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Actualités - REPORTAGES

Histoire - La pratique médicale dans les temps anciens - III - Les médecins phéniciens recouraient déjà à la description clinique - -

Le traitement des maladies ne se limitait pas en Phénicie à des pratiques relevant de la médecine sacerdotale ou de la superstition. À côté de celle-ci, nous trouvons la médecine scientifique, basée sur l’observation clinique, et le soin des maladies, soit par le moyen de la chirurgie, soit par l’usage de médicaments appropriés. Mais auparavant, présentons sommairement le personnage même du médecin. Les médecins étaient généralement des professionnels constitués en guildes soumises à des règlements dont nous ignorons aujourd’hui les détails. Nous savons cependant qu’ils touchaient des honoraires pour les services qu’ils rendaient, qu’ils occupaient une position sociale élevée et que toutes les classes de la population avaient recours à leurs soins. Et il était courant que les médecins soient appelés en consultation par des gens habitant des villes voisiness (voir L’Orient-Le Jour des 1er mars et 21 février). La carrière médicale était généralement héréditaire et se transmettait de génération en génération dans une même famille, ce qui permettait aux praticiens d’améliorer leur art et leurs connaissances. N’oublions surtout pas de préciser que l’obstétrique était une spécialité généralement réservée aux sages-femmes. La médecine phénicienne scientifique, fille de la médecine sacerdotale, sans tout à fait se départir de la superstition (celle-ci s’est d’ailleurs maintenue dans la médecine jusqu’au XVIIIe s. de l’ère chrétienne), avait atteint un stade remarquable. Les descriptions cliniques étaient connues et la thérapeutie, dans le sens actuel du mot, n’était pas ignorée. La terre divine du Liban Les Phéniciens croyaient l’homme composé d’un corps et d’une âme. Après la mort, les âmes vertueuses se rendaient aux Champs de El ou Champs-Élysées qui ne sont autres que la terre divine du Liban. Le sang était considéré comme le siège de la vie, car c’est par la circulation sanguine que la vie était maintenue, et belle métaphore, c’est avec le sang que la vie s’écoulait du corps. Avant de se prononcer, le médecin constate. Il examine soigneusement les différentes parties du corps de la tête aux pieds. Il dissocie pour être complet les organes doubles considérant successivement la droite puis la gauche, avant de les examiner conjointement et si un organe est unique il distingue la partie droite de la partie gauche. Il énumère leur couleur dans un ordre stéréotypé : rouge, jaune, noir, sombre. Bref, nous retrouvons les procédés visant à couvrir tout le champ d’observation faute de pouvoir procéder à une analyse véritable. En fait, ce qui est visé, c’est moins la maladie elle-même que son issue. C’est pourquoi le diagnostic est le plus souvent négligé, cependant que le médecin met l’accent sur les symptômes ou les symptômes dont il cherche à en tirer immédiatement un pronostic. Et comme cette exploration en quelque sorte spéciale ne paraît pas suffisante, il procède à l’examen des différentes phases de la maladie, notant sa durée, ses jours et ses heures critiques dont il continue à tirer immédiatement des pronostics. Il ne fait pas de doute que les médecins avaient une connaissance approfondie de l’anatomie du corps et de la formation physiologique de l’homme. Le livre de Job nous donne à ce propos une description poétique, mais combien véridique, du processus de la formation de l’homme dans le sein maternel : «Tu m’as coulé comme du lait, est-il écrit, tu m’as caillé comme du fromage, tu m’as tissé d’os et de nerfs, tu m’as revêtu de peau et de chair, tu m’as accordé ta grâce avec la vie». Pour ce qui est de la détermination des maladies, les médecins avaient amassé une somme appréciable de connaissances à ce sujet et rendaient des diagnostics étonnants par leur subtilité. Des conseils prophylactiques sont ensuite donnés pour éviter la contamination par les objets ayant appartenu à des personnes atteintes de maladies contagieuses. La chirurgie En attendant que de tels traités de médecine soient retrouvés, nous sommes certains pour l’instant que les chirurgiens phéniciens étaient très habiles et que la chirurgie avait atteint en Phénicie un degré de perfection remarquable. La petite chirurgie. Curetage de plaies, réduction de fractures semblent avoir été pratiqués. L’opération la plus fréquente était la circoncision, encore est-elle considérée non point comme hygiénique mais plutôt comme une sorte de sacrement. L’instrument employé était un couteau en silex. On a découvert dans une tombe 700 crânes dont 3 étaient perforés à la partie supérieure, cela semble indiquer que l’opération du trépan était couramment pratiquée à une époque très reculée. On peut penser à l’hypothèse d’un prélèvement sur le cadavre de parcelles de la boîte crânienne en vue de la fabrication d’amulettes. Pourtant, les spécialistes insistent sur le fait que les parois mousses du trou de trépan paraissent indiquer une opération sur le vif. En ce cas, il resterait à savoir si l’opération avait été pratiquée à des fins proprement thérapeutiques ou pour provoquer l’expulsion des mauvais esprits. Il convient de mentionner que, pour les opérations chirurgicales, les médecins phéniciens utilisaient un anesthésique extrait du pavot (serait-ce l’héroïne ou la morphine ?), que les commerçants exportaient comme produit pharmaceutique, ainsi que nous l’apprend Homère dans l’Odyssée. La chirurgie dentaire avait également atteint un degré de perfection remarquable. On est surpris de constater par exemple, dans les mâchoires de beaucoup de crânes phéniciens, des dents plombées en or, des sutures en filigrane, et des rateliers si ingénieusement travaillés qu’ils défient les plus grands perfectionnements de l’art dentaire. L’hygiène Il nous reste, pour terminer, à décrire, d’ailleurs assez brièvement, la conception de l’hygiène dans la cité ou, comme nous disons de nos jours, dans la ville municipe. Il ne fait pas de doute que les Phéniciens ont vite senti la nécessité d’aménager dans chaque cité un réseau d’égouts. Cette nécessité a été dictée par deux impératifs : d’abord l’évacuation des eaux de pluie, faute de quoi la cité serait submergée à l’intérieur de ses murs. Ensuite l’évacuation de l’eau ménagère à l’extérieur de la cité, dans un but manifestement hygiénique, les fouilles archéologiques ont permis de découvrir à Ugarit, pour ne citer que cette ville, un important réseau d’égouts rattaché à un collecteur géant, véritable tunnel souterrain, muré en pierres sèches, couvert de dalles dégrossies et dont la hauteur dépasse les 150 centimètres. L’hygiène corporelle est rudimentaire et les renseignements que nous avons sur ce sujet sont fort peu explicites. Des ablutions fréquentes sont rendues nécessaires par la chaleur et la poussière des routes. Aussi laver les pieds des voyageurs est-il considéré comme un des premiers devoirs de l’hospitalité. Les installations balnéaires sont peu développées. Une baignoire courte en terre cuite a été trouvée à Megiddo. Elle avait dû faire partie du mobilier d’une salle de bains analogue à celles du palais assyrien d’Arslan-Tash, avec leurs dalles percées pour le drainage des eaux usées, leur pavement de briques, leurs plinthes asphaltées et le soubassement de leurs baignoires. Un bain de pieds portatif a été découvert à Samarie parmi de la poterie des IXe-VIIIe siècles avant notre ère. C’est un bassin ovale d’environ 60 cm de long et 40 cm de large, profond de 16 cm et pourvu d’un support central de dimensions convenables pour poser le pied. Cet ustensile n’est pas sans analogie avec les bains de pieds de terre cuite, wadu, qui servent aux ablutions rituelles des paysans musulmans de Palestine. La propreté de la peau était assurée par l’emploi d’une lessive savonneuse. Après le bain, la chevelure et la barbe étaient ointes d’huile aromatique. L’usage du peigne, masrêq, est courant, plusieurs peignes d’ivoire provenant du trésor de Megiddo, bronze III, étaient ornés selon les traditions de l’art composite de cette époque. Sur le dos de l’un deux, on voit un chien attaquant une gazelle. Un peigne double représente un lion accroupi et des arbres stylisés. Un autre peigne double est divisé en deux registres ornés, l’un, d’une gazelle entre deux arbres, l’autre, d’un griffon ailé, ce sont là des objets de luxe. Les fouilles de Megiddo, de Tell Duweir et de Gézer ont livré plusieurs peignes ordinaires datés par leur contexte archéologique du bronze III et des âges du fer. La chevelure et la barbe étaient périodiquement «rafraîchies» au rasoir. Les lépreux purifiés devaient être entièrement rasés, Lev., XIV, 8 – 9. Certaines personnes consacrées, telles que les prêtres et les nezîrin, suivaient, pour ce qui concerne la coupe des cheveux et le port de la barbe, des règles particulières. Lev., XXXI, 5, Num., VI, 5, 9, 18. D’après deut., XXI, 15, l’Israéliste rasait la tête de la captive qu’il avait dessein d’introduire dans sa maison. Les onctions d’huile sur tout le corps semblent avoir été pratiquées dès avant l’introduction de l’hellénisme. La préparation des cosmétiques, riqqubin, au moyen d’aromates et d’un excipient gras, le plus souvent à base d’huile d’olive purifiée, était le fait d’artisans spécialisés. Aux crèmes et onguents, il faut ajouter les fards minéraux, en particulier le noir d’antimoine, puk, dont on enduisait les cils et les sourcils, parfois même le pourtour des yeux, soit pour augmenter par artifice la fixité et la profondeur du regard, soit pour atténuer les effets de la lumière trop vive. Parfums et fard étaient conservés dans des vases de terre cuite, d’albâtre ou de verre, de fabrication locale ou d’importation. Certains étuis à fard, faits primitivement de tubes de réseaux jumelés, furent reproduits on bronze ou en verre. Les boîtes à fond en forme de canard ou de cygne sont imitées des bibelots égyptiens, de même que les innombrables palettes en albâtre ou en ivoire, avec les spatules qui servaient à étaler le fard. La plupart de ces instruments ont été retrouvés dans des sépultures de femmes, où ils voisinaient avec les miroirs, broches et bijoux divers. Voilà tout ce que nous pouvons dire à propos de la médecine en Phénicie avant l’Antiquité classique. Il nous reste à espérer que les recherches archéologiques puissent un jour enrichir nos connaissances en ce domaine, ce qui nous permettrait de mieux reconstituer l’histoire de la médecine phénicienne, pour montrer l’importante contribution du Liban durant l’antiquité à l’évolution de la médecine dans le monde méditerranéen.
Le traitement des maladies ne se limitait pas en Phénicie à des pratiques relevant de la médecine sacerdotale ou de la superstition. À côté de celle-ci, nous trouvons la médecine scientifique, basée sur l’observation clinique, et le soin des maladies, soit par le moyen de la chirurgie, soit par l’usage de médicaments appropriés. Mais auparavant, présentons sommairement...