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Actualités - REPORTAGES

Jubilé - Les Conseils d'Etat libanais et français célèbrent l'anniversaire de leur naissance Chaoul : il n'y a de justice que s'il y a des magistrats crédibles (photos)

Considéré souvent comme une instance administrative, le Conseil d’État est avant tout l’indice du niveau de démocratie d’un pays. C’est ce qui ressort des discours prononcés, hier, par le ministre de la Justice et président de ce conseil, Joseph Chaoul et par le vice-président du Conseil d’État français, Renaud Denoix de Saint Marc. Véritable garant des libertés, ce conseil a donc pour principale mission de protéger les individus des dérives d’un pouvoir politique qui a tendance à oublier ses limites. Au cours des dernières années, il était même devenu l’ultime recours des citoyens face à un exécutif souvent omnipotent. Son 75e anniversaire qui coïncide avec le bicentenaire du conseil d’État français, ne peut donc laisser les Libanais indifférents. C’est en président du conseil d’État que le ministre de la Justice Joseph Chaoul a effectué sa première apparition publique officielle. Et son discours, d’une profondeur rare dans ce genre de cérémonies, a donné une place prépondérante au rôle du juge et du magistrat dans la défense du droit et des libertés. «Il n’ y a de justice, gage de survie de l’État de droit, que s’il y a des magistrats crédibles…La légitimité du juge , c’est la confiance du justiciable…La défense des libertés publiques est plus difficile à assurer lorsqu’elles sont violées par les plus hautes autorités de l’État». Le discours de Chaoul fourmille de prises de position et de phrases choc et, après l’avoir applaudi, les personnalités présentes ont été conviées à une pause-café. Auparavant, M. Antoine Kheir, membre du conseil constitutionnel, avait prononcé une allocution de présentation, avant de donner la parole au vice-président du Conseil d’État français, M. Renaud Denoix de Saint Marc. En France, le Premier ministre est le président du conseil d’État. Il s’agit d’un titre purement honorifique. M. Denoix De Saint Marc déclare d’ailleurs à L’Orient-Le jour que, depuis qu’il est à ce poste (1995), il n’a jamais accueilli au siège du Conseil d’État les Premiers ministres Alain Juppé et Lionel Jospin. «En France, dit-il, le Conseil d’État est totalement indépendant de l’exécutif». Dans son discours d’ouverture, M. Denoix de Saint Marc insiste sur l’étroite coopération entre les conseils d’État français et libanais et rappelle que, chaque année, deux membres du Conseil d’État libanais passent quatre mois au Conseil d’État français. Le droit administratif étant essentiellement basé sur la jurisprudence, il est vivant et s’adapte aux problèmes de l’Administration et des citoyens. Il est aussi en constante évolution. Trois points communs Selon M. Denoix de Saint Marc, les conseils d’État libanais et français ont trois points en commun : tous deux ont une histoire mouvementée, deux fois centenaire pour la France et s’étendant sur une période de 75 ans pour le Liban. Tous deux ont une double compétence : ils ont un rôle consultatif pour le gouvernement et juridictionnel puisqu’ils disent le droit. Enfin, tous deux sont une source de jurisprudence et élaborent donc le droit. M. Denoix de Saint Marc déclare aussi à L’Orient-le Jour, qu’en France «le Conseil d’État est consulté par le gouvernement sur tous les projets de lois». Au Liban, la consultation est plus limitée puisqu’elle ne couvre que les projets de décrets-lois ou d’arrêtés ministériels. En France, le Conseil d’État est né en 1799, alors que Napoléon était encore Bonaparte. Auréolé du succès de la campagne d’Égypte, il voulait lancer une grande entreprise de modernisation des institutions. Au Liban, la situation est quelque peu différente. Mais le plus curieux dans l’histoire de notre Conseil d’État, c’est qu’il doit sa naissance et sa survie à 4 généraux : en 1924, il a été créé par le général Vanderberg, en 1941, c’est le général Dentz qui a procédé à la première réforme, suivie de deux autres réalisées en 1959 par le général Chéhab et en 1975 par le général Noureddine. Actuellement, le Conseil d’État est formé de 5 chambres : la première s’occupe des fonctionnaires. Elle est présidée par M. Ezzet Ayoub qui est aussi le vice-président. La seconde est celle du contentieux ; elle est présidée par M. Alexandre Fayad. La troisième est celle des indemnités ; elle est dirigée par intérim par M. Sélim Sleimane, la quatrième est celle des contrats et des marchés, présidée par M. Rachid Hoteit et la cinquième a des fonctions législatives (elle est consultée pour les décrets et les arrêtés). Elle relève de plein droit du président du Conseil d’État. Ces détails sont généralement peu connus du public qui ne retient du Conseil d’État que les arrêts. Ils le réconcilient généralement avec l’autorité politique en la rendant moins absolue. C’est d’ailleurs sur ce point qu’insiste le ministre Chaoul, en retraçant l’historique de la naissance du droit, dont l’autre face est le devoir. Citant Léon Duguit, il affirme que «l’essentiel, c’est de comprendre et d’affirmer avec une indéfectible énergie qu’il y a une règle de droit supérieure à la puissance publique». Il ajoute : «C’est à nous de rejeter ce qui dans la loi a été introduit par opportunité politique…Souvent, le droit fondamental est altéré par le glissement des intérêts». C’est donc à une véritable réflexion sur les principes qui régissent le fonctionnement des sociétés et à l’exposé d’une sorte de philosophie du droit qu’ont été conviées les nombreuses personnalités qui ont assisté hier à la première journée de la cérémonie du jubilé. Il y avait notamment M. Michel Murr, représentant le chef de l’État, M. Abdellatif Zein, représentant M. Berry, et M. Michel Moussa, représentant M. Hoss. Il y avait aussi le ministre Corm et de nombreux députés ainsi que la plupart des magistrats du pays, à leur tête, MM. Mounir Honein et Adnane Addoum et les membres des délégations tunisienne, égyptienne et italienne. Un parterre choisi donc, pour une cérémonie pas comme les autres. La journée d’aujourd’hui sera consacrée à la jurisprudence du Conseil d’État et à son rôle consultatif, avant de clôturer les travaux par les perspectives d’avenir.
Considéré souvent comme une instance administrative, le Conseil d’État est avant tout l’indice du niveau de démocratie d’un pays. C’est ce qui ressort des discours prononcés, hier, par le ministre de la Justice et président de ce conseil, Joseph Chaoul et par le vice-président du Conseil d’État français, Renaud Denoix de Saint Marc. Véritable garant des libertés,...