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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

ADMINISTRATION- Un véhicule destiné à un orphelinat taxé par les douanes Les mésaventures des aides humanitaires

Certaines histoires des douanes libanaises sont tellement incroyables qu’on les dirait sorties tout droit d’un roman de science-fiction. Alors que nos frontières sont une véritable passoire pour toutes sortes de marchandises, certains voyageurs, à qui les infimes subtilités des réglements échappent, font la triste expérience. C’est le cas de ces deux membres d’une association caritative monégasque qui ont dû payer en taxes diverses plus de la moitié du prix de la voiture qu’ils conduisaient ! Une voiture qui était un don pour un orphelinat libanais ! Édouard et Domitille Lagourgue, directeur et vice-présidente de l’association Mission Enfance basée à Monaco, sont des habitués du Liban dont ils soutiennent plusieurs institutions et où ils parrainent quelque deux cents enfants. Récemment, ils avaient pris l’initiative de faire don d’une Hyundai Pony modèle 1995, d’une valeur de 36 000 francs, soit près de 6 000 dollars, à l’orphelinat Saint-Joseph Ajaltoun, tenu par les Filles de la Charité. Les Lagourgue décident alors de faire le voyage de Monaco en voiture jusqu’au Liban, en compagnie de leurs deux filles. Ils se renseignent auprès de Libanais, notamment auprès du consulat à Paris, où on leur assure qu’ils peuvent passer la frontière sans problème, puisqu’ils sont munis d’un certificat de don attestant de la destination du véhicule. Les sœurs de la Charité ont obtenu la même réponse au Liban. Durant leur voyage, Édouard et Domitille Lagourgue n’ont eu aucune difficulté ni en Turquie, ni en Syrie... jusqu’à la frontière libano-syrienne d’Abboudié. «Au premier poste-frontière, on nous a donné nos visas sans aucun problème», raconte M. Lagourgue. «On n’a pas posé trop de questions sur la voiture, ce qui nous a un peu étonnés. Cent mètres plus loin, de jeunes douaniers, très gentils d’ailleurs, nous ont appris qu’en absence de carnet international de douanes, et au vu de la carte d’immatriculation du véhicule, la seule solution était de s’acquitter d’une taxe de plus de 3 000 dollars !». Selon les informations que M. Lagourgue a pu obtenir, le fait qu’il s’agissait d’un don ne changeait rien à l’affaire et la taxe aurait été perçue même si le véhicule devait être utilisé au Liban et rester en possession de son conducteur. Évidemment, le montant de cette taxe avait été restitué au moment où le véhicule aurait quitté le territoire libanais, ce qui n’était pas le cas. « Que dit la loi ? » «N’étant pas au courant de tout cela, nous n’avions pas d’argent sur nous», poursuit-il. «De plus, nous avions le sentiment, à tort ou à raison, que le don ne pouvait pas être taxé. Or nous avions une attestation de don. Le véhicule a donc été bloqué par les douanes et nous avons dû prendre un taxi pour arriver à Beyrouth». Les religieuses étaient évidemment très étonnées parce qu’on leur avait assuré qu’il n’y aurait aucun problème. «Nous nous sommes donc retrouvés chez le directeur général des douanes», dit M. Lagourgue. «Il nous a reçu très gentiment et nous a expliqué que les mesures dont nous nous plaignions étaient incontournables. Il nous a dit que la seule solution pour sortir le véhicule immédiatement de la douane était de payer la taxe mais qu’à l’avenir, tout don devait faire l’objet d’une demande au Conseil des ministres. C’est celui-ci qui décide si ce don doit être exempté de taxes ou non». Une formalité fastidieuse qui ne serait pas la première que les Lagourgue et leur association auront connue au Liban. Mission Enfance envoie en effet une ou deux fois par an un container de vêtements, jouets, ordinateurs, matériel pédagogique, etc. usagés, destinés aux enfants nécessiteux. Des taxes qui changent «Ces containers ont tous à peu près la même valeur», explique M. Lagourgue. «Ils sont sans valeur commerciale en fait puisque la marchandise est usagée et que les destinataires ne peuvent en tous cas pas s’approprier de tels biens sur le marché libanais. Or non seulement cela n’est pas reconnu aux douanes libanaises, mais nous ne payons jamais la même chose. Les frais de douanes peuvent passer de 10 000 à 25 000 francs». Quelles sont les prochaines mesures à prendre pour la voiture ? «Comme nous l’a expliqué le directeur général des douanes, dit-il, nous devons faire authentifier le certificat de don auprès du consulat libanais en France. Après cela, nous renvoyons les documents aux sœurs qui les présentent au directeur général. Celui-ci devra les soumettre à son tour au Conseil des ministres. Ce n’est qu’après cela que les religieuses de la Charité pourront récupérer les 3 860 dollars. Les frais d’immatriculation font l’objet de calculs séparés, ce qui est compréhensible. L’important est qu’on puisse récupérer cette taxe et utiliser l’argent à d’autres fins». À la question de savoir si toutes ces mésaventures les avaient découragés, les Lagourgue répondent par l’affirmative. «Nous apprécions beaucoup le Liban et les Libanais», précise M. Lagourgue. «Mais ce qui nous décourage c’est que nous n’arrivons jamais à connaître la loi. Pour les containers, on nous assure qu’il n’y a pas de problème et puis, pour un détail, les formalités sont retardées d’un mois et demi. De plus, les sommes à payer varient à chaque fois... Ce qui nous réconforte et nous pousse à continuer, c’est que nous ne pouvons acquérir la même marchandise pour une somme similaire au Liban. Nous attendons cependant, un signe, un assouplissement. Nous devrions pouvoir bénéficier de la reconnaissance de l’État». Il rappelle que Mission Enfance travaille avec des institutions bien connues et non des particuliers. Or les donateurs pour le Liban, qui n’est plus en guerre, sont de plus en plus difficiles à mobiliser en Europe. Comment pourraient-ils poursuivre leur action si, en plus, ils doivent recevoir au Liban un accueil rien moins que secourable? «Dans tous les cas, pour nous étrangers, il nous est un peu compliqué de savoir dans quel cadre envoyer de l’aide», conclut M. Lagourgue. «On est obligé de se livrer pieds et poings liés à un transitaire ou à dire “Inchallah”». Si les donateurs étrangers ne comprennent pas toujours les procédures et les lois en vigueur, les Libanais, eux, devraient se demander pourquoi les autorités ne simplifient-elles pas les mesures, et s’accordent-elles le luxe de repousser une aide de plus en plus nécessaire au pays, et de plus en plus rare ?
Certaines histoires des douanes libanaises sont tellement incroyables qu’on les dirait sorties tout droit d’un roman de science-fiction. Alors que nos frontières sont une véritable passoire pour toutes sortes de marchandises, certains voyageurs, à qui les infimes subtilités des réglements échappent, font la triste expérience. C’est le cas de ces deux membres d’une...