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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVALS- Au temple de Bacchus Junes Anderson: une diva à la voix solaire

Un temple taillé sur mesure pour la reine des cantatrices. Voix de cristal et port de déesse. L’Américaine June Anderson, la dernière enchanteresse en ce temple de Bacchus, qui perpétue, par sa splendeur vocale, sa présence de comédienne, son look de sirène, et la sûreté de sa technique, le miracle du mythe de la Diva Assoluta. En cette fin de siècle, l’art lyrique tout en soulevant des questions et faisant naître des interrogations n’en demeure pas moins d’un immense pouvoir de fascination surtout grâce à des cantatrices, telle June Anderson justement, qui enivrent les auditeurs de leurs vocalises et de leur personnage. Pour les festivaliers d’Héliopolis, la «diva», épaules nues et vaporeuse écharpe en mousseline couleur saumon flottant au vent, a établi un programme de rêve conciliant les partitions les plus diverses, mêlant passion, sensibilité, élégie, rêverie, tension, soupirs, pathos et même panache. Conciliation groupant sous son aile un vaste registre allant des œuvres du XVIIe siècle à celles contemporaines où se rangent les pages de Cesti, Scarlatti, Paisiello, Rossini, Donizetti, Liszt, Bizet, Poulenc, Weill et Bernstein. Premières mesures, premiers accents avec In torno all’idol mio (tiré d’Orontée, reine d’Égypte) de Cesti, auteur à succès de l’école vénitienne, qui a montré la même recherche que Monteverdi dans la peinture de ses personnages et dont le principal souci était de «ravir» le public. À la fois air équilibré et multipliant les traits de virtuosité vocale, ce passage a rempli le temple de Bacchus des éclats solaires d’une voix pure et ductile. De Naples où le bel canto forgeait ses premières armes, on retrouve le Gia il sole dal Gange, de Scarlatti, qui mit à l’honneur les célèbres «aria da capo» en trois parties, la première étant reprise pour terminer. Léger changement d’atmosphère avec Il mio ben quando verra de Paisiello authentique père de l’opéra bouffe, où à part l’aspect «chantant» du passage, on savoure l’invention mélodique et la rythmique de celui qui influença aussi bien Cherubini que Bellini. Un bond en avant et nous voilà aux premiers strapontins de l’œuvre de celui qui marqua au sceau d’or l’art du bel canto : Rossini. De L’invito à La floraïa fiorentina, en passant par La promessa, la musique du maître de Pesaro est pétillante, pleine de verve, habitée de naturel et d’une décapante fraîcheur. Sans oublier la souplesse de la mélodie, l’efficacité des modulations, l’opulence de l’harmonie et surtout la clarté de l’accompagnement. Ici en l’occurrence Jeff Cohen qui secondait admirablement la cantatrice. Dans le sillage de Rossini, où dominent charme, piquant, souplesse de la mélodie, vivacité de la narration, on retrouve un passage de l’opéra comique La fille du régiment de Donizetti avec Il faut partir… Sans donner l’impression de plénitude ou de perfection du maître de Pesaro, cette musique présente un tour léger où toutefois brille d’un éclat de diamant et inflexions émouvantes la «voce d’angelo» de June Anderson. Après l’entracte, place au romantisme avec des textes de Victor Hugo sur une musique de Franz Liszt et de Bizet, marquant ainsi le goût de cette vestale de l’art lyrique pour le répertoire français. Alliance de la poésie et de la musique emportant dans son tourbillon les rythmes et les rimes des alexandrins, des iambes, des décasyllabes… Si la musique de Liszt (Oh ! Quand je dors, comment disaient-ils) était empreinte de la grave et ténébreuse méditation des dandys romantiques, celle de Bizet (Adieux de l’hôtesse arabe) brillait par sa vivacité et l’originalité d’une narration où l’orientalisme «sonore» est bien discret mais fort perceptible… Pour Poulenc, le verbe chargé d’alcools d’Apollinaire, Voyage à Paris et Hôtel étaient de courtes mélodies mêlant grâce, humour et contours bien tracés. Avec Youkali de Kurt Weill, Allemand émigré en 1935 aux États-Unis et qui écrivit des comédies musicales pour Broadway, on retrouve les deux pôles d’influence qui marquèrent son œuvre : les dissonances de Schonberg et l’indépendance des accords et du phrasé de Hindemith. Youkali demeure ce «pays de nos désirs où l’on quitte tous les soucis… un rêve»… Un rêve d’un feu sacré entretenu par cette voix chaude et voluptueuse, lumineuse et puissante, véritable torrent de lave incandescente d’une stupéfiante homogénéité. Pour terminer de Leonard Bernstein, figure de légende de la musique américaine et auteur célèbre de West Side Story, voilà Glitter and be gay. Un langage musical aux racines multiples empruntant aussi bien au jazz, aux songs, à la musique religieuse comme à la musique populaire, à Stravinski comme à Richard Strauss… Infatigable défenseur des libertés individuelles, Berstein a touché le plus vaste public et la voix d’Anderson nous le fait redécouvrir, absolument moderne et humain. Le public subjugué a fait, à très juste titre, un triomphe à June Anderson qu’il ovationna très longuement et debout. De toute évidence, les deux bis gracieusement honorés n’étaient pas suffisants. Ce samedi, on la retrouvera au temple de Jupiter, avec l’Orchestre philarmonique d’Arménie. Elle ne sera pas seulement ce rossignol qui eut pour professeur l’âme de Mozart, mais aussi une de ces héroïnes qui nous font tant rêver…
Un temple taillé sur mesure pour la reine des cantatrices. Voix de cristal et port de déesse. L’Américaine June Anderson, la dernière enchanteresse en ce temple de Bacchus, qui perpétue, par sa splendeur vocale, sa présence de comédienne, son look de sirène, et la sûreté de sa technique, le miracle du mythe de la Diva Assoluta. En cette fin de siècle, l’art lyrique tout...