Nazareth plongée dans la discorde, avant le Jubilé de l'an 2000

La ville de Nazareth est plongée dans la discorde à propos d’un terrain contesté par islamistes et chrétiens se préparant, dans les pires conditions, à l’accueil des millions de pèlerins attendus pour le Jubilé du 2000e anniversaire de la naissance du Christ. Nazareth est la ville où, selon les Évangiles, l’ange Gabriel a annoncé à Marie qu’elle porterait l’enfant Jésus. C’est aussi la plus importante ville arabe d’Israël. Construction d’hôtels et rénovation tous azimuts de maisons, camions-bennes dans les rues et maçons en plein travail : dans la perspective du Jubilé, cette ville de 60 000 habitants s’est transformée en un vaste chantier à ciel ouvert. Mais ces efforts pourraient être partiellement compromis à propos d’un projet déposé depuis des mois par le maire chrétien, Ramez Jaraoisy, d’aménager un parvis sur un terrain, tout près de la Basilique de l’Annonciation. Les intégristes musulmans de la ville revendiquent la propriété de ce terrain où a été érigé le tombeau d’un personnage local vénéré, Chéhabeddine, à qui ils veulent consacrer une mosquée. Ce terrain de quelque 2 000m2, sur lequel veille un grand eucalyptus, forme un triangle entre deux rues et une petite voie commerçante qui le sépare de la Basilique. Des tentes blanches et grises ont été déployées au-dessus de cet espace, abritant chaque vendredi la prière de centaines de musulmans. À l’entrée, un panneau représente un projet de mosquée, avec quatre minarets. De nombreux haut-parleurs ont été installés. Le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Shlomo Ben Ami, a proposé un compromis : les musulmans pourraient être autorisés à édifier une petite mosquée sur une partie du terrain, tandis que le reste serait utilisé pour le parvis. Mais, pour l’instant, la situation paraît bloquée. «La grande perdante, c’est Nazareth car ce litige pourrait avoir des conséquences négatives sur les pèlerins. Des voyagistes risquent de retirer la ville de leur itinéraire» du Jubilé, a affirmé le vicaire patriarcal, Mgr Giancinto Boulos Marcuzzo. Motifs politiques La tension a atteint un tel point que des rumeurs ont fait état de menaces de fermeture des lieux saints chrétiens en Terre sainte à Noël en vue de contraindre Israël à démanteler les bâches érigées sur le terrain. D’autres informations non confirmées ont circulé sur une éventuelle annulation de la visite du pape à Nazareth, prévue en mars. «Je ne crois cependant pas que cette affaire remette en cause la visite du pape», a fait valoir Mgr Marcuzzo. Selon lui, «le problème n’est pas que la communauté chrétienne refuse une nouvelle mosquée. Mais un groupe a voulu fabriquer cette affaire, non pour des motifs religieux, mais politiques». Le curé arabe israélien Émile Shoufani, une des principales personnalités chrétiennes de la ville, déplore pour sa part «la tentative d’islamiser la ville». «Depuis huit ans, le mouvement islamiste, manipulé par les Frères musulmans d’origine égyptienne, tente de s’implanter sur place. Pour nous, il n’est pas question de compromis car demain ces groupes séviront dans tout le pays», ajoute-t-il. Selon lui, «cette affaire a fait reculer de 50 ans l’expérience de cohabitation locale entre chrétiens et musulmans». «Ce problème a pris des dimensions disproportionnées», regrette Mohammed Zidane, président de l’Association des maires arabes de la région. «C’est en train de devenir le problème, non seulement de Nazareth, mais de toute la population musulmane de la région». «Désormais, ajoute-t-il, il est impossible de résoudre la question sans la construction d’une mosquée».