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Actualités - REPORTAGES

Transport - La décision d'ouvrir l'espace aérien douze mois sur douze serait reportée Politique du ciel ouvert : avantages et inconvénients pour la MEA(photos)

L’industrie du transport aérien occupe une place majeure dans l’économie mondiale. Ce secteur d’activité est en quelque sorte le reflet de cette économie. Lorsque la croissance économique recule, le secteur du transport aérien chute littéralement et connaît de très graves difficultés et d’importantes pertes financières. Inversement, dès que la croissance repart les compagnies aériennes renouent rapidement avec les bénéfices. Au cours des quinze dernières années, l’orientation de la politique des transports aériens a évolué de la protection des compagnies nationales en place et des marchés intérieurs vers la recherche de gains d’efficacité et la prise en compte des intérêts des consommateurs. C’est ainsi que la pratique «du ciel ouvert», qui consiste à libéraliser le marché du trafic aérien, tend à se généraliser dans le monde. La libéralisation des marchés du transport aérien européen et asiatique qui a succédé à celle du marché des États-Unis est en passe aujourd’hui de gagner le monde arabe. En effet, le principe de la politique du ciel ouvert a été retenu pour 2005 par l’Organisation arabe de l’aviation civile (OAAC) relevant de la Ligue arabe ainsi que par le Conseil des ministres arabes du Transport. Le Liban, qui applique cette politique pendant la saison d’été, devrait ouvrir son espace aérien en l’an 2000 douze mois sur douze sur décision prise par l’ancien gouvernement présidé par Rafic Hariri. Cette initiative inspirée par les grandes orientations mondiales dans le secteur de l’industrie du transport n’était toutefois pas basée sur une étude scientifique de faisabilité. Avant la fin de l’année, le ministre du Transport Nagib Mikati compte transmettre au Conseil supérieur de l’aviation civile une recommandation par laquelle il demanderait le report provisoire de la décision d’ouvrir l’espace aérien. La politique du «ciel ouvert» ayant des retombées directes non seulement sur le secteur du transport mais sur l’ensemble de l’économie nationale, M. Mikati a sollicité des ministères de l’Économie et du Tourisme, de la Middle East Airlines et de plusieurs compagnies aériennes étrangères, ainsi que des directions des établissements publics tels les ports, l’AIB et la direction des douanes, de mettre au point une étude analytique qui montrerait, chiffres à l’appui, les répercussions directes d’une telle politique sur la productivité et la rentabilité des différents secteurs économiques. Neuf libertés La décision de libéraliser l’espace aérien est devenue «une décision officielle irréversible», affirme Hamdi Chok, conseiller du ministre du Transport et des Travaux publics. «Le timing de son application et les modalités ou les critères qui régissent cette libéralisation sont à définir en fonction des données sectorielles», dit-il. Il n’y a pas d’ouverture totale de l’espace aérien. La navigation aérienne est régie par neuf libertés, chacune d’entre elles correspondant à un droit ou une autorisation (voir les schémas). Des traités bilatéraux ou multilatéraux sur la pratique du ciel ouvert accordent une ou plusieurs libertés aux pays ayant signé les accords. À la faveur de traités réglementant la pratique du ciel ouvert entre deux ou plusieurs pays à titre d’exemple, une compagnie aérienne d’un pays donné peut, si elle le désire et si ses capacités commerciales et financières le lui permettent, effectuer des vols commerciaux entre deux pays tiers sans passer par son territoire ou embarquer des passagers en transit. La décision de libéraliser le trafic aérien est «une décision cruciale» pour le Liban qui engage l’avenir des générations montantes. Le gouvernement libanais ne peut aller à l’encontre des orientations de l’Organisation arabe de l’aviation civile, ni de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) dont il fait partie pas plus qu’à l’encontre des stipulations des accords du GATT auxquels il souhaite adhérer. Sa décision est dictée par des considérations géopolitiques inhérentes à son environnement et à un courant mondial de libéralisation des échanges commerciaux qui porte également sur l’activité du secteur des transports. Ne pas s’isoler «Fermer son ciel en accordant un monopole du transport aérien à la compagnie nationale équivaut à une autodestruction de l’économie», souligne M. Chok. Le secteur du transport est un créneau important pour le développement humain durable dans la mesure où il accentue les mouvements de déplacement des personnes et des marchandises entre les pays. Sa libéralisation contribue à conforter les échanges économiques entre des pays entretenant de bonnes relations politiques. «Le Liban a tout intérêt à ouvrir son espace aérien en se conformant aux orientations de l’OAAC», affirme un expert arabe de l’aéronautique. L’application de la politique du ciel ouvert permettra au Liban d’être associé à la mise au point d’un réseau de couloirs aériens au-dessus de la région. Ces couloirs sont en cours d’examen au sein de commissions ad hoc de planification en prévision de l’étape qui suivra la conclusion de la paix au Proche-Orient (le Liban ne sera pas membre des commissions d’études et de mise en exécution s’il décidait de ne pas ouvrir son ciel). L’intérêt accru que montrent les pays arabes pour la libéralisation de l’espace aérien dans la région est lié, souligne la même source, à l’accroissement du nombre des zones franches, lieu de prédilection de la croissance économique à venir. Par ailleurs, l’ouverture de son espace aérien permettra au Liban d’être intégré à la liste des pays développés au niveau de l’industrie du transport. Ce qui est susceptible de lui donner un appui politique et matériel dont il a grand besoin en ce moment. Dans ce prolongement, le conseiller du ministre du Transport et des Travaux publics évoque le gel d’une assistance internationale d’un montant de 300 millions de dollars pour la réhabilitation de l’Aéroport international de Beyrouth en attendant une révision de la structure de l’aviation civile. Il n’empêche que la politique du ciel ouvert pose un problème de taille à la croissance interne de la compagnie nationale aérienne (MEA). Un problème politique Une source de la MEA a affirmé que la politique du ciel ouvert appliquée partiellement à l’AIB a entraîné des pertes de 20 millions de dollars d’un total de 32 millions de dollars enregistrées l’an dernier par la compagnie. Des experts dans l’aéronautique se demandent, dans le même prolongement, comment cette compagnie a pu, à l’ombre d’un ciel ouvert, accéder à de nouveaux marchés quand elle n’a pas les moyens financiers de développer sa croissance externe et comment peut-elle attirer davantage de clients alors que les services entre les transporteurs dans le monde tendent à s’uniformiser ? «Le gouvernement est appelé à élaborer une politique nationale du transport qui ne peut et ne doit pas être fonction des données conjoncturelles d’un secteur économique précis ou des intérêts ponctuels de la compagnie nationale aérienne», souligne M. Chok. La thèse que développe le conseiller du ministre du Transport se base sur le principe de la primauté des intérêts de la nation sur ceux de la MEA surtout que les intérêts sont, dans ce cas, divergents. «Le problème de la MEA est un problème politique et n’est pas lié à l’application du principe du ciel ouvert», dit-il. M. Chok estime qu’il est temps que le pouvoir trouve une solution radicale à cette compagnie et ne se suffise plus de règlements provisoire et ponctuels. Selon lui, les répercussions négatives de la pratique du ciel ouvert sont liées à la situation interne de la MEA. La fermeture du ciel quelque soient les raisons contribuerait à dérouter les appareils des compagnies de navigation étrangères sur les aéroports de pays voisins et affecterait le flux de passagers à destination du Liban. Ceci ne manquerait pas d’affecter le tourisme et les échanges commerciaux piliers de la réactivation de l’économie nationale. Les avantages dont pourrait bénéficier le pays sont supérieurs et plus importants que les pertes qu’essuierait provisoirement la compagnie nationale du fait de l’application du ciel ouvert. Si les finances de la MEA se consolident, les retombées de la politique du ciel ouvert seront on ne peut plus positives. La compagnie nationale pourrait bénéficier du principe de la réciprocité au niveau de l’utilisation des libertés de navigation consenties aux compagnies tierces. L’exercice de tels droits lui permettrant d’élargir son réseau, d’augmenter ses connexions et par conséquent d’accroître son activité et son chiffre d’affaires. M. Chok ne manque pas de souligner, d’autre part, que la MEA, avec les moyens dont elle dispose (une flotte formée de neuf appareils), n’est pas en mesure d’assurer, à elle seule, le fonctionnement de l’AIB dans le cas d’une fermeture de l’espace aérien. Le gouvernement a dû tirer les conclusions de ses expériences précédentes concernant l’application de la politique du ciel ouvert pendant la saison d’été. Les chiffres ont montré que la forte demande a nécessité l’accroissement du nombre des vols de toutes les compagnies arabes et étrangères sur l’AIB. «C’est dans ce contexte que s’inscrit l’autorisation accordée à la KLM et l’Alitalia d’augmenter le nombre de leurs vols sur Beyrouth», affirme M. Chok qui souligne par ailleurs que ces autorisations n’ont pas porté atteinte aux intérêts de la compagnie nationale du fait que celle-ci ne dessert pas les mêmes lignes avec la même fréquence. D’après le conseiller du ministre Mikati, la politique du ciel ouvert incitera la compagnie nationale à améliorer ses services et à mieux planifier l’avenir. Ouverture graduelle Certaines compagnies de navigation, surtout arabes, qui ont exprimé des réserves sur le principe du ciel ouvert affirment que cette politique doit faire partie d’un plan économique global, ce qui n’est pas souvent le cas sur le plan régional. La politique du ciel ouvert nécessite une libéralisation presque totale du déplacement des personnes et des marchandises, un déplacement soumis à un minimum d’astreintes qui permettrait aux personnes d’aller d’un pays à l’autre sans visa à l’instar des pays de l’Union européenne. Un expert de l’aéronautique fait remarquer que l’UE n’a ouvert son ciel qu’une dizaine d’années après la libéralisation des déplacements des personnes et des marchandises entre les pays membres de cette union. Les compagnies de navigation aérienne, qui s’opposent à l’ouverture du ciel, ne contestent pas le principe mais le timing de l’application d’une telle mesure et l’absence dans la plupart des cas d’une politique globale de l’État qui devrait nécessairement accompagner voire encadrer un tel processus. Les compagnies réclament qu’un temps suffisant leur soit accordé pour leur permettre de réhabiliter et moderniser leurs équipements de manière à leur assurer une égalité de chances avec les grandes compagnies. La libéralisation du trafic aérien sans une libéralisation du déplacement des personnes et des marchandises signifierait une impossibilité pour les compagnies aériennes commerciales d’accroître l’activité sur les lignes qu’elles desservent et, à moyen terme, leur effondrement. Les efforts de ces compagnies visant à attirer davantage de groupes de passagers se heurteraient à des difficultés d’octroi de visas d’entrée soit pour des considérations politiques, soit du fait de complications de procédures. Un rapport sur la situation de la navigation aérienne, repris par la presse arabe, fait valoir que la pratique du ciel ouvert qui ne serait pas accompagné de démarches permettant l’augmentation du flux de passagers acculerait les compagnies à se livrer à «une guerre des prix» pour accroître leur part du marché sur les lignes qu’elles desservent. Par conséquent, les compagnies qui se maintiendront seront celles qui sont les plus solvables et dont les frais de fonctionnement sont les moins coûteux. Or, tel n’est pas le cas de nombreuses compagnies aériennes arabes. Certaines compagnies ont eu du mal à assumer les résultats des accords stratégiques bilatéraux de coopération entre des compagnies aériennes arabes donnant lieu à des conflits et des tiraillements devant les tribunaux. Dans ce prolongement, l’on s’interroge sur la situation qui prévaudra à la suite d’une ouverture totale de l’espace aérien dans la région. Un expert de l’aéronautique note qu’en s’abritant derrière certaines réserves concernant l’application du ciel ouvert, certaines compagnies souhaitent reporter, voire éluder, le problème crucial auquel elles ont à faire face et qui consiste dans leur faible capacité compétitive et l’absence d’un plan clair de redressement susceptible d’améliorer leur position sur le marché du transport aérien. Les frais de fonctionnement de la flotte aérienne particulièrement élevés représenteraient l’un des éléments qui freinent le développement de nombreuses compagnies commerciales. Cette situation se traduit par un déséquilibre financier important au niveau de la comptabilité de ces compagnies qui sont contraintes de recourir à des subventions étatiques pour leur maintien sur le marché. Toujours est-il que la décision de l’Organisation arabe pour le transport aérien d’ouvrir le ciel à partir de 2005 pourrait constituer une incitation aux compagnies nationales arabes à accroître leur capacité compétitive de manière à permettre leur survie. Quoi qu’il en soit, il est impensable que le Liban n’ait pas, à l’instar des autres pays dans le monde, sa compagnie nationale aérienne. Le gouvernement est appelé à prendre dans les meilleurs délais les décisions courageuses nécessaires pour assurer la survie de la Middle East Airlines dans le cadre d’une politique de ciel ouvert qui sera appliquée d’une manière graduelle dans l’intérêt général de la nation.
L’industrie du transport aérien occupe une place majeure dans l’économie mondiale. Ce secteur d’activité est en quelque sorte le reflet de cette économie. Lorsque la croissance économique recule, le secteur du transport aérien chute littéralement et connaît de très graves difficultés et d’importantes pertes financières. Inversement, dès que la croissance repart les...