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Actualités - CHRONOLOGIE

Diaspora - Le ministère des Emigrés au centre de la polémique La dépolitisation condition sine qua non de la survie de l'ULCM(photo)

L’une des premières initiatives prises par le nouveau régime a été de former une commission ad-hoc chargée de plancher sur le dossier épineux de la diaspora libanaise, et plus particulièrement sur la situation actuelle de l’Union libanaise culturelle mondiale (ULCM) qui traverse une crise aiguë depuis plusieurs années (voir L’Orient-Le Jour du lundi 13 décembre). L’ULCM a connu, depuis sa création officielle en 1960, plusieurs secousses. Ses statuts ont été modifiés à diverses reprises pour différentes raisons, les plus importantes étant souvent l’adaptation nécessaire des statuts aux lois des pays d’accueil. Conçue au départ comme un élément de stabilisation et de rassemblement, l’ULCM traverse actuellement une crise si grave que sa survie même est mise en cause. Faisant l’objet de nombreux éloges, accompagnant les grandes manifestations culturelles libanaises dans le monde, ce grand symbole de l’émigration libanaise a succombé en définitive au changement du paysage démographique et politique du pays. Au terme des longues années de guerre, l’ULCM a été en effet dans le collimateur de certaines parties qui la considéraient comme une «poule aux œufs d’or». C’est dans ce cadre que s’inscrit la relation (quelque peu conflictuelle) qui s’est créée entre l’ULCM et le ministère des Émigrés. Une grave crise Le plus déplorable sur ce plan c’est que les députés ont été mis en garde contre la création de ce ministère qui risquait – selon les auteurs d’un rapport que nous reproduisons par ailleurs – de saper les fondements de cette institution qui avait réussi à surmonter les grandes cassures provoquées par la guerre. Mais l’ULCM n’a finalement pas été épargnée et demeure ébranlée par une grave crise. Pourra-t-elle s’en sortir en sauvegardant son droit à revenir à son statut antérieur ? Devra-t-elle être condamnée à subir, elle aussi, les lois de la démographie et de la géographie ? À quoi est due la crise qui a ébranlé l’ULCM ? Pour apporter quelques éléments de réponse à ces interrogations, un petit rappel historique serait utile. C’est le 2 avril 1993 que le ministère des Émigrés a été créé en vertu de la loi n°213 dont les attendus sont en contradiction avec certains traités et conventions internationaux réglementant les relations entre les émigrés, leurs descendants et leur patrie d’origine. Plus d’une partie a vite fait de remarquer que ce nouveau ministère ne manquera pas de créer un dualisme avec le ministère des Affaires étrangères. D’aucuns ont même signalé que le ministère des Émigrés mettra en porte à faux les émigrés eux-mêmes avec les pays d’accueil qui ne comprendront jamais que le Liban puisse créer un organisme officiel qui pourrait prétendre «s’occuper des problèmes de leurs propres ressortissants», qu’ils soient des émigrés de dernière heure ou des descendants d’émigrés de la première ou de la deuxième vague. C’est toute la différence qui existe entre l’ULCM, dont l’indépendance lui conférait une certaine latitude, et le nouveau ministère, dont la nature même l’astreignait à des obligations incompatibles avec les statuts de l’émigration. Ces considérations ont poussé certains responsables de l’Union à adresser un mémorandum aux députés libanais, à la veille de l’adoption de la loi créant le ministère des Émigrés (voir par ailleurs), pour les mettre en garde contre une telle initiative et pour leur exposer les dangers auxquels sera confrontée la relation Liban-émigrés du fait de l’adoption d’un texte de loi incompatible avec des accords internationaux et avec une tradition, bien confirmée, qui a régi les relations du Liban avec les pays d’accueil. Premiers faux pas La première personnalité qui fut en charge de ce portefeuille a été Rida Wahid, avec comme directeur général Haïtham Jomaa, un des cadres supérieurs du mouvement Amal. Le choix de ces deux personnalités a suscité certaines réserves pour, au moins, deux raisons : d’abord leur manque d’expérience en la matière et ensuite leur appartenance toutes les deux à la communauté chiite. Les opposants au projet du ministère des Émigrés ont fait valoir que «ce portefeuille n’est pas une affaire de simple politique libanaise intérieure et qu’il ne pouvait, de ce fait, être confié à des néophytes qui risqueraient, vu qu’ils maîtrisent mal leur dossier, de perturber les relations avec des pays tiers». La seconde réserve qui avait été exprimée par diverses parties après la mise en place du nouveau ministère se rapporte à une considération plus délicate : compte tenu du fait que près de 85 % des émigrés sont chrétiens, on comprenait mal que les Libanais chrétiens soient totalement absents de ce ministère. Les responsables de l’époque ont bien saisi cet argument. Plus d’une partie ont soulevé cette question à plusieurs reprises, mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre... Malheureusement, les faits sont venus confirmer les appréhensions exprimées à ce propos. En effet, Rida Wahid, malgré toutes les explications qui lui ont été fournies à la demande des hauts responsables du pays pour lui permettre «de mieux se familiariser avec ce dossier», s’est livré d’entrée de jeu à un acte d’autorité en déclarant les statuts de l’ULCM en contradiction avec la législation libanaise. La première circulaire publiée par le ministre fut rédigée en ces termes : «L’association appelée Union culturelle libanaise mondiale se trouve en infraction avec la législation libanaise. De ce fait, le ministère des Émigrés ne peut la reconnaître tant qu’elle est en état d’infraction et ne reconnaîtra aucune de ses actions. Le ministère lui dénie le droit de prétendre représenter les émigrés libanais ou de se considérer comme leur porte-parole». Pour défendre sa position, le ministère a prétendu se référer à une lettre que lui aurait adressé le chef du service des affaires politiques et administratives au ministère de l’Intérieur indiquant que, «pour que l’ULCM puisse être en règle avec la législation libanaise, elle doit présenter les documents nécessaires pour la reconstitution de son dossier». Réactions et scission Bien que l’Union, dont le secrétaire général à l’époque était M. Joseph Younès, se soit pliée à cette exigence en reconstituant tout son dossier, conformément aux indications du service des affaires politiques et administratives du ministère de l’Intérieur, le ministère des Émigrés a maintenu sa position. Mais entre-temps, l’ULCM n’est pas restée inactive : elle a présenté un recours devant le conseil d’État contre le ministère des Émigrés, procédure qui est restée sans suite jusqu’à présent. Les responsables de l’Union ont, d’autre part, appelé à la tenue d’un congrès extraordinaire à Sao Paulo, notamment pour réformer certains articles de ses statuts, lui permettant notamment de passer d’un régime de type présidentiel à une présidence collégiale et tournante entre les différents continents. La réaction de M. Rida Wahid à la tenue de ce congrès a été virulente : il a qualifié les congressistes de «traîtres» et le directeur général Haïtham Jomaa a adressé à son collègue du ministère des A.E. une lettre lui demandant d’intimer aux diplomates présents au Brésil de ne pas participer aux travaux de ce congrès «dont la tenue n’est pas conforme aux lois en vigueur». Entre-temps, des changements sont intervenus au niveau du gouvernement. Le ministère des Émigrés a été pris en charge, successivement, par MM. Ali el-Khalil et Talal Arslan, que les responsables de l’«Union» se sont hâtés de rencontrer. Les deux ministres, tout en avouant officieusement que leur ministère est dans son tort, ont exhorté les responsables de l’Union à tourner la page et à trouver un terrain d’entente avec le ministère. Mais les agissements des fonctionnaires n’ont pas encouragé les responsables de l’ULCM à répondre positivement à l’appel des deux ministres du fait qu’ils ont poursuivi leur politique discriminatoire à l’encontre des responsables légaux de l’Union. Certains ont été même jusqu’à accuser le ministère d’avoir provoqué une scission au sein du secrétariat général. Accusation que tout semble confirmer d’autant plus que la partie dissidente a été hébergée au sein même des locaux du ministère des Émigrés. Autre pomme de discorde : la nomination des attachés à l’émigration. Une polémique s’est immédiatement engagée entre le ministères des AE et celui des Émigrés sur le rôle de ces nouveaux venus à qui on ne pouvait accorder le statut de diplomates et qui sont perçus par les diplomates de carrière comme des intrus pouvant perturber les relations établies entre les délégations diplomatiques libanaises et les autorités des pays d’accueil. Malgré cette situation plus qu’embarrassante, ministres et responsables du ministère des Émigrés n’ont pas hésité à entreprendre des visites aux pays d’accueil, sans toutefois réussir à rallier à leur cause les groupes d’émigrés qu’ils ont rencontrés. Cette réalité a apporté de l’eau au moulin des parties opposées à la présence d’un ministère des Émigrés. Le ministère des Émigrés a tenté, en outre, de reprendre l’initiative en organisant, à l’attention des jeunes émigrés des congrès qui, dans l’ensemble, n’ont pas été couronnés de succès. De fait, le Brésil, le plus grand centre de l’émigration libanaise, s’est fait représenter à ces réunions par quatre personnes seulement...
L’une des premières initiatives prises par le nouveau régime a été de former une commission ad-hoc chargée de plancher sur le dossier épineux de la diaspora libanaise, et plus particulièrement sur la situation actuelle de l’Union libanaise culturelle mondiale (ULCM) qui traverse une crise aiguë depuis plusieurs années (voir L’Orient-Le Jour du lundi 13 décembre)....