de 1960. Il a été appliqué depuis ce temps-là, alors qu’on estimait que la population de la ville n’excéderait pas les 60 000 âmes en 2000. Mais c’était compter sans la guerre qui a résulté en un flux important d’habitants fuyant la capitale vers les banlieues, élevant le nombre actuel de résidents à 100 000. Ces circonstances exceptionnelles ont conduit à une multiplication incontrôlée des constructions. Or, le plan directeur initial n’imposait pas de conditions assez strictes pour empêcher l’invasion du béton à un rythme effréné, chose que les responsables de l’époque n’avaient probablement jamais prévue. La hauteur tolérée pour les immeubles était de 32 mètres (soit environ onze étages). En 1980, la loi dite de «l’étage Murr» (qui permet d’ajouter un étage à l’ensemble) n’a pas arrangé les choses. De plus, le manque de contrôle, qui a caractérisé la période allant, globalement, de 1975 à 1994, a sonné le glas de la protection des espaces verts et du littoral. Les principales victimes de cette négligence prolongée sont les montagnes surplombant Jounieh, réputées pour leur couverture végétale et leur proximité de la côte, aujourd’hui grignotées par des immeubles atteignant les dix étages et plus. Parmi ces montagnes, celle, célèbre, où se trouve la statue de Notre-Dame du Liban à Harissa (et qui se rattache à deux municipalités, Jounieh et Daraoun). Outre les bâtiments anarchiques, le site a également été défiguré par une grande «cicatrice» causée par la construction de la nouvelle route qui mène à l’église et à la cathédrale de Harissa ainsi qu’au patriarcat maronite de Bkerké. Aujourd’hui, la municipalité essaie de remédier à cet inconvénient par l’installation de plantes grimpantes sur la roche mise à nu, en collaboration avec des collectivités locales telles que le Lions Club. Autoroute A2 : danger écarté ? Pour préserver l’espace encore vert, il fallait donc agir vite. En préparant avec la DGU un nouveau plan directeur pour la ville, la municipalité a pu assurer le gel des constructions jusqu’en 1999. Le nouveau plan consistait à réduire les hauteurs de construction permises et de concentrer les plus grands taux d’exploitation vers le centre-ville, tout en les diminuant à la montagne. Ainsi, la hauteur maximale de construction a été fixée, en ville, à 22 mètres (environ sept étages). Deux régions ne sont pas concernées par ce nouveau plan : la zone réservée des anciennes demeures sur la côte et la forêt de Harissa. Les travaux potentiels y sont encore bloqués jusqu’à ce que des études plus poussées soient effectuées en vue de la préservation de la forêt de Harissa et de la restitution de la façade maritime. Malheureusement, comme on nous le précise à la municipalité, des promoteurs ayant obtenu précédemment des permis de construire continuent leur œuvre, malgré l’interdiction actuelle, ce qui explique l’existence de quelques chantiers qui sévissent encore. Il faut préciser que cette forêt a failli être traversée par une autoroute appelée A2, parallèle à l’autoroute actuelle, devant desservir toutes les régions du Kesrouan. Mais il est prévu que cette autoroute aura une largeur de quelque 70 mètres ! Selon les responsables municipaux et de nombreux opposants au projet, elle aurait ravagé l’ensemble de la forêt. Le danger, selon eux, devrait être aujourd’hui écarté, mais les alternatives restent incertaines. Une autoroute superposée à la route actuelle a été proposée. Selon le service technique de la municipalité, elle présenterait de nombreuses difficultés mais aussi risquerait d’augmenter sensiblement la pollution atmosphérique et sonore dans la ville. Une autre solution a été proposée : un tunnel sous la montagne dont l’éventualité a été étudiée par la municipalité et le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). Les nombreuses vallées lui fourniraient une ventilation naturelle, et il aurait un caractère durable et sans impact écologique important, toujours selon le service technique. Mais un tel tunnel coûterait la bagatelle de 70 millions de dollars de plus qu’un autre projet, quel qu’il soit. Revêtement en pierre et toit de tuiles Les nouvelles études s’efforceront donc de protéger les espaces verts restants en y imposant des taux d’exploitation très bas et pour toutes constructions permises des villas. Certes, le problème le plus grave auquel la municipalité a dû faire face a été de trouver les fonds pour dédommager les propriétaires. Mais le régime spécial adopté par la municipalité et la DGU pour cette montagne a permis de sauvegarder le reste de la forêt de pins. L’un des principaux propriétaires de ces espaces verts, le patriarcat maronite, a été contacté par la municipalité et sensibilisé à la cause. Pour ce qui est de la façade maritime, l’étude tiendra compte de l’existence de formations sur la mer qui représentent des agressions sur le littoral et qui devraient être incluses dans la solution finale, avec la possibilité, nous dit-on, de l’élimination de certaines installations. Même les nouveaux bâtiments en ville seront soumis à des conditions supplémentaires : ils devront, dorénavant, être recouverts en pierre naturelle, avec un toit de tuiles et des parkings supplémentaires prévus pour chaque appartement. La municipalité se réserve le droit d’exiger des améliorations dans les bâtiments existants. Dorénavant, les permis de construire seront accordés selon le nouveau plan directeur et devront être munis de plans architecturaux détaillés (façade, volume et perspective) et d’une étude d’impact environnemental effectuée par le service d’architecture de la municipalité. Selon les responsables municipaux, ces mesures ont reçu l’approbation de l’écrasante majorité des ingénieurs et des architectes. Réagir, même si le mal est fait. C’est ce qui se passe actuellement. Mais on se prend à rêver que l’État a procédé à un contrôle plus efficace plus tôt, du moins depuis la fin des événements… Et pour toute consolation, on se rince l’œil en admirant (?) le béton.
Du «plus beau lagon du monde», telle que l’a surnommée dans le passé Ernest Renan, la région de Jounieh est devenue, ces dernières années, l’exemple type des paysages défigurés par les constructions anarchiques qui ont pratiquement envahi le littoral et la montagne. Il était temps d’arrêter le massacre, même si, à bien des égards, il est déjà trop tard. À...