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Actualités - ANALYSE

Finances publiques - Lutter contre la corruption administrative et politique Un laissé-pour-compte, la Cour des comptes...

Pourquoi y a-t-il une Cour des comptes ? Pour veiller à ce que la gestion publique soit conforme à l’appareil des lois tout en restant efficace. Mais aussi pour contribuer à lutter contre la corruption administrative et politique. Un vétéran rapporte à ce propos cet édifiant récit : sous Chéhab, une commission dirigée par Khattar Chebli avait été chargée de restructurer en la modernisant l’administration financière du pays. Comme le président tenait à suivre de près les travaux de cet organisme, les réunions se tenaient chez lui à Zouk. Un jour, Chebli l’informe que la commission pensait mettre sur pied une Cour des comptes, en lui demandant ses directives. Et le général de répondre : «Faites-nous une loi basée sur le fait patent qu’il y a du vol, de la gabegie, du gaspillage dans les services publics et donnez-nous une Cour qui mette fin à ces dilapidations, à ces pratiques». Selon cette source, les instructions de Chéhab ont influé sur les membres de la commission, qui ont voulu dès lors produire à la fois une loi de comptabilité publique sévère, bien serrée, et une Cour des comptes dont le rôle répressif autant que préventif ne serait pas négligeable, dans le contrôle des administrations. Mais selon nombre de juristes, la réglementation et les mécanismes imaginés alors sont un peu trop complexes pour être vraiment efficaces. D’autant que la Cour des comptes intervient avant, pendant et après tout acte administratif à caractère financier, contrats, adjudications ou autres. Toujours est-il que la guerre a largement paralysé cette institution. L’anarchie qui s’est installée alors dans les administrations n’a pas été gommée du temps de la troïka, bien au contraire, pourrait-on dire. Car le système de partage appliqué par les dirigeants ne pouvait tolérer de contrôle régulateur. L’avis de la Cour des comptes n’était plus pris en considération. Son rapport annuel global qui, jadis, faisait trembler tout l’État et faisait l’objet d’une remise solennelle aux autorités, allait droit au panier. Il faut dire ici qu’il y allait paradoxalement un peu de la faute du chéhabisme. Fondateur des organismes de contrôle, comme le Conseil de la fonction publique, l’Inspection centrale ou la Cour des comptes, il avait aussi inventé les offices autonomes et l’administration parallèle qui échappent en général à ces mêmes contrôles. On peut ainsi citer plusieurs cas, dont ceux du Conseil du développement et de la reconstruction, devenu sous Hariri un superministère ou le Conseil du Liban-Sud. Dès lors sous la troïka, les partenaires s’en sont donnés à cœur joie, de leur propre aveu. Et ils ont couvert, reconnaissent-ils, toutes sortes de concussions. Sans retenue et sans qu’aucun organisme de contrôle, si l’on excepte quelques démissions isolées de cadres vertueux, ne proteste ou n’agisse. Aujourd’hui on parle d’épuration, vaguement du reste, car les premières tentatives ont débouché sur un lamentable fiasco. Toujours est-il que si la réforme devait reprendre, la Cour des comptes serait appelée à jouer en permanence un rôle majeur de censeur financier et administratif. Pour qu’elle puisse s’en acquitter au mieux, plusieurs spécialistes estiment qu’on doit la détacher de la tutelle de la présidence du Conseil, dont elle dépend sur le papier, pour la rattacher à l’Assemblée nationale dont la mission est justement de contrôler la gestion du gouvernement et de l’administration. Ces juristes soulignent que le Cabinet ne doit pas se contrôler lui-même, être juge et partie, qu’il faut donc ôter la Cour des comptes de sa juridiction. Mais d’autres font remarquer que toute la justice est censée être autonome, alors qu’elle dépend administrativement de l’Exécutif. Ils ajoutent que le gouvernement n’est pas autorisé par les lois à se mêler du travail de la Cour des comptes, bien au contraire. Et ils soulignent que la Chambre des députés ne peut pas, par définition même, avoir sous son aile un instrument exécutif ; judiciaire ou autre. Ces mêmes sources rappellent qu’en pratique, le président et les juges de la Cour des comptes étant nommés sur demande instante du président du Conseil supérieur de la magistrature, ils ne dépendent pas vraiment des responsables gouvernementaux et leur indépendance n’est pas menacée par ces derniers. Qui se sont tout simplement contentés jusque-là de ne tenir aucun compte des avis de la Cour des comptes.
Pourquoi y a-t-il une Cour des comptes ? Pour veiller à ce que la gestion publique soit conforme à l’appareil des lois tout en restant efficace. Mais aussi pour contribuer à lutter contre la corruption administrative et politique. Un vétéran rapporte à ce propos cet édifiant récit : sous Chéhab, une commission dirigée par Khattar Chebli avait été chargée de restructurer...