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Actualités - INTERVIEWS

Anouar el-Khalil : Un projet inconcevable partout ailleurs qu’au Liban

«Une fusion entre trois organes d’information comme Radio-Liban, l’Ani et Télé-Liban ne s’est produite nulle part au monde, exception faite pour le Koweït», affirme l’ancien ministre de l’Information Anouar el-Khalil en réaction au projet annoncé par l’actuel ministre Ghazi Aridi. Interrogé par «L’Orient-Le Jour», il souligne que l’on ne peut pas décider d’assainir une administration dans le vide, mais à partir d’études précises qui fixent les grandes orientations et les objectifs à atteindre au sein d’un ministère. Commentant le projet de «rattachement de Radio-Liban et de l’Ani à Télé-Liban», ratifié par le Conseil des ministres le 25 janvier dernier, M. Khalil affirme qu’il n’est pas viable. «Nous craignons que cette fusion (car c’est bien d’une fusion qu’il s’agit selon M. Khalil) n’aboutisse à transposer la crise d’un endroit (Télé-Liban), où l’on sait exactement quelles sont la nature et l’ampleur du problème, à l’ensemble des organes de l’information où les problèmes sont complètement différents», dit-il. Alors que TL fait face à un problème financier et administratif, à l’Ani et à la radio les problèmes sont de nature organisationnelle, estime l’ancien ministre qui considère qu’ils ne sont toutefois pas aussi graves sur le plan financier que dans le cas de la télévision. Reprenant les problèmes un à un, Anouar el-Khalil critique le projet de réforme des médias officiels adopté par le ministre Aridi. «Sur quel critère s’est fondé l’actuel ministre pour dire qu’il y a un surplus de fonctionnaires au ministère de l’Information ?», s’interroge Anouar el-Khalil. La méthode suivie par le nouveau ministre, «si méthode il y a», ne semble pas le séduire. «Nous, nous avions procédé à une étude de réorganisation globale du ministère de l’Information à partir de données scientifiques qui nous sont parvenues de la Réforme administrative», a-t-il souligné. Ce que l’ancien ministre signifiait par étude scientifique, c’était un projet de restructuration en bonne et due forme comprenant un organigramme bien défini qu’il avait dressé à l’époque où il était en charge de cette institution, dans le cadre d’un projet de loi présenté au Conseil des ministres. Celui-ci ne fit toutefois jamais son chemin jusqu’au Parlement, pour l’adoption finale. «Avant de parler de surnombre, il faut savoir quels sont les objectifs à atteindre, quel rôle nous voulons confier au ministère et par conséquent, quel est l’organigramme dont nous avons besoin». Une fois celui-ci précisé, il ne resterait plus qu’à définir les fonctions et les compétences à l’intérieur de cet organigramme, commente Anouar el-Khalil, qui était auparavant chargé de la Réforme administrative avant de passer à l’Information. Il rappelle que son projet prévoyait entre autre un concours limité pour pourvoir aux postes vacants. Ainsi, avance-t-il, tous les employés qui ne répondraient pas aux critères de la définition des tâches et de compétence préalablement établis allaient être d’office éliminés. Les surnuméraires Quelle était donc la solution proposée par Anouar el-Khalil pour résorber le surnombre ? Selon son projet de restructuration, les fonctionnaires excédentaires devaient être placés dans le «bureau des fonctionnaires surnuméraires» au Conseil de la fonction publique. Il était prévu qu’ils seraient rémunérés par le ministère de l’Information, jusqu’à ce qu’ils soient mutés dans une autre administration. Ce qui diverge un peu du discours tenu par l’équipe actuelle du ministère dont une source proche affirmait récemment que le ministère ne se chargerait pas des salaires des fonctionnaires excédentaires durant leur période de transfert vers une autre administration. Bien entendu, tout cela est théorique dans la mesure où l’ancien ministre n’a jamais pu mettre en application son projet, resté lettre morte. Mais si les organigrammes paraissent à la lecture intelligibles, cohérents, il n’en reste pas moins que leur application dépend toujours d’une équation politique difficile à trouver. Car, on ne l’aura jamais assez répété, les fonctionnaires pléthoriques dans les administrations – et particulièrement au ministère de l’Information – sont intimement dépendants et par conséquent «protégés» par les politiciens qui les ont engagés. Ce qui rend leur exclusion du ministère encore plus problématique. Les obstacles rencontrés par Aridi au cours de ces dernières semaines ne sont-ils pas un exemple de l’ingérence du politique dans l’administratif ? «Pas du tout, répond Anouar el-Khalil. Preuve en est le fait que j’ai réussi à évincer du ministère 484 contractuels. J’avais réussi à l’époque à prouver qu’il s’agissait d’employés fictifs. Ni le président Berry ni le président Hariri ne m’avaient demandé des comptes à rendre». Anouar el-Khalil persiste et signe : «Mon opinion sur ce dossier émane de ma vision en tant qu’ancien ministre de la Réforme administrative. La question de la réforme ne peut être partiale. Elle doit être globale sinon, elle serait injuste et arbitraire». M. Khalil reconnaît pourtant que «s’il y a une décision politique pour résoudre le problème du personnel pléthorique», cette décision devrait être appliquée à toutes les administrations sans exception. D’après lui, les fonctionnaires excédentaires doivent alors être répartis entre les autres administrations en coordination avec le ministère de la Réforme administrative afin de remplir les postes vacants dans les autres ministères. Et de rappeler que le problème du personnel surnuméraire ne se limite pas au seul ministère de l’Information, mais concerne d’autres administrations publiques. À ce titre, il cite l’Éducation, avec ses 6 000 enseignants excédentaires, le ministère des P et T, avec un surplus de 3 000 fonctionnaires, la MEA qui ploie sous un effectif de 4 000 fonctionnaires pour la gestion de 9 avions. «Il ne faut surtout pas fractionner ce dossier. Les autres gouvernements ont fait cette même gaffe. La réforme doit absolument être intégrale», certifie le ministre Khalil. Une solution globale pour TL Si les problèmes du ministère sont sectoriels, essentiellement de type administratif, ceux de la télé sont financiers, indique le ministre. Il estime que le grand danger d’une fusion est que les avoirs de l’Ani et de la radio risquent de devenir une couverture pour les déficits de TL. Pour l’ancien ministre, il n’y a pas deux solutions pour résoudre la crise endémique de la télévision officielle. «Quatre-vingt-six millions de dollars est le prix à payer pour remettre cette institution sur pied». Ce sont les conclusions auxquelles est parvenue la société britannique d’audit, Price Water House, à savoir une solution globale qui résoudrait le problème dans sa totalité : diminution du nombre des bâtiments qui doivent être rassemblés géographiquement dans un même endroit; recrutement d’un nouveau staff, compétent et efficace ( 250 employés au grand maximum) et renouvellement de l’ensemble de l’équipement, devenu vétuste et inadapté. La convention collective, un droit acquis Quant à la convention collective, si son annulation n’avait pas été décidée du temps du ministre Anouar el-Khalil, «le Conseil des ministres ayant refusé de priver les gens de leurs droits», ce dernier estime que l’actuel ministre a pleinement le droit de demander son annulation à partir d’aujourd’hui, à condition que les employés soient indemnisés jusqu’au bout, sur la base des droits prévus par le texte de la convention. «La convention collective est un droit acquis. Aucun ministre ne peut y toucher», certifie l’ancien ministre. Indemniser les 503 employés de TL équivaudrait à une somme de 32 millions de dollars que devrait assurer le ministère de l’Information pour en finir avec cette convention, premier pas vers la mise en route d’un projet de réformes. «Toutes les études ont démontré que la solution doit être une solution globale et radicale». Les solutions partielles se sont avérées improductives, dit-il en citant l’exemple des 46 milliards de LL dépensés par le gouvernement en 94 pour payer les indemnités des employés. «La somme a été dilapidée car elle n’a pas été dépensée dans le cadre d’une solution globale». Quant à la suppression du ministère, il ne s’agit pas de se presser, dira le ministre. Cela pourrait se faire à long terme car pour l’instant, ni la situation politique ni la situation régionale – «l’ennemi est aux portes» – ne nous permet de faire ce pas. «L’information officielle est nécessaire pour contenir le mal et le danger», souligne le ministre qui rappelle que sur le plan interne, les Libanais ne sont pas encore parvenus à résoudre leurs problèmes issus de l’accord de Taëf.
«Une fusion entre trois organes d’information comme Radio-Liban, l’Ani et Télé-Liban ne s’est produite nulle part au monde, exception faite pour le Koweït», affirme l’ancien ministre de l’Information Anouar el-Khalil en réaction au projet annoncé par l’actuel ministre Ghazi Aridi. Interrogé par «L’Orient-Le Jour», il souligne que l’on ne peut pas décider...