Obsèques - Les adieux du Liban à Khatchig Babikian Aram 1er : authentiquement arménien, authentiquement libanais (photo)

D’émouvantes obsèques officielles ont été réservées hier au député et ancien ministre Khatchig Babikian décédé jeudi dernier des suites d’une longue maladie. Une foule importante précédée des prélats de la communauté arménienne orthodoxe et de la famille du grand disparu a accompagné le cercueil à pied de Bourj Hammoud jusqu’à Dora d’où il a ensuite été conduit jusqu’au siège du catholicossat arménien de Cilicie, à Antélias, où la cérémonie religieuse a été célébrée en la cathédrale Saint-Grégoire l’Illuminateur. L’office divin a été présidé par SS le catholicos Aram Ier qui était entouré de nombreux évêques et prêtres de la communauté. Le chef de l’État, le général Émile Lahoud, était représenté à la cérémonie par le vice-président du Conseil des ministres, M. Michel Murr, qui était entouré du député Camille Ziadé représentant le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry, et du ministre Anouar el-Khalil représentant le chef du gouvernement, M. Sélim Hoss. Étaient également présents les ambassadeurs d’Arménie, de France, du Canada et d’Italie, les présidents Hussein Husseini, Rachid Solh et Rafic Hariri, les ministres Arthur Nazarian et Mohammed Youssef Beydoun, de nombreux députés ainsi que de très nombreuses personnalités politiques, religieuses, militaires et diplomatiques. Après la lecture de l’Évangile, SS Aram Ier a prononcé une oraison dans laquelle il a rendu un vibrant hommage au grand disparu qui fut, a-t-il dit, «un d’homme d’État, un diplomate de renom, un homme de culture, un homme de dialogue, un homme authentiquement et entièrement arménien et authentiquement et entièrement libanais». «(...) Toute la vie de Khatchig Babikian peut être définie comme un combat existentiel et continuel; combat pour les valeurs humaines empreintes de la présence de Dieu; combat pour les valeurs qui constituent la particularité du Liban; combat qui garantit la pérennité du Liban. En effet, ce combat a rempli toute son existence et a touché toutes les dimensions et les domaines de la vie privée, ainsi que publique de Khatchig Babikian. «(...) Il n’est vraiment pas facile de parler en quelques minutes de cette personnalité exceptionnelle, d’une vie si riche et d’un combat si acharné. Je me contenterai donc de souligner quelques points dans le cadre de ce témoignage personnel. «Premièrement, Me Babikian a été une figure marquante de la scène politique libanaise. Présent à tous les niveaux et dans tous les domaines, il a joué un rôle de premier plan dans la politique de notre pays. Un homme bien respecté et accepté par toutes les factions politiques. Un homme pour qui la politique était une vocation, une mission, un combat. Ses interventions au Parlement, ses prises de positions concernant les sujets délicats, son travail organisé dans les postes ministériels, qu’il a occupés au cours d’une carrière de plus de quarante ans, ont fait de Khatchig Babikian un politicien par excellence. «Le nom de Khatchig Babikian est devenu synonyme d’homme d’État pour qui la raison d’État, les intérêts publics transcendent toute considération communautaire. «Deuxièmement, Khatchig Babikian fut un diplomate de renom qui a représenté le Liban au sein de la communauté internationale avec une passion contagieuse et une vision claire et dynamique (...) «Il a été le champion de la cause libanaise dans les cercles de la francophonie comme membre et vice-président de cette organisation internationale ; il a défendu la particularité et la crédibilité du Liban au cours de ses rencontres au sein de la communauté internationale; il a exposé authentiquement les valeurs spirituelles, culturelles et humaines du Liban de toutes les tribunes (...) «Troisièmement, Khatchig Babikian fut un homme de culture. Il était facile de distinguer la richesse et la profondeur intellectuelles de Me Babikian ; et cette richesse intellectuelle s’est si bien manifestée dans sa vie publique. Non seulement il maîtrisait parfaitement plusieurs langues, mais il restait en outre en communion permanente avec les valeurs culturelles (...) «Quatrièmement, Khatchig était un homme de dialogue. Cette dimension de sa vie, cette perspective de sa pensée ont caractérisé ses activités politiques. Si on suit son parcours politique, on remarque facilement que cette ouverture envers l’autre, ce souci de rapprochement et de réconciliation entre les points de vue divergents ont particulièrement marqué la politique de Khatchig Babikian. Aux moments les plus difficiles de l’histoire du Liban, il a toujours prôné la modération, l’unité et le dialogue (...). En politicien chevronné, Khatchig Babikian était le maître de ce que j’appelle politique de dialogue et dialogue des politiques, une nécessité qui reste toujours le sine qua non de l’intégrité et de la crédibilité du Liban. «Et finalement, Khatchig était un homme authentiquement et entièrement arménien et authentiquement et entièrement libanais. En effet, pour Khatchig, être Arménien au Liban c’est être Libanais ; il ne voyait pas de ligne de démarcation entre les deux, mais certainement une distinction. Khatchig était fier de son identité arménienne ; il était fortement attaché aux valeurs, aux traditions qui font l’identité des Arméniens et de leur communauté. Il était en même temps un Libanais, profondément attaché au Liban, à ses traditions, à ses aspirations, en un mot à sa libanité. Dans la personne de Me Babikian, les dimensions arménienne et libanaise étaient en communion existentielle et mutuellement enrichissante. «Khatchig Babikian était fier des droits de la communauté arménienne mais il était en même temps un Libanais dont la pensée et les soucis transcendaient les limites de sa communauté. Quand il prenait la parole au Parlement, au Conseil des ministres, dans les cercles internationaux ou dans sa propre communauté, c’est le Liban tout entier qui était présent en sa personne (...) «Un Arménien activement engagé dans la vie de son Église et de sa communauté, mais aussi un Libanais d’origine arménienne qui a consacré toute sa vie à la pérennité de sa patrie, le Liban, laissant sa marque particulière dans l’histoire contemporaine du Liban. «Voici donc Khatchig Babikian, l’homme du travail minutieux, l’homme de l’engagement actif, l’homme de vocation, l’homme qui a vécu sa vie comme un combat pour un Liban de la coexistence, pour un Liban uni, indépendant et souverain, pour un Liban bien enraciné dans le monde arabe mais aussi ouvert au monde, pour un Liban de l’amour, des libertés, de la justice et de la paix. «Khatchig Babikian restera pour nous tous un grand politicien et un Libanais exemplaire. Il restera pour le Liban un symbole de modestie et de fidélité». À la fin de l’office, M. Murr devait décerner au grand disparu la médaille de commandeur de l’Ordre du Cèdre au nom du président de la République. Les présents se sont ensuite regroupés dans le grand salon du catholicossat où un hommage oratoire a été rendu au grand disparu. Hofnanian : Un grand collègue, un ami fidèle Prenant la parole au nom du Bloc des députés arméniens, le député Sebouh Hofnanian a rendu hommage à «celui qui, a-t-il dit, fut un grand collègue , un ami fidèle et un homme d’État de premier plan». «La communauté arménienne s’est toujours vantée d’être représentée par celui qui fut député pendant 42 années successives et ministre dans de nombreux gouvernements», a ajouté M. Hofnanian qui a souligné que Khatchig Babikian «a servi la communauté arménienne dont il a défendu les droits et le rôle constructif sur le plan de la renaissance politique, économique et sociale du Liban». «Il a toujours été, a-t-il encore dit, adepte du changement et de la réforme et il a su maintenir l’équilibre entre son appartenance à la communauté arménienne et son appartenance au Liban. Il croyait en un Liban libre et souverain, un Liban un. Et il était convaincu que la triste expérience du peuple arménien ne devait pas se répéter au Liban . Il croyait que la guerre ne pouvait apporter que la destruction et créer un schisme irrécupérable entre les fils de la patrie». Et de poursuivre : «Le Liban perd aujourd’hui un de ses pôles politiques bien versé dans la loi, la réforme et l‘économie et dont la perte est irrécupérable ; la communauté arménienne perd quant à elle un fils fidèle qui avait aussi sa place dans toutes les organisations humanitaires et de bienfaisance». Des allocutions ont également été prononcées par M. Camille Ziadé qui a pris la parole au nom de tous les parlementaires ainsi que par des représentants de la famille, du parti Tachnag et de l’Ordre des avocats. L’inhumation a ensuite eu lieu au caveau familial à Furn el-Chebback.