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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Colloque - Première des trois journées consacrées au poète des deux rives Ce cher Georges ... entre émotion et réflexion(photos)

Session inaugurale hier matin, au théâtre Monnot, des trois journées consacrées à Georges Schéhadé. Un public restreint a écouté les interventions de Ghassan Tuéni, Olivier Corpet, de l’Imec (Institut mémoires de l’édition contemporaine), Salah Stétié, Maurice Pons et Vénus Khoury-Ghata l’avant-midi, et celles de Claire Gebeyli, Richard Millet et Albert Dichy l’après-midi. Le thème de la journée était axé sur des témoignages et des portraits donnés par des contemporains de l’écrivain, que tous appellent, avec une émotion difficilement contenue, Georges. Ghassan Tuéni, en tant que président de la fondation Nadia Tuéni, a pris la parole en premier pour remercier les participants au colloque et les principaux sponsors de l’événement. Après lui, Olivier Corpet s’est félicité de voir l’année Schéhadé aboutir, après avoir été annoncée en 1998, lors de Lire en français et en musique. «L’exposition du musée Sursock, ajoute-t-il, sera présentée à Caen du 17 décembre 1999 au 20 janvier 2000, ainsi que ce colloque. L’année Schéhadé a également permis le rapprochement de la Normandie et du Liban, mais aussi celle du centre Georges Pompidou et du musée Sursock, qui présenteront prochainement une exposition de peinture. Le même centre et l’Imec seront présents en 2001 à Beyrouth, où se tiendra le IXe sommet de la francophonie». Puis c’est au tour d’Albert Dichy, directeur littéraire de l’Imec, commissaire de l’exposition, coauteur du catalogue Schéhadé et occasionnellement animateur de cette session matinale, de lire le message de Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l’Agence de la francophonie, qui dit de Schéhadé ceci : «Il continue, du haut de son mystère, à défier nos mots…». M. Dichy saluera par la suite l’entreprise éditoriale de Dar an-Nahar, qui, pour la première fois, a regroupé en trois volumes l’ensemble de l’œuvre de l’auteur. «À noter aussi la parution aux mêmes éditions des écrits de Laurice, sœur de Georges Schéhadé. Leurs œuvres, mises face à face, mériteraient à elles seules un colloque…». « Une forme légère de la critique » Avant de céder la parole à Salah Stétié, poète et ambassadeur libanais, M. Dichy rappelle que Georges Schéhadé «ne doit pas devenir un classique, c’est-à-dire ne pas finir dans la bibliothèque du salon. Les témoignages qui vont composer cette première session vont tenter de rendre l’image du poète un peu moins glacée parce qu’ils sont une forme légère et chaleureuse de la critique». M. Stétié, en guise d’introduction à son intervention, intitulée “Georges Schéhadé, le temps et les ombres”, demande à son auditoire d’observer debout une minute de silence en hommage à «ce grand vivant qu’est Schéhadé», ainsi qu’au poète andalou Rafaël Alberti, décédé la veille. Puis il fustige l’absence d’un «quelconque représentant du ministère de la Culture» (après qu’on lui a soufflé que Mohammed Beydoun se trouve actuellement à Paris) et ressent de la «tristesse à la vue d’un si petit public». Salah Stétié est fier de dire qu’il est «le plus ancien ami de Georges» et «le premier, en 1950, à avoir écrit une étude sérieuse sur ses poèmes». Selon lui, «une des clés de (sa) poésie est dans son trajet géographique… où se mélangent tous les effluves de l’Orient et de l’Occident». Les rencontres capitales avec Gabriel Bounoure et le surréalisme, son vocabulaire, «simple, énonçant des vérités immédiates et éternelles», un Temps, «toujours écrit avec un t majuscule, en quête de sa propre éternité», une thématique «dominée par la mélancolie», contrairement à celle du théâtre, «qui raconte la guerre, l’exil ou l’argent, et incarnée par des personnages délicieusement insubstantiels… C’est un théâtre de féerie». Émotions La réflexion fait place à l’émotion avec les deux derniers intervenants de la matinée. Maurice Pons, romancier, nouvelliste et dialoguiste de films (entre autres, Les mistons de François Truffaut, en 1958), prend la parole, soutenu par ses seuls souvenirs : «Maurice Noël, directeur littéraire au Figaro, m’avait écrit une lettre de recommandation auprès du grand poète alors que je partais enseigner à l’Université américaine de Beyrouth. Dans son bureau de la faculté des lettres, je lui ai tendu la lettre, très intimidé. Il a beaucoup ri en lisant que Noël lui demandait de m’accueillir comme Monsieur Bo’ble l’aurait fait. À partir de ce moment, Georges a fait du Liban un paradis». Visiblement très ému, il livrera quelques anecdotes et paroles du poète, dont celle-ci : «L’avion, c’est un ange qui vous soulève par le cul !». Puis vient le tour du poète libanais Vénus Khoury-Ghata, qui adresse une Lettre ouverte à Georges Schéhadé, dont elle était la «petite protégée» : elle se souvient de sa maison et de son jardin, où elle a aperçu pour la première fois «quatre hommes en pyjama» en train de parier avec fureur sur les courses du jour. Le poète lui est désigné comme «celui qui porte les lunettes avec les gros double foyer». «Pour toi, dit-elle, seuls importaient les mots et les chevaux…». Le poème qu’elle lui adresse, «en espérant que tu l’entends d’où tu es», est de facture très… schéhadienne. « Un génial éternel jeune homme » 15h30 : la session de l’après-midi est animée par Marianne Alphand, du centre Georges Pompidou. Celle-ci est entourée de Claire Gebeyli, poète et journaliste libanaise d’origine grecque, Richard Millet, romancier français, directeur littéraire aux éditions Balland, ayant grandi au Liban comme Albert Dichy. Mme Gebeyli raconte sa première rencontre avec le poète : «Accompagnée de Nadia Tuéni, je venais lui présenter ma traduction de ses œuvres en grec… Il nous a demandé de lire les deux versions, la sienne et la traduction, qu’il semblait comprendre… Il était très attentif à ces sons étrangers». Elle ajoute : «J’avais dans mon sac quelques-uns de mes poèmes. Ils y sont restés… Je me souviens que Georges avait un débarras rempli uniquement des affiches de ses pièces jouées dans le monde entier… Il voulait, un jour, y entreposer une venant de Grèce. La guerre a interrompu ces projets… Dans les années 60, Georges était ce génial éternel jeune homme qui ne s’était jamais servi dans ses poèmes que d’une poignée de mots». Richard Millet a lu, avec bien peu de conviction, il faut bien le dire (lui-même avouant qu’il ne comprenait pas bien le sens de sa présence parmi les intimes de Schéhadé), une étude intitulée Shehadé à travers Le Voyage. Il racontera cependant son unique rencontre avec le poète, lui trouvant «une attitude ironique» et s’entendant conseiller par lui de «se méfier de la littérature». Il posera cependant une question d’actualité : «Pourquoi n’y a-t-il pas encore eu de grand roman libanais ?». Entretiens Albert Dichy, comme il l’a dit lui-même, a été, «comme Gérard Khoury et Jean-Claude Morin, un proche de Schéhadé. Proche n’étant pas exact avec cet homme qui aimait à garder avec tout le monde “une distance de poète”». À ce titre, entre 1979 et 1989, il a pris des notes lors de ses entretiens («un enchantement perpétuel», souligne-t-il) à bâtons rompus avec l’écrivain, qui projetait d’en tirer un livre. Le projet n’a pas abouti et Albert Dichy a livré, sous forme d’abécédaire, les «sorties», drôles ou émouvantes, de son ami. On retiendra en vrac : Académie française (1987) : «Des écrivaillons de 3e catégorie», André Breton (1986) : «Envers Breton, j’avais un sentiment religieux», Dieu (1987) : «Je ne crois pas en Dieu, mais je crois en la Vierge», francophonie (1983) : «Synonyme de cacophonie», ou surréalistes (1986) : «Ils sont les seuls vrais romantiques français». Cette première journée, consacrée à ceux qui ont connu et aimé «Georges», a permis à ceux qui ne le connaissaient qu’à travers sa poésie de découvrir un homme foncièrement drôle, extrêmement attachant, terriblement mobile et fervent amoureux de la vie. Le poète un peu froid est devenu pour ses lecteurs ce Libanais si attaché à son pays qu’il refusera toujours obstinément d’obtenir la nationalité française.
Session inaugurale hier matin, au théâtre Monnot, des trois journées consacrées à Georges Schéhadé. Un public restreint a écouté les interventions de Ghassan Tuéni, Olivier Corpet, de l’Imec (Institut mémoires de l’édition contemporaine), Salah Stétié, Maurice Pons et Vénus Khoury-Ghata l’avant-midi, et celles de Claire Gebeyli, Richard Millet et Albert Dichy...