Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférences Greffes et transplantations d'organes au Liban (photo)

À la suite d’une série de conférences données par le Dr Fouad Boustany sur les problèmes éthiques posés par les transplantations d’organes, et compte tenu de l’importance que revêt cette question, nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de ces analyses. La pertinence de ces textes devrait susciter une réflexion adéquate, non seulement auprès des spécialistes mais aussi au sein du grand public, puisque greffes et transplantations ainsi que les risques de dérives qui les accompagnent impliquent la société dans son ensemble. Les succès obtenus depuis quelques décennies dans le domaine des transplantations expliquent l’écart de plus en plus grand entre une demande d’organes qui va croissant et une offre qui reste insuffisante. Ceci crée les conditions possibles d’un dévoiement et d’une dérive qu’il est important de contrôler et de verrouiller, d’autant plus qu’il n’existe pas actuellement de par le monde un consensus entre les différentes législations. Il y a donc des problèmes à discuter et à résoudre: le problème métaphysique et religieux est actuellement résolu par un concensus moral universel, puisque la plupart des religions, après avoir énergiquement défendu durant des siècles l’intégralité du corps et du cadavre, préconisent et valorisent la solidarité d’un don généreux d’organes, notamment après la mort. La réussite «clinique» a même réussi, après 25 siècles, à imposer une nouvelle définition de la mort, non plus cardiaque mais cérébrale, permettant la survie des organes à transplanter. (Tous les organes ne meurent pas simultanément. La mort cérébrale peut être présente alors que d’autres organes restent en vie pendant plusieurs heures dans certaines conditions). Pas de greffe sans prélèvement et pas de prélèvement sans une éthique rigoureuse. Ce sentiment est partagé par l’ensemble du corps médical et par les décideurs politiques. C’est autour du recueil d’organes que se situent les problèmes éthiques les plus épineux. Il est effectivement difficile d’imaginer qu’un programme de prélèvement d’organes puisse se développer dans la contradiction aux principes éthiques et moraux sécrétés par la société elle-même et par les croyances. C’est cette réflexion qui nous a mené, au Liban, à préparer un projet de loi bioéthique présenté aux autorités compétentes, après une consultation approfondie des différents pôles politiques et religieux du pays et une étude exhaustive des législations et décisions médicales, politiques et de religions monothéistes de par le monde. Les greffes rénales, celles de la cornée et les greffes de la moelle osseuse sont pratiquement les seules pratiquées au Liban. Les greffes cardiaques, hépatiques, pancréatiques, etc. sont encore rarissimes. Les greffes de la cornée et les greffes de moelle osseuse sont considérées par certaines législations comme des greffes de tissus et non d’organes. Elles ont dans certains pays des législations légèrement différentes des greffes d’organes. Ces différences ont été retenues dans notre projet. Les greffes rénales, en augmentation de nombre chaque année, provoquent un écart entre l’offre et la demande. Il est à constater que les transplantations rénales au Liban ont été pratiquées essentiellement à partir de donneurs vivants. Il est justement important de distinguer les problèmes éthiques posés par le prélèvement sur les donneurs vivants et ceux posés par les donneurs décédés, les premiers occasionnant des dérives que la majorité des législations réprouvent, dérives qui constituent une transgression de la règle du «primum non nocere» sur un individu et qui conduit à la dévaluation de l’acte d’oblation, un acte d’amour entre les hommes, car l’identité humaine est faite d’un tout, corps et âme. Respecter le corps humain, c’est respecter la dignité humaine. C’est sur cette toile de fond que nous avons présenté notre projet de lois comme complément au seul texte législatif que nous possédons: Le décret-loi n°109 de 1983 et son décret d’application n°1442 de 1984, resté malheureusement méconnu. Les solutions proposées par notre projet ne peuvent être considérées que comme des solutions transitoires, sujettes à remaniements constants, mais elles semblent nécessaires en raison des risques de dérives générés par des pratiques médicales déjà installées chez nous. Dans notre pays, les médecins n’ont pour guide que le Code de déontologie de 1994 et ce code, comme partout, est constamment dépassé par la bioéthique dans son ensemble et qu’il ne suffit guère à régler les nouveaux problèmes posés chaque jour par une médecine qui va beaucoup plus vite que le droit et les lois mettant les médecins et les juges devant des situations inédites et embarrassantes. Problèmes posés par le donneur Dans ce domaine, les problèmes posés sont doubles, selon que le prélèvement concerne un donneur vivant ou un donneur décédé. En cas de donneur vivant, les catégories de personnes sur lesquelles il est possible d’effectuer un prélèvement sont celles qui, génétiquement, sont apparentées au receveur de façon très proche: selon les législations adoptées: père ou mère, fils ou fille, frère ou sœur. En cas d’extrême urgence, le donneur peut être le conjoint ou un cousinage du premier degré. Rarement sont retenues certaines relations sentimentales ou émotionnelles. – Un autre problème est celui du, «consentement» du donneur vivant. Ce consentement doit être «libre et éclairé». Mais qui peut affirmer la liberté de consentement chez un sujet vivant? Qui peut affirmer qu’il n’existe pas de pressions exercées sur lui? Sûrement pas le médecin ou le magistrat si le donneur ne peut ou ne veut pas en faire état. Croire que le consentement est «forcément libre» dans nos sociétés relève de la naïveté ou de l’hypocrisie à visée pragmatique. Signalons toutefois, qu’en Norvège 40% des transplantations rénales proviennent de donneurs vivants. Chez «le mineur vivant», le consentement parental doit dans certaines législations être accompagné d’un comité légal de tutorat. Un problème aussi fondamental est celui de la «rétribution» éventuelle du donneur vivant. Les législations s’accordent pour interdire toute forme de rétribution d’un donneur vivant. Mais on sent à travers certaines législations et même chez certaines autorités religieuses que si le donneur ne doit tirer aucun bénéfice de son geste oblatif, il lui est permis de percevoir le remboursement du préjudice qu’il subit du fait du prélèvement. C’est ainsi que certains proposent qu’une rétribution soit accordée au donneur «par l’État» sous la dénomination étrange de «reward gift» ou «don rétribué». Certains États aux USA tolèrent des dons accompagnés «d’incitations matérielles». Aux Indes, certaines ventes d’organes sont réglementées. En Amérique du Sud et dans certains pays du Moyen-Orient, cornées et organes sont offerts et négociés. Mais la grande majorité des États proscrivent officiellement toute transaction portant sur le corps humain et toute publicité sur les besoins d’organes ou leur disponibilité, qu’il s’agisse d’offrir une rémunération ou de rechercher à en obtenir. Cette publicité prohibée est totalement différente de l’information publique fournie par des associations non lucratives qui incitent au don d’organes surtout chez le cadavre. Le prélèvement sur le cadavre (mort cérébrale) soulève autant de questions. Tout d’abord, la notion d’indiviu décédé conduit à s’interroger sur la définition de la mort et, partant de là, sur les critères permettant de la reconnaître, quoique actuellement ces questions soient définitivement codifiées par le corps médical dans le monde mais pas obligatoirement par tout le monde (au Japon, où religion bouddhiste et coutumes imposent une attente de trois jours, et chez quelques décisionnaires juifs). Il faudrait, qu’avec la discussion du projet, au Liban, le Conseil d’État puisse statuer sur ce point. – Le problème du «consentement» n’est pas non plus très simple. Consentement (ou refus) devra être exprimé du vivant du donneur et connu par les médecins préleveurs. Mais ce consentement explicitement formulé du vivant du donneur (carte de donneur, régistre officiel, etc.) est encore rarissime au Liban, d’application difficile. Et c’est pour cette raison que, dans notre projet, nous avons proposé le «consentement présumé». Le défunt n’ayant pas de son vivant exprimé un refus, le prélèvement peut être effectué avec la recherche du consentement parental ou du représentant légal du défunt avec toutes les précautions légales qui s’y rattachent. Par ailleurs, la majorité des législations préconisent que l’équipe médicale qui constate la mort soit distincte de celle qui prélève ou transplante. Il est entendu que le corps mutilé devra être correctement restauré et qu’il est nécessaire de réserver aux seuls médecins les informations pouvant identifier le donneur par rapport au receveur et réciproquement. Au Liban, certaines émissions télévisées ne tiennent pas compte de ces précautions. Cette négligence peut amener plus tard des dérives de chantage. Pour le cerveau humain, les techniques sont moins avancées et les questions éthiques plus astreignantes. Il s’agit surtout de greffes intra-cérébrales de tissus mésencéphaliques viables d’embryons et de fœtus de 5 à 6 semaines, chez quelques malades atteints de la chorée de Huntingon, des parkinsoniens et des alzheimériens. Des règles strictes ont été notifiées en Europe défendant les incitations aux IVG et obligeant à une sévère indépendance entre patientes, exécutants de l’IVG et transplanteurs. Conclusion Dans l’intérêt général, il est souhaitable que certaines mesures soient prises rapidement: formation d’un Comité national consultatif de bioéthique, vote d’une loi de bioéthique, même si sa réadaptation devra être constamment nécessaire. Il est à prendre en considération le fait que les Libanais trouveront de plus en plus de difficultés, en cas de besoin, de se faire greffer ailleurs. Un grand nombre, en effet, légifèrent à ce propos avec raison, tout en faisant preuve de chauvinisme. Il importe aussi de renforcer les sociétés et les organisations sociales s’occupant d’inciter aux dons d’organes chez le cadavre, en respectant avec vigueur les critères internationaux pour gérer l’efficacité médicale des transplantations malgré nos ressources limitées, et tenir compte des considérations éthiques qui imposent l’égalité des chances dans l’attribution des organes. La transplantation d’organes humains, prolongeant la vie des patients, constitue certainement un impératif éthique pour tout médecin. Elle doit s’attacher à bien respecter les valeurs éthiques fondamentales du don, de la gratuité, de la solidarité, de l’équité des répartitions, pour que la dignité humaine ne puisse un jour se négocier.
À la suite d’une série de conférences données par le Dr Fouad Boustany sur les problèmes éthiques posés par les transplantations d’organes, et compte tenu de l’importance que revêt cette question, nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de ces analyses. La pertinence de ces textes devrait susciter une réflexion adéquate, non seulement auprès des spécialistes...