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Actualités - REPORTAGES

Justice - La Cour poursuit l'audition des plaidoiries dans le procès Karamé Pleins feux, hier, sur les seconds rôles (photo)

Les seconds rôles, qui depuis l’ouverture de ce procès se sont faits tout petits dans le box des accusés, ont eu leur heure de gloire hier, devant la Cour de justice. Mais leurs avocats ont eu beau plaider et réclamer la reconnaissance de leur innocence, ce sont surtout les larmes d’Antoine Chidiac qui ont ému l’assistance. Cet inculpé, qui au cours de son interrogatoire s’était présenté comme un homme simple, doté d’un grand bon sens et de beaucoup d’humour, a montré hier l’étendue de sa détresse. Il a pleuré comme un enfant, tout en se cachant de honte derrière l’autre inculpé Keitel Hayeck, lorsque son avocate, Me Saydé Habib a parlé de sa petite fille née alors qu’il était déjà arrêté et qui ne l’a jamais vu qu’à travers les barreaux. Pour la première fois depuis l’ouverture de ce procès, les membres de la famille Karamé et leurs nombreux partisans n’ont pas assisté à l’audience, laisant la scène à la défense. A entendre les avocats de Aziz Saleh, Keitel Hayeck, Antoine Chidiac et Camille Rami, on aurait pu croire que depuis la mort de Rachid Karamé, le 1er juin 1987, rien n’a changé au Liban, dans les mentalités du moins. Ce sont surtout les plaidoiries des avocats de Saleh, MM. Abdo Abou Tayeh et Sleimane Lebbos qui ont donné cette impression. Ils ont reconstitué les circonstances du drame, rappelant avec insistance que, selon eux, tout l’Est s’est réjoui de la mort de Karamé. À la troisième remarque du genre, le président Mounir Honein n’y tenant plus s’écrie : «Nous autres, nous vivons à l’Est et nous ne nous sommes pas réjouis». En lançant cette remarque, le président de la Cour cherche surtout à désamorcer une polémique naissante entre les avocats de la défense et ceux de la partie civile. Abou Tayeh qui prend la parole en premier, annonce qu’il compte plaider l’innocence des Forces libanaises, en tant que milice et qu’individus. Il s’étend sur les circonstances politiques du drame, développant les thèses que l’on entendait à l’époque dans les régions Est, comme si elles étaient des vérités absolues. Au passage, Abou Tayeh dresse de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, un portrait négatif, le présentant comme un homme confessionnel, à la solde tantôt des Palestiniens et tantôt des Syriens, responsable en grande partie de la guerre libanaise à cause de son hostilité au déploiement de l’armée. Me Bassam Dayé de la partie civile écoute en rongeant son frein, lui, qui tout au long des multiples audiences s’est acharné à présenter Karamé comme un véritable homme d’État, allant même jusqu’à le surnommer «le Gandhi du Liban». Alors que Samir Geagea envoie les baisers habituels à son épouse Sethrida, Abou Tayeh se demande comment le poseur de la bombe à bord de l’hélicoptère n’a pas pu être identifié, d’autant que les techniciens de la base d’Adma sont connus. L’avocat évoque ensuite le «trio de menteurs», les témoins José Bakhos, Amale Abboud et Robert Abi Saab, tous anciens membres des Forces libanaises dont les dépositions ont constitué la majeure partie de l’acte d’accusation. Selon lui, il s’agit d’un complot visant à incriminer les FL. Enfin, Abou Tayeh parle de son client Aziz Saleh, accusé d’avoir pris des photos panoramiques de la base d’Adma et d’avoir surveillé le décollage de l’hélicoptère le jour du drame. Selon l’avocat, rien n’indique que les photos soient liées au crime et en tout cas, elles ne peuvent être d’un apport décisif, ainsi que la surveillance, puisque le seul élément déterminant est la possession de l’émetteur qui commande l’explosif. Dans son réquisitoire, le procureur Addoum avait toutefois affirmé que les deux hélicoptères qui se sont rendus au nord ce jour-là étaient piégés et c’est pourquoi, les FL devaient surveiller le décollage. Reprenant les principaux points soulevés par son collègue, Me Lebbos rappelle en plus les tortures morales et physiques subies par son client lors de son interrogatoire par les officiers des renseignements. Il précise à ce sujet, que le Christ lui-même, sur sa croix a craint la mort et a supplié son Père de l’épargner. «Que dire alors d’un simple homme? il avouerait tout pour que cessent les tortures…». Me Lebbos précise ensuite que les photos attribuées à Saleh par l’acte d’accusation ont été prises trois mois avant le drame, c’est-à-dire bien avant que la décision d’éliminer Karamé ne soit prise. Il ajoute enfin que pour être qualifiée d’intervenant dans un crime, une personne doit connaître le plan d’action, or, Saleh qui n’était qu’un sous-fifre ne savait rien de tout cela. Me Riad Matar, avocat du commandant à la retraite Keitel Hayeck prononce ensuite une remarquable plaidoirie technique, dans laquelle il affirme que son client qui a été déjà jugé pour le même crime en Syrie ne peut l’être une nouvelle fois au Liban, selon le principe de l’autorité de la chose jugée. Il précise ensuite que le crime attribué à son client (le lancement d’une bombe sur la tombe de Karamé lors de la cérémonie du quarantième) n’était pas cité dans le décret déférant l’assassinat devant la Cour de justice. Il est donc couvert par la loi d’amnistie, suivant le principe d’interprétation restrictive des dispositions de cette loi. Il se réfère ainsi à un jugement du procureur Addoum, lorsqu’il était président de la Cour criminelle du Mont-Liban. Dans les faits, l’avocat démontre l’absence de liens entre son client et les Forces libanaises. Mais il faudra attendre Me Bahige Abou Mrad pour avoir des détails sur le sujet. Me Abou Mrad dresse de Hayeck un portrait qui se veut élogieux et le présente comme un chef ayant plus de partisans que Geagea lui-même. «Dans ce cas, pourquoi travaillerait-il pour lui ?» Il évoque ensuite l’incompétence de la Cour. «L’affaire dit-il est de la compétence de la Cour criminelle» et Hayeck ne cache pas son accablement. L’avocat demande ensuite trois millions de dollars d’indemnités pour son client payables, selon lui, par la partie civile. Avocate d’Antoine Chidiac, Me Saydé Habib axe sa plaidoirie sur sa situation familiale, arrachant à son client des larmes abondantes. Honteux, il essaie de se cacher, mais il ne parvient pas à se contrôler. Cet homme simple, illettré, n’a pas vu naître sa fillette, et aujourd’hui, il la voit une fois par mois, à travers les barreaux, sa femme travaillant comme femme de ménage et ne pouvant donc le visiter plus souvent. Simple membre de l’escorte du chef de sécurité des FL, Ghassan Touma, il n’avait aucune liberté, et aucune autonomie. Il ne pouvait qu’exécuter les ordres. L’avocat de Camille Rami, Me Richard Chamoun développe les mêmes points que Me Matar et il exhibe des documents pour montrer les tortures subies par son client à Yarzé. Mardi, la Cour entendra les plaidoiries des avocats du brigadier Matar.
Les seconds rôles, qui depuis l’ouverture de ce procès se sont faits tout petits dans le box des accusés, ont eu leur heure de gloire hier, devant la Cour de justice. Mais leurs avocats ont eu beau plaider et réclamer la reconnaissance de leur innocence, ce sont surtout les larmes d’Antoine Chidiac qui ont ému l’assistance. Cet inculpé, qui au cours de son interrogatoire...