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Actualités - OPINION

Tribune Les mots pour le dire

Il est bon que nos ministres new-look aient enfin le courage de développer leurs idées et de révéler, sans timidité aucune, ce qu’on considérait autrefois comme inapte à la divulgation. Tout, jusqu’aux dispositions testamentaires de nos dirigeants, est aujourd’hui matière à conférence de presse. Et nous ne pouvons que nous incliner avec admiration devant les sacrifices posthumes consentis par un père soucieux de gommer, après sa mort, toute trace de gratitude à l’égard d’un bienfaiteur qui lui répugne. Il est bon, également, que certains de nos bien-aimés parlementaires usent à bon escient du temps d’antenne qui leur est complaisamment accordé, pour indiquer au public, au centime près, ce que coûte, selon eux, «l’achat» d’un haut responsable durant son mandat. Il est bon, enfin, que la liberté d’opinion et de parole retrouve ses lettres de noblesse grâce à des écrits et à des propos qui en font plein usage, plutôt que de se dissoudre dans les eaux fades des clichés et des poncifs dont nos malheureux crânes ne sont que trop souvent martelés. Mais plus et mieux encore, c’est l’inventivité gouvernementale en matière de syntaxe qui restera sans doute la marque la plus édifiante des temps que nous vivons. Beaucoup de mots, nous le savons, sont porteurs de significations ambivalentes. Mais rien n’a jamais atteint l’insigne performance philologique dont le mérite revient aux éminents linguistes chargés de la rédaction des projets de loi : ils ont pu, en effet, donner au mot «décentralisation» une acception exactement conforme à celle que les dictionnaires attribuent au mot «centralisation». C’est là un exploit d’autant plus éclatant que nos législateurs-académiciens semblent y avoir adhéré. Il en va ainsi de presque tout le vocabulaire officiel. Seul le mot «transparence», à part une ou deux exceptions qui relèvent de l’incurable opacité de leurs bénéficiaires, paraît avoir gardé, dans la plupart de ses emplois, son sens originel. Effectivement, à force de prêcher la transparence et de la pratiquer, beaucoup de nos officiels ont réussi à se rendre totalement invisibles. Voilà pourquoi, il serait prudent de se méfier des mauvaises surprises qu’ils pourraient encore nous réserver. Car les coups qu’on ne voit pas venir sont toujours les plus cruels.
Il est bon que nos ministres new-look aient enfin le courage de développer leurs idées et de révéler, sans timidité aucune, ce qu’on considérait autrefois comme inapte à la divulgation. Tout, jusqu’aux dispositions testamentaires de nos dirigeants, est aujourd’hui matière à conférence de presse. Et nous ne pouvons que nous incliner avec admiration devant les sacrifices...