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Actualités - CHRONOLOGIE

Le tour du ministère de l'Information est arrivé Hoss veut réduire l'emprise de l'argent sur les médias

C’est un énorme travail législatif et administratif que les autorités publiques continuent de mettre en place, pour édifier secteur par secteur, l’État des institutions promis. Parallèlement, le pouvoir et le gouvernement doivent lutter contre une campagne orchestrée pour brouiller leurs rapports avec les diverses parties prenantes, miner la confiance qui leur est accordée par ces parties et, si possible, la confiance que le gouvernement a dans son action même. Tandis que le chef de l’État exprimait de nouveau, hier, sa volonté de poursuivre l’œuvre de réforme jusqu’au bout, une œuvre dont le côté «purge» est encore celui qui ressort le plus nettement, le gouvernement a franchi un nouveau pas, hier, en direction d’une révision de la réglementation du paysage audiovisuel. Un paysage qui constitue l’une des assises les plus redoutables de l’opposition. Ce que M. Sélim Hoss chercherait à faire, assurent ses milieux, c’est se doter des leviers législatifs et administratifs capables de limiter le rôle que joue l’argent dans les rouages médiatiques. Voici deux jours, M. Hoss l’avait d’ailleurs déclaré ouvertement : la concentration de moyens médiatiques aux mains d’un seul homme à la puissance financière presque illimitée pourrait, d’une façon ou d’une autre, être mise en examen, dans la mesure où le processus d’attribution des canaux télévisés, sous le gouvernement de M. Hariri, pourrait même être examiné sous l’angle de l’enrichissement illicite. Car qui dit audiovisuel dit aussi recettes publicitaires. À ce sujet, ajoutent les milieux cités, cette division du paysage audiovisuel, si elle est malhonnête, tomberait sous le coup de la loi, puisque le délai de prescription depuis ce fameux partage du gâteau médiatique, est encore loin d’être écoulé. Le cas du CNA Dans sa volonté de mettre de l’ordre dans ce secteur, le gouvernement a approuvé, mercredi, un projet de loi en vertu duquel les dix membres du Conseil national de l’audiovisuel (CNA) seraient désormais désignés par le gouvernement lui-même. Selon la loi actuelle, le gouvernement nomme cinq de ces membres, et le Parlement en nomme les cinq autres. Toutefois, l’Exécutif estime que le CNA relevant de sa tutelle, il est normal que tous ses membres répondent de leurs actions devant la même instance. La décision du gouvernement a pris par surprise le président de l’Assemblée nationale. L’élection des cinq membres du CNA choisis par le Parlement figurait même à l’ordre du jour de deux séances législatives mercredi et jeudi prochains, et comportant en outre 48 projets et propositions de loi. Cette surprise a été rapidement exploitée par certains médias, pour mettre en relief les divergences entre les points de vue de l’Exécutif et du Législatif. Deux éclaircissements ont toutefois rapidement fait les distinctions nécessaires. Dans une mise au point faite par les milieux proches de M. Hoss, on affirmait en effet que le projet de loi et ses considérants seront soumis pour débat à la Chambre des députés. Loin d’être le signe d’une rivalité entre le Législatif et l’Exécutif, le fait que ces deux instances ne se soient pas entendues, à l’avance, sur un point, prouve que l’ère de la troïka est bien révolu, a-t-on ajouté dans les mêmes milieux. Pour sa part, le président de l’Assemblée a publié une mise au point reflétant l’appui inconditionnel qu’il apportait au nouveau gouvernement. «Aussi longtemps que ses intentions seront sincères», y affirme M. Berry, «ce gouvernement méritera à nos yeux un mérite simple quand il se trompe, et un mérite double quand il vise juste». Toutefois, M. Berry est semble-t-il hostile au projet du gouvernement, et souligne qu’en France et en Italie, le Parlement est impliqué au même titre que le gouvernement dans le choix des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Hariri réagit Réagissant aux intentions du gouvernement, M. Rafic Hariri a mis en garde hier contre toute intention de «restreindre les libertés», et de «chercher les moyens de faire pression sur les institutions médiatiques qui s’expriment franchement sur ce qui se passe». «Les Libanais touchent tous du doigt les tentatives de réprimer la liberté de parole», a encore dit M. Hariri, qui inaugurait à Tripoli une Foire du livre. Rappelant que son gouvernement avait «corrigé une erreur» et amendé l’article 104 du Code de la presse prévoyant la possibilité d’arrestation préventive des journalistes, M. Hariri a épilogué : «Nous redoutons que le gouvernement actuel ne commence là où, il y a six ans, nous avions fini (…) Il est inadmissible que quelqu’un puisse aujourd’hui répéter cette erreur, même s’il est en mesure d’amender les lois» a-t-il dit. Rouages vétustes Pour en revenir au ministère de l’Information, M. Hoss a longuement examiné hier avec M. Anouar el-Khalil les divers aspects d’une réforme en profondeur de ce ministère aux rouages vétustes. À l’issue de la réunion, M. el-Khalil a précisé que l’on s’oriente notamment vers la transformation de Radio-Liban et de l’Agence nationale d’information (Ani) en deux établissements administrativement et financièrement autonomes, mais politiquement toujours rattachés au ministère. Ce serait l’une des formules envisagées pour sortir ces organismes d’une routine administrative qui éteint toute initiative créatrice. De même, des options sont envisagées pour Télé-Liban, qui est déjà un office fonctionnant selon les lois commerciales. Par ailleurs, le ministre de l’Information recherche une solution globale satisfaisante au problème des salariés non cadrés, qui s’élèvent à 1 400 (contre moins de 100 fonctionnaires et 50 journaliers) et qui, dans une grande majorité, ont été embauchés par complaisance, sur la base de leurs affiliations politiques, et cumulent cette fonction avec d’autres occupations professionnelles. Conscient des conséquences sociales d’une élimination pure et simple de ces salariés surnuméraires, le ministre de l’Information examine la possibilité de placer ceux qui ne cadrent pas du tout avec leur emploi, dans d’autres secteurs administratifs où ils seraient plus utiles. «En tout état de cause, a conclu M. el-Khalil, il faut être réaliste. Il y a des jours où nous ne savons pas qui vient au travail. La situation actuelle ne peut plus durer». En tout état de cause, M. Anouar el-Khalil n’a plus que quelques jours pour présenter un rapport complet sur le ministère, au cours du prochain Conseil des ministres, et le débat à ce sujet pourrait s’étaler sur plus d’une séance.
C’est un énorme travail législatif et administratif que les autorités publiques continuent de mettre en place, pour édifier secteur par secteur, l’État des institutions promis. Parallèlement, le pouvoir et le gouvernement doivent lutter contre une campagne orchestrée pour brouiller leurs rapports avec les diverses parties prenantes, miner la confiance qui leur est accordée...