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Actualités - INTERVIEWS

Rencontre - En attendant le vote des animaux sauvages d'Ahmadou Kourouma L'âme profonde de l'Afrique (photo)

Né en 1927 en Côte d’Ivoire, Ahmadou Kourouma est considéré comme l’un des écrivains les plus importants du continent noir. Depuis 1967, il a publié Les Soleils des indépendances (1967) ; Monnè, outrages et défis (1990) et En attendant le vote des bêtes sauvages (1998). C’est ce dernier ouvrage – paru aux Éditions du Seuil- qu’il a présenté au Salon Lire en français et en musique 99. En attendant le vote des bêtes sauvages est à la fois un roman, un récit, un conte et une chronique historique. L’humour se mêle à l’amertume et à la violence pour dire toute une époque de dictature et de souffrance. Dans un style très imagé, avec une rare puissance d’évocation et un grand talent de conteur. «Si d’aventure les hommes refusent de voter pour vous, les animaux sortiront de la brousse, se muniront de bulletins et vous plébisciteront». Fort de cette prophétie qui lui a été transmise par les griots, Koyaga est un dictateur qui ne s’encombre d’aucun scrupule. En attendant le vote des bêtes sauvages , c’est l’histoire de ce président-dictateur de la République du Golfe. En présence des sept plus prestigieux maîtres chasseurs et de son ministre de l’Orientation Maclédio, le maître chasseur Koyaga, totem faucon, assiste au récit purificatoire de sa vie, de 30 ans de règne sanglant. Cette cérémonie – dite donsomana en malinké – en six veillées est menée par le sora (chantre) Bingo et le cordoua (répondeur) Tiécoura. Prix de la Société des gens de lettres (1998), Prix Tropiques (1998) et Livre Inter (1999) , En attendant le vote des bêtes sauvages a été vendu à ce jour à plus de 100 000 exemplaires. Preuve que si «le Blanc a besoin de rationalité pour comprendre», il n’en a pas forcément besoin pour aimer. Dire, pour ne plus recommencer Grand et fort, lunettes marron, costard-cravate, Ahmadou Kourouma a un visage avenant et souriant. Il a 72 ans, mais en paraît à peine 50. Timide et modeste, il ponctue l’entretien d’éclats de rire. «J’ai écrit En attendant le vote des bêtes sauvages parce que je voulais parler de la guerre froide, qui a constitué chez nous un désastre et qui a causé beaucoup de malheurs», indique-t-il. «Chacun de mes livres est un témoignage. Je ne dénonce pas, je raconte ; d’ailleurs il s’agit là d’une époque révolue», ajoute-t-il. «Je pense qu’il est très important de s’arrêter sur ce qui s’est passé dans l’Histoire, parce que c’est la seule façon de ne pas recommencer les erreurs». Selon lui, la situation s’est améliorée en Afrique. «Aujourd’hui, nous avons la parole, nous pouvons dire et écrire ce que nous pensons», affirme-t-il. «Ce n’est pas tout à fait la démocratie ; nous en sommes encore loin, mais c’est déjà un pas important». Écrira-t-il un jour de la pure fiction ? «Je ne pense pas», répond-il. «Je suis là, sur terre, je vois et je vis des choses que je veux raconter. Pour chaque livre, je travaille dur, et je souhaite que mes œuvres obtiennent un résultat». Et Kourouma de souligner qu’il y a beaucoup de réalités dans son dernier livre, qui peuvent paraître fictives pour les Occidentaux. «Toutes les histoires de griots et de marabouts ainsi que toutes les croyances et coutumes que j’évoque sont vraies», insiste-t-il. Une table des matières en proverbes Plus que tout autre livre, En attendant… doit être lu d’un bout à l’autre, de la couverture à la couverture. Car lorsqu’on arrive au bout de l’histoire, ce n’est pas encore fini. Il reste la table des matières, qui est à elle seule un régal, puisqu’elle est composée de 24 proverbes africains. Des proverbes pleins de sagesse et hauts en couleur. «Chez nous, les proverbes sont intimement liés au langage», explique Kourouma. «Un proverbe a deux fonctions. Il permet de réfléchir, d’abord, mais aussi de relancer le discours. Cela fait partie de ma culture, c’est un peu moi». C’est en écoutant raconter des histoires, chez lui, le soir, qu’Ahmadou Kourouma dit avoir appris à le faire lui-même. Mais ce sont de tristes circonstances qui l’ont amené à l’écriture. «En 1963, il y a eu dans mon pays un faux complot contre Houphouët – Boigny, dans lequel on m’a impliqué», raconte-t-il. «J’ai été arrêté, puis libéré, contrairement à mes amis qui sont restés arrêtés. C’est alors que j’ai voulu écrire, pour témoigner de leur innocence et de cette injustice». Ce qu’il fait sous forme d’un récit de fiction, ne pouvant pas dire les choses telles qu’elles étaient. Rebelote pour En attendant…, où la ressemblance des personnages principaux avec Mobutu, Bokassa, Sékou Touré et autres dictateurs africains est flagrante. «Personnellement, j’ai voulu citer des noms, mais mon éditeur a refusé», note l’auteur, «et je crois qu’il a eu raison car j’aurais eu beaucoup de problèmes». Ahmadou Kourouma qui vient de prendre sa retraite, coule des jours paisibles à Abidjan. «Je suis très heureux de me retrouver au Liban, dit-il. Il y a beaucoup de Libanais en Afrique et c’est donc un plaisir pour moi de connaître un peu chez eux comme ils connaissent chez moi».
Né en 1927 en Côte d’Ivoire, Ahmadou Kourouma est considéré comme l’un des écrivains les plus importants du continent noir. Depuis 1967, il a publié Les Soleils des indépendances (1967) ; Monnè, outrages et défis (1990) et En attendant le vote des bêtes sauvages (1998). C’est ce dernier ouvrage – paru aux Éditions du Seuil- qu’il a présenté au Salon Lire en...