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Actualités - ANALYSE

Un problème de cohésion

La langue de bois, c’est fini. Longtemps l’État a refusé de reconnaître que le pays était en crise sur le plan économique. Maintenant le constat de récession est officiellement établi. Et l’on dramatise même beaucoup la situation. Sans doute pour mettre les Libanais en condition et les préparer à verser leur écot pour payer les pots cassés. Mais il se pose un problème de cohésion. D’une part, les responsables ne sont pas du tout d’accord sur les systèmes à adopter pour renflouer un peu les caisses. Et d’autre part, ils ne semblent pas tout à fait sur la même longueur d’ondes en ce qui concerne les rapports avec l’opposition, du moins sur le plan économique et financier. Ainsi, au moment même où le chef de l’État lançait un appel à la mobilisation générale de tous les Libanais pour une lutte commune dans ce domaine, le Premier ministre lançait pour sa part le parquet financier et la Cour des comptes aux trousses des haririens, pour l’histoire des factures impayées aux hôpitaux, aux entrepreneurs et aux expropriés. Un loyaliste s’efforce d’expliquer qu’il n’y a pas contradiction «car le président du Conseil opère d’une manière automatique, technique, pour appliquer les lois et les règlements en vigueur, comme il y est tenu. Une procédure sans dimension, sans portée politique, alors que les orientations du président de la République sont de nature purement politiques et reflètent donc la ligne de conduite que le pouvoir compte désormais suivre sur la scène intérieure». Le fait est que le président Émile Lahoud, s’abstenant de toute allusion à ces 1 130 milliards de livres libanaises d’arriérés qui préoccupent le président Hoss, a souligné en substance que l’élaboration «des solutions pour sortir de la crise ne peut se faire qu’avec la participation de tous, chacun à son poste propre et suivant ses possibilités». Et des possibilités, on le sait, un certain Rafic Hariri en a beaucoup… Le chef de l’État a donc ajouté : «Nous sommes pleinement disposés à accepter les suggestions constructives susceptibles d’aiguillonner la campagne de redressement». Et comme s’il s’adressait à son Premier ministre, il conclut sur ce verdict : «Il est absolument inadmissible que les tiraillements politiques entrent en ligne dans le traitement de la question budgétaire. Car c’est le pain de nos compatriotes qui est en jeu. Et, à ce stade, il n’y a ni loyalisme ni opposition». Invectives Cependant, le rassemblement moral ou politique semble plus facile à réaliser que l’entente entre techniciens ou prétendus tels. Les grands argentiers successifs, MM. Fouad Siniora et Georges Corm, continuent à s’invectiver réciproquement par voie de presse. Et au sein du Cabinet, c’est un véritable tohu-bohu d’avis contradictoires, notamment sur les mesures fiscales à prendre. Ce qui amène un homme d’affaires à relever, non sans amertume que «lorsque les médecins se disputent au sujet du traitement, il vaut mieux ne pas les grouper en consultation autour du lit du patient». «En l’occurrence, ajoute-t-il, il vaut mieux dissoudre la commission ministérielle formée pour étudier le budget et se décider à laisser M. Corm disposer de la politique financière et budgétaire du pays comme il l’entend, suivant ses propres options, puisqu’il en est le responsable désigné». Il est toutefois douteux que les autres économistes du Cabinet, MM. Sélim Hoss et Nasser Saïdi, qui dirigent chacun un courant distinct de celui de M. Corm, acceptent de laisser carte blanche à ce dernier. Un banquier chevronné reproche en outre aux responsables de se montrer «trop bavards». Et de rappeler : «Quand Pierre Eddé était ministre des Finances sous Charles Hélou et qu’il avait pour mission de redresser les finances publiques, il travaillait d’arrache-pied sans jamais piper mot. Quand on lui demandait de faire des révélations, de parler à la presse, il refusait en faisant remarquer que les problèmes financiers se traitent loin de tout verbiage si l’on veut être efficace et éviter des remous. Or aujourd’hui tous les ministres se répandent partout pour faire des déclarations sur le budget. Le chef du gouvernement lui-même multiplie les interventions médiatiques, mais s’interdit de donner des indications chiffrées sur le budget sur lequel il ne tarit pas, alors qu’un budget, ce n’est rien d’autre que des chiffres !»
La langue de bois, c’est fini. Longtemps l’État a refusé de reconnaître que le pays était en crise sur le plan économique. Maintenant le constat de récession est officiellement établi. Et l’on dramatise même beaucoup la situation. Sans doute pour mettre les Libanais en condition et les préparer à verser leur écot pour payer les pots cassés. Mais il se pose un...