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Actualités - BOOK REVIEWS

PUBLICATION - L’histoire des musées dans la revue « Travaux et jours » de l’USJ

Dans sa parution de l’automne 2000, la revue «Travaux et jours» de l’USJ publie un article de Suzy Hakimian, conservateur du Musée national, intitulé «Une histoire des musées». Nous en reproduisons ici quelques extraits : Au phénomène du «collectionneur» qui ramassait pour son propre plaisir et celui de ses amis, viendra s’ajouter, au XVIIe siècle, une autre dimension, celle de la célébrité. Certains d’entre eux publiaient leurs collections dans des ouvrages, racontaient leurs périples dans des guides et relations de voyages : ils en tiraient ainsi une notoriété qui leur assurait en contrepartie une reconnaissance sociale. Le XVIIIe siècle verra l’apparition d’un nouveau concept, «celui de la diffusion du savoir comme une responsabilité étatique». En Russie, en Allemagne et en Italie des princes, des rois et reines transfèrent à la nation leurs collections (…). Le mouvement s’accélère partout en Europe et l’idée du musée public se répand. Le grand tournant s’amorce en 1789 avec la Révolution française. Cette dernière s’opposera aux pratiques élitistes de l’Ancien Régime en rendant publiques les collections royales et privées. La notion de «biens nationaux» apparaît : les nouvelles idées propagées par la Révolution s’attachent surtout à mettre en avant le caractère public de l’exposition ; jouir et user du patrimoine est un droit du citoyen. La démocratisation du savoir se fera donc à travers ce passage obligé du musée où le peuple pourra contempler ses avoirs patrimoniaux et aussi s’éduquer. «En 1946 est fondé l’Icom, le Conseil international des musées, dont la fonction est d’établir un réseau mondial de communication pour les professionnels de musées de toutes les disciplines et de toutes les spécialités. Le principe du professionnel de musée est posé par la création même de ce conseil. «Dans les années 70, le monde des musées connaît une vaste mutation dans les pratiques muséographiques : les musées sont ainsi repensés dans leur architecture, leur exposition et leurs fonctions. «Les années 80 voient dans le musée un phénomène social qui s’exprime d’une façon dynamique et plurielle (T. Scheiner, 2000). Le musée s’ouvre vers l’extérieur avec la création de musées en plein air, des musées de sites, des archéodromes (parc archéologique établi sur une autoroute ou espace public), des parcs thématiques. Cette diversification et cette diffusion du musée ne résolvent cependant pas les problèmes malgré les années qui passent sur la discipline, et nonobstant les progrès introduits dans les techniques de présentation et d’exposition. «À l’heure où les nouvelles technologies de la communication permettent d’accéder à un musée en surfant sur les ondes d’Internet ou en utilisant les autres supports d’information (vidéo, CD-Rom...), les professionnels de musées doivent penser en termes de stratégie de compétition. Confrontés à une globalisation de l’information, (ils) sont ainsi appelés à intégrer les nouvelles techniques dans leur milieu que régissent également d’autres considérations. Défi ou adaptation? De cela depend peut-être l’avenir des musées». (S. Hakimian, 1998). Le Musée national, entre la guerre et le défi à l’oubli «Le Musée national appartient à la génération des musées construits dans les années 30. En 1928, le projet présenté par deux architectes, Antoine Nahas et Pierre Leprince-Ringuet, fut retenu par la commission d’examen réunie sous la présidence de M. Béchara el-Khoury, alors président du Conseil et ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts de la République libanaise. «Le projet prévoyait la construction d’un bâtiment de trois étages dont un en sous-sol et deux ailes latérales dont l’une abrite aujourd’hui les bureaux de la Direction générale des antiquités (l’autre aile ne fut pas construite). La lumière y était assurée par une verrière, par les grandes portes et les nombreuses fenêtres qui se répartissent sur les deux étages. «La dynamisation du musée faisait partie aussi du souci des architectes qui avaient prévu des salles pour expositions provisoires de part et d’autre du vestibule d’entrée, sans oublier le côté logistique en sous-sol avec des ateliers de restauration et des réserves. Un projet de salle de conférences y était même prévu. «Le Musée national de Beyrouth est dédié à l’archéologie et dès 1937, date de la fin des travaux de construction, M. Chéhab annonce que le musée groupera désormais toutes les antiquités recueillies sur le territoire libanais (M. Chéhab, 1937). Le musée s’enrichira, jusqu’en 1975, du matériel provenant des fouilles exécutées sur le territoire libanais ainsi que des donations et acquisitions. La collection qui y était exposée couvrait une longue trame chronologique qui allait de la préhistoire jusqu’à la période ottomane (sacrophages, mosaïques, bijoux, monnaies, poterie, boiseries, armes, etc.). «Le musée national y est considéré comme un des musées les plus importants du Moyen-Orient à cause de la qualité et la nature des objets qui y étaient exposés (M. Chéhab, 1937). Si les travaux extérieurs de construction sont terminés en 1937, les travaux d’aménagement intérieur continuent durant les années qui suivent et, comme le dit M. Chéhab, ils ne vont pas sans difficultés financières mais aussi à cause de l’état de guerre qui prévaut dans ces années 40 (Chronique, 1940). En 1941, le rez-de-chaussée et le sous-sol sont prêts mais la galerie supérieure attend toujours 72 vitrines commandées à Paris avant la guerre où doivent être exposés 20 000 petits objets (Chronique, 1941). C’est peut-être la raison pour laquelle les vitrines ne sont pas livrées, seules les clefs... sont parvenues (idem). L’inauguration officielle eut lieu, en leur absence, en 1942. «Au moment où la discipline muséographique connaissait sa révolution épistémologique, le Liban sombrait dans la guerre en ce début de l’année 1975. Situé le long de la ligne verte qui divisait Beyrouth en deux zones antagonistes, le Musée national allait vivre des années de violence qui se traduisirent par une destruction quasi totale du bâtiment ainsi que celle de ses équipements. La collection put être sauvée grâce à l’initiative extrême de l’ancien directeur général des Antiquités, Maurice Chéhab, de recouvrir les statues, sarcophages et mosaïques avec des caissons de béton et de murer l’accès aux dépôts du sous-sol où furent cachés les petits objets (S. Hakimian, 1998). Les travaux de reconstruction démarrèrent en 1995. Après vingt ans d’absence forcée, le musée se devait de remplir ses fonctions : – accueillir à l’intérieur de ses murs le patrimoine archéologique national ; – le préserver ; – le faire connaître aux Libanais en premier lieu, et au public international en second. Cet objectif put être réalisé grâce au labeur conjoint de la Direction générale des antiquités et de la Fondation nationale du patrimoine. Ce bel exemple de collaboration fructueuse entre le secteur public et le secteur privé a permis aux Libanais de participer d’une manière directe à la reconstruction de leur Musée national. «Le 8 octobre 1999, 2 étages, sur les trois qui composent le bâtiment, s’ouvrirent au public : entièrement réaménagés, ils comprennent un espace d’exposition, une salle d’audiovisuel et une boutique. «À la galerie supérieure, 1 244 pièces archéologiques s’offrent au regard. Le temps couvert par la présentation débute avec la préhistoire et se termine sur la période ottomane. Quelques vitrines thématiques rythment cependant cette répartition et mettent l’accent sur l’évolution d’un même type d’objets au cours du temps, tels les masques et le verre. L’espace du rez-de-chaussée accueille 74 grandes pièces : sarcophages, mosaïques, statues et bas-reliefs occupent l’espace dans une répartition chronologique qui va du IIIe millénaire jusqu’à la période byzantine. La restauration de certaines pièces réalisée à l’occasion de l’exposition “Liban, l’autre rive” tenue en 1998 à Paris à l’Institut du monde arabe a permis d’étoffer la collection présentée en 1997 avec les mosaïques de l’Enlèvement d’Europe et celle de la Naissance d’Alexandre ainsi que des peintures murales. «Le choix des pièces exposées est soumis à deux principes généraux : l’espace et le temps. Le premier sous-entend la représentativité de l’ensemble des régions libanaises, le second suit la trame chronologique propre à l’archéologie nationale. La présentation englobe également les différents types de vestiges laissés par les civilisations passées. À l’intérieur de ce schéma, les pièces à retenir doivent réunir un certain nombre de conditions liées à la qualité et l’état de conservation. «Le nombre choisi de pièces a été retenu dans une optique précise : intéresser et attirer le public en évitant l’ennui tout en mettant l’accent sur le côté esthétique de l’exposition. Dans ce sens-là, une présentation claire des objets a été assurée par des techniques de soclage et de montage sophistiquées qui se sont efforcées de mettre en valeur des pièces dont l’importance scientifique est reconnue internationalement. La bonne préservation des pièces repose, quant à elle, sur des vitrines spécialement conçues pour le musée et dotées d’un contrôle d’humidité et de température ainsi que de loupes pour une meilleure vision des objets. «Moins visibles pour les visiteurs mais tout aussi importants sont les travaux qui ont porté sur l’amélioration de l’acoustique et de la climatisation, et la sécurité du musée et de sa collection. «La transmission de l’information repose sur une signalétique associée à des reconstitutions par photos ou dessins, permettant aux visiteurs de mieux comprendre la nature de l’objet. Des panneaux chronologiques retracent l’histoire du pays et des cartes géographiques aident le public à situer les sites d’origine des pièces exposées. Dans l’espace audiovisuel, un film vidéo, Renaissance, retrace par l’image les différentes étapes de la reconstruction. «Il reste enfin à terminer les travaux de réfection de l’étage du sous-sol. Sa mise hors eau des remontées de la nappe phréatique et sa réhabilitation en espaces d’exposition et de dépôt termineront l’opération de réaménagement global». «L’effort consenti par le Musée national de Beyrouth pour réintégrer le monde moderne des musées ne peut cacher cependant l’existence de problèmes dont certains sont liés à la nature même du bâtiment, à sa conception architecturale et à l’espace géographique dans lequel il vit aujourd’hui. «À l’époque de sa construction, le musée se dressait en périphérie de la ville. L’explosion urbaine a fini par atteindre le musée d’une manière tentaculaire, créant ainsi une asphyxie quasi totale. Le seul poumon vert est assuré par le champ de courses qui jouxte le bâtiment. Aucun espace de parking propre au musée n’existe, posant des problèmes d’accès aux bus et voitures des visiteurs. «La superficie réduite du musée ne lui permet pas non plus de respecter les requis muséographiques actuels : espaces pour activités annexes (auditorium, salles d’expositions temporaires, salles d’animation pour les enfants, librairie...) ainsi que les espaces de fonctionnement (restauration et documentation) sans oublier les commodités (restaurant, toilettes...). «La construction d’un bâtiment annexe pourrait accueillir ces activités et créer des réserves qui libéreraient la superficie qu’elles occupent au sous-sol actuel. Ce dernier serait entièrement dédié à l’exposition des objets augmentant ainsi l’espace muséographique. «Est-ce à dire que la mission de la Direction générale des antiquités, l’organisme de tutelle du Musée national de Beyrouth, serait ainsi accomplie? «Par définition, un musée est un “éternel retour” vers le passé. Mais il se doit d’être aussi un “éternel retour” vers le public qu’il faut constamment attirer par la qualité et l’intérêt du contenu mais aussi par une continuelle adaptation aux nouvelles techniques de la muséographie et de la communication. «Après le défi à l’oubli, cet objectif constituera le défi à l’avenir du Musée national».
Dans sa parution de l’automne 2000, la revue «Travaux et jours» de l’USJ publie un article de Suzy Hakimian, conservateur du Musée national, intitulé «Une histoire des musées». Nous en reproduisons ici quelques extraits : Au phénomène du «collectionneur» qui ramassait pour son propre plaisir et celui de ses amis, viendra s’ajouter, au XVIIe siècle, une autre...