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Actualités - CHRONOLOGIES

Administration - Après dix mois de prison, l’ancien directeur général - des Télécommunications est déclaré innocent - Abdel Meneem Youssef : « C’est une réhabilitation de la justice, - car mon honneur a toujours été sauf »

«Ce n’est pas une revanche, mais la réhabilitation de la justice au Liban. La décision du Conseil supérieur de la discipline montre qu’il existe encore des magistrats capables de juger selon leur conscience». Directeur général du ministère des Télécommunications du 20/12/95 au 12/9/99 (date de son arrestation), Abdel Meneem Youssef est très ému en montrant le texte qui l’innocente de toutes les accusations portées contre lui depuis deux ans. C’est d’ailleurs un précédent au Liban puisque c’est la première fois que la justice reconnaît de façon aussi évidente son erreur, mais pour ce cadre de 38 ans, le dommage est irréparable et il ne songe aujourd’hui qu’à quitter le pays. Depuis le 26 décembre dernier, date de la parution de la décision du Conseil supérieur de la discipline, Abdel Meneem Youssef respire plus librement, mais ce n’est qu’hier qu’il a été officiellement notifié de cette décision. Il savait bien sûr qu’il était innocent, mais encore fallait-il que les autres, tous ceux qui pendant des mois ont suivi les détails parfois rocambolesques des poursuites judiciaires engagées contre lui, le sachent à leur tour. Désormais, la décision du Conseil supérieur de la discipline a levé toute ambiguïté sur les dossiers ouverts contre M. Youssef. Dans un jugement de 41 pages, particulièrement détaillé, le président Michel Tabet et ses assesseurs Rahif Ayoubi et Atef Mokalled ont décidé que le directeur général était innocent de toutes les accusations portées contre lui et même plus, ils ont considéré que tous ses agissements servaient finalement les intérêts de l’État et visaient à réduire ses dépenses et à lui redonner du prestige. Neuf chefs d’inculpation… Il y a un an, l’homme était pourtant chargé de tous les maux. 7 mandats d’arrêt avaient été émis contre lui et plus de 9 chefs d’inculpation lui avaient été attribués. Cinq dossiers avaient été refermés, les juges d’instruction ayant décrété des non-lieux, mais deux autres restaient en suspens, l’affaire de la location de voitures à des prix jugés exorbitants et celle de l’acheminement des appels téléphoniques internationaux. Arrêté le 12/9/99, Youssef avait été libéré sous caution le 18/6/2000 et devait en principe se présenter devant le juge pour la poursuite de l’enquête. Il avait été aussi déféré le 18/8/99 devant le Conseil supérieur de la discipline par un décret du Conseil des ministres signé par tous les ministres alors que ceux-ci n’avaient même pas pris connaissance des dossiers. Youssef avait été aussi accusé de vouloir quitter le pays déguisé en femme, à bord d’un cargo accostant à Tripoli. Mille et une autres choses ont été dites sur son compte au point que ses amis n’osaient même plus témoigner en sa faveur ou même recevoir son épouse. Bref, c’était la série noire totale et le jeune cadre, qui avait quitté son poste à l’état-major du Centre national des études de télécommunications en France payé 53 000 francs par mois pour devenir directeur général du ministère des Télécommunications à un salaire de 1 300 dollars par amour du pays, se sentait terriblement frustré. Aujourd’hui encore, il continue à éprouver la même frustration, se demandant comment on peut poursuivre avec un tel acharnement une personne innocente, lui volant sa réputation et une partie de sa vie, pour rien. En déclarant que Youssef a toujours agi pour le bien de l’administration, en se souciant de faire faire des économies à l’État, le Conseil supérieur de la discipline l’a clairement déclaré innocent de toutes les accusations portées contre lui, y compris dans les affaires encore en suspens. Il a aussi désavoué le décret dans lequel le Conseil des ministres l’avait déféré devant le juge d’instruction, mettant en évidence une violation de la loi qui exige de consulter les organismes de contrôle avant de déférer un haut fonctionnaire devant le tribunal. Des conditions de détention très dures Cette décision redonne certes de la crédibilité à la justice libanaise, montrant que certains magistrats continuent à agir selon leur conscience, mais elle arrive après que Youssef a passé dix mois en prison. Il en garde d’ailleurs un souvenir très amer. «J’étais à Roumié dans une cellule avec 15 autres détenus, tous des criminels dangereux : assassins, trafiquants de drogue, etc. On ne m’a pas torturé physiquement, mais les conditions de détention étaient très dures. Et chaque fois que je sortais d’un interrogatoire devant le juge, les conditions devenaient encore plus dures, le but évident de ces traitements étant de me casser, de me pousser à reconnaître ce qu’on me reprochait». Tantôt, les geôliers lui coupaient l’eau et il était contraint de se laver avec les bouteilles d’eau que lui apportait sa femme, tantôt, ils le privaient de feu pour le chauffage, la cigarette, l’eau, etc. Bref, tout était bon pour le faire craquer. Mais Youssef a tenu bon, parce que justement il était innocent. Comment explique-t-il cet acharnement contre lui ? «J’ai bloqué l’ascenseur à tous ceux qui voulaient profiter des Télécommunications. De plus, à travers moi, on voulait aussi toucher le Premier ministre Rafic Hariri, puisqu’il était le ministre des P et T et que j’étais, dans ce domaine, son collaborateur direct». Youssef évoque ensuite ce qu’il a réalisé en 4 ans à la direction générale de ce ministère. «En toute modestie, je peux dire que c’est moi qui ai introduit l’Internet au Liban. De 1995 à 1998, les recettes du ministère sont passées de cent à 650 millions de dollars. En 1995, il y avait 280 000 abonnés et en 1998, ils sont devenus 730 000. De même, en 1995, il y avait 60 000 abonnés au téléphone portable et en 1999, ils sont devenus 680 000. Sincèrement, je croyais que j’allais être décoré pour tout ce que j’ai fait au sein de ce ministère. Et voilà qu’on me charge de tous les maux». Plus dur pour Youssef était de voir comment aucun de ses amis n’osait lui parler ou affirmer qu’il était innocent. «À croire qu’on ne peut pas avoir d’amis au Liban. Ils sont tous terrorisés. Seuls mes amis français ne m’ont pas abandonné». C’est pourquoi le cadre spectaculairement réhabilité souhaite retourner en France. «Je vais repartir la tête haute, mais le cœur gros. J’étais revenu à la suite de ma nomination à la direction générale du ministère, alors que je n’avais jamais rencontré M. Hariri. J’étais alors plein d’enthousiasme, souhaitant utiliser mes compétences au service de mon pays. Aujourd’hui, je me demande s’il y a une place pour les gens comme moi au Liban…» Une question à laquelle nous attendons tous une réponse.
«Ce n’est pas une revanche, mais la réhabilitation de la justice au Liban. La décision du Conseil supérieur de la discipline montre qu’il existe encore des magistrats capables de juger selon leur conscience». Directeur général du ministère des Télécommunications du 20/12/95 au 12/9/99 (date de son arrestation), Abdel Meneem Youssef est très ému en montrant le texte qui...