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Actualités - REPORTAGES

ARCHÉOLOGIE - Des cuves funéraires perdues pour le patrimoine - Une nécropole romaine découverte à Achrafieh

Des cuves funéraires, des sarcophages, des verreries et des pièces de monnaie datant tous de la période romaine tardive ont été récemment déterrés à Achrafieh dans le secteur du cimetière de Mar Mitr. En fait, cette parcelle de terrain, qui servait de parking, a été choisie par Spinneys pour y construire son superstore. Et c’est au cours des travaux d’excavation que les cuves funéraires ont été mises au jour par les ouvriers. Le chef de chantier a alors prévenu les forces de l’ordre qui, a leur tour, ont averti la Direction générale des antiquités. Cette dernière a dépêché sur les lieux une équipe d’archéologues et les fouilles de sauvetage ont débuté le lendemain de la découverte. «Afin de systématiser le travail et de fouiller le plus urgent, nous avons découpé la parcelle de terrain en tranches de dix mètres de longueur et quatre de largeur», explique M. Assad Seif, archéologue à la DGA, responsable du chantier. «Évidemment la priorité était accordée aux cuves funéraires que la pelleteuse mécanique a endommagées à 70 %», poursuit-il. Taillées dans la roche-mère, ces dernières sont composées de deux étages séparés entre eux par des dalles en calcaire blanc. L’étage supérieur des cuves ne conserve plus aucune trace de son utilisation dans l’Antiquité. « Il se peut qu’il ait été perturbé avant même ces travaux de construction», note M. Seif. Quant à l’étage inférieur, il préserve encore toutes les traces de son occupation. En effet, l’inhumation à l’intérieur de ces cuves longues de deux mètres et demi et hautes de quatre-vingts centimètres se faisait en sarcophages. Mille huit cents ans après leur utilisation, elles étaient toujours à leur emplacement et contenaient des sarcophages (en terre cuite, pierre et plomb) non pillés. Entreposées à proximité des restes des squelettes, les verreries, les pièces de monnaie et même les feuilles de lauriers en or sont dans un très bon état de conservation, voire même intactes. «Toutefois, pour gagner du temps et permettre aux entrepreneurs de poursuivre leurs travaux, nous n’avons pas fouillé les trois sarcophages découverts. Celui en plomb a été transporté au Musée national pour des fouilles ultérieures», souligne M. Seif. La continuité de la nécropole Une fois les fouilles de ces cuves terminées, l’équipe de la DGA a procédé à un nettoyage de surface sur l’ensemble de la parcelle afin de délimiter la zone archéologique. Ce travail s’est révélé avantageux. Car l’extension de cette nécropole a été déterrée à l’ouest du terrain. «Les nouvelles cuves sont en très bon état de conservation et elles seront fouillées dans les quelques jours à venir, souligne M. Seif, mais ce qui est particulièrement intéressant c’est l’emplacement des ces cuves sur cette parcelle de terrain». «En effet, elles sont parallèles à deux autres situées, par rapport à elles, au nord et au sud à une égale distance de vingt mètres. Les restes des pierres taillées de ces nécropoles sont encore visibles dans les sections des murs», poursuit-il. La répartition et la division des cuves sur cette parcelle ne peuvent être comprises qu’une fois les études du matériel et des plans terminées. En revanche, la découverte de ces cuves permet de mieux comprendre le plan urbain de Beyrouth à l’époque romaine. Il est en fait fort connu que le tell d’Achrafieh était le cimetière de cette ville, et ces vestiges funéraires ne sont pas les premiers à être découverts. Au cours des années passées, des sarcophages en pierre ont été déterrés près de l’école La Sagesse, d’autres à Accaoui et d’autres encore à Gemayzeh. Ils ont tous été fouillés mais aucun n’a été conservé sur les lieux. Et il en sera de même pour l’ensemble de cette nécropole romaine. Archéologie et mécénat Les cuves funéraires fouillées par l’équipe de la DGA sont déjà ensevelies sous des tonnes de béton. Leur conservation était hors de question, ce qui constitue une perte pour le patrimoine. Or, grâce aux nouvelles technologies, il est toujours possible de sauver les vestiges récemment découverts et les autres cuves déterrées sans pour autant modifier l’architecture des lieux. Dans certains cas, une dalle en verre, très résistante, remplace celle de béton. Si cette idée avait été adoptée par la direction de Spinneys, il aurait été possible de traverser le hall central du supermarché tout en admirant les nécropoles romaines préservées sous une dalle de verre ! Ceci pourrait d’ailleurs être extrêmement bénéfique pour l’image de marque du supermarché. On observe par ailleurs que la conservation de vestiges centenaires dans des bâtiments ultramodernes est devenue une pratique assez fréquente dans de nombreuses villes européennes. Près du musée historique de Genève, le sol d’une église est entièrement fait de dalles de verre afin de révéler au visiteur la crypte exposée au-dessous. Et il est en outre important de souligner l’impact psychologique d’une telle conservation sur la société et l’inconscient collectif. Soudain, le passé et le patrimoine entrent dans la vie quotidienne. Par cette astuce architecturale, le passé devient subitement tangible, vivant, proche et accessible.
Des cuves funéraires, des sarcophages, des verreries et des pièces de monnaie datant tous de la période romaine tardive ont été récemment déterrés à Achrafieh dans le secteur du cimetière de Mar Mitr. En fait, cette parcelle de terrain, qui servait de parking, a été choisie par Spinneys pour y construire son superstore. Et c’est au cours des travaux d’excavation que les cuves...