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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférence - Des prisonniers au Liban, en Israël et en Syrie Des ONG dénoncent les détentions arbitraires (photos)

Les propos tenus par différents représentants d’ONG européennes et arabes lors de la session de formation aux ONG libanaises organisée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) en coopération avec deux associations locales et l’Union européenne, témoignent de leur préoccupation concernant le sort des prisonniers détenus arbitrairement au Liban, en Israël et en Syrie. Certes, nombreux sont ceux qui dans des entrevues à L’Orient-Le Jour avouent que la situation est loin de s’améliorer au Liban malgré le nombre grandissant d’associations. Mais dans le même temps, ils font état des priorités dans leur action. M. Patrick Baudouin, président de la FIDH, interrogé sur les thèmes discutés lors des sessions, précise : «La session a surtout pour but de stimuler la formation au respect des droits de l’homme dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, conformément à la Convention de Barcelone signée en 1995. Les thèmes les plus larges peuvent être abordés, comme l’universalité ou l’indivisibilité des droits de l’homme, la mise en œuvre de cette universalité à l’échelle locale, les difficultés, les ébauches de solutions. Bref, il s’agit d’une réflexion d’ensemble sur les droits de l’homme : il y a, bien entendu, des généralités, mais aussi des problèmes concrets». M. Baudoin évoque des questions cruciales, telles que l’indépendance de la magistrature, l’exercice des droits de la défense, les conditions d’interpellation, d’arrestation, de détention, les libertés des moyens d’information, et, pour le Liban, la question «toujours pas résolue» des prisonniers libanais en Syrie, en Israël et au Liban-Sud. Quelle est la marge de manœuvre d’une fédération internationale dans des cas comme ceux-ci ? «Nous continuons à essayer d’alerter la communauté internationale sur la question», répond M. Baudouin. «Nous travaillons en coopération avec des familles de disparus. Nous avons tenu à deux reprises des conférences de presse à Paris, sur la question des prisonniers en Syrie en particulier. D’ailleurs, après avoir longtemps nié la présence même de prisonniers libanais, Damas a libéré plusieurs d’entre eux l’année dernière». M. Baudouin déclare que la FIDH réclame une liste précise de ces prisonniers, une localisation et leur retour au Liban pour qu’ils soient remis en liberté ou jugés le cas échéant. Dans la situation actuelle, qu’attend-il du Liban dans le processus d’uniformisation des droits de l’homme ? «Le retour à la paix au Liban est un point très positif, mais tout n’est pas résolu pour autant», répond-il. «Il faut que le pays retrouve sa pleine indépendance. Nous pensons que tant qu’il sera sous tutelle, il est évident que tous les mécanismes nécessaires à l’instauration d’un régime démocratique et respectueux des droits de l’homme ne pourront pas être mis en œuvre». Solida : le gouvernement garde le silence La détention arbitraire est également un souci majeur du mouvement de soutien aux Libanais détenus arbitrairement (Solida). M. Wadih-Ange Asmar, porte-parole de l’association, qui a son siège à Paris, précise les principaux axes de l’action de Solida. Quelles sont les possibilités de l’association ? «Nous n’avons pas un champ d’action très vaste», reconnaît M. Asmar. «Nous ne pouvons pas exiger quoi que ce soit des gouvernements libanais, syrien ou israélien. Nous ne disposons que de voies médiatiques, diplomatiques ou politiques. Nous établissons des relations avec le gouvernement concerné». Les contacts de Solida avec des responsables libanais se sont toujours soldés par des échecs, selon M. Asmar. Idem pour les familles de détenus (ainsi que le comité des mères de détenus libanais en Syrie créé depuis quelques années), qui n’ont obtenu aucun résultat ni auprès des responsables politiques ni auprès des instances religieuses contactés, ajoute-t-il. «C’est un sujet tabou à plusieurs niveaux», souligne-t-il. «Les disparus, la séquelle la plus grave de la guerre, sont le premier tabou que l’État ne veut pas assumer. Le deuxième tabou est représenté par le fait que, dans ce dossier, il y a trois acteurs, le Liban, la Syrie et Israël. En ce qui concerne Israël, plusieurs associations, dont Solida travaillent sur le sujet, et l’État évoque le problème depuis quelques années seulement. La Syrie constitue un autre tabou. Notre action est souvent comprise à tort comme dirigée contre la Syrie alors que tout ce que nous voulons, c’est la vérité et le bien-être des prisonniers». Des lettres ouvertes ont été envoyées à des responsables syriens mais sont demeurées sans réponse. «Le Parlement libanais n’a jamais voulu se saisir de cette question», ajoute-t-il. «J’aimerais demander à chaque député ce qu’il ressentirait s’il était loin de ses enfants, ne serait-ce que quelques jours». Selon M. Asmar, Solida a obtenu des listes qu’elle a envoyées aux autorités syriennes par le biais d’officiels français. «Il y a à peu près 300 ou 400 noms», dit-il. «On n’obtient vraiment de détails que des familles qui osent parler, et toutes ne le font pas». Interrogé sur d’éventuels progrès enregistrés au niveau des droits de l’homme au Liban, il déclare que «des progrès ont été réalisés : le dossier est plus souvent soulevé et il existe davantage d’associations qui travaillent sur la question – bien qu’elles n’aient pas toutes les mêmes lignes de travail – mais il y a une régression des droits de l’homme en tant que tels au Liban». Selon lui, il y a un glissement au Liban vers une restriction des libertés, notamment la liberté d’expression. «Les conditions de détention au Liban nous inquiètent de plus en plus», ajoute-t-il. «Toute détention arbitraire qu’elle dure une minute ou trois mois est une violation des droits de l’homme». Importance du partenariat euro-méditerranéen Une autre association travaille actuellement sur le terrain, avec un représentant au Liban, M. Élie Abou aoun. «Nous nous occupons de l’enseignement des droits de l’homme dans les universités», dit-il. Selon lui, les étudiants réagissent positivement à ce cours. Mais il déplore que les autorités libanaises adoptent une «politique de l’autruche» concernant le partenariat euro-méditerranéen. «Bien que les autorités acceptent l’idée de ce partenariat, elles empêchent des jeunes de participer à des activités organisées par des mouvements de jeunesse sous prétexte qu’ils risquent d’y rencontrer des Israéliens», dit-il. Il dénonce par ailleurs le fait que des civils soient parfois jugés par des tribunaux militaires, ce qui est contraire aux droits de l’homme, selon lui. «Il faut assurer un pluralisme politique au Liban alors qu’aujourd’hui, une seule approche est imposée par l’État», souligne-t-il. Les détentions arbitraires et les détenus libanais, qu’ils soient en Israël, en Syrie ou au Liban sont également dénoncés par son association. Interrogé sur les bienfaits d’une telle session de formation, M. Abou aoun précise : «Beaucoup d’ONG et de militants libanais ne sont pas suffisamment informés sur le partenariat euro-méditerranéen qui est un contexte géo-politico-culturel très intéressant. C’est un espace de démocratie et d’échanges qui n’existait pas autrefois et dont le Liban doit profiter. Les ONG ne savent pas toujours que le partenariat ne fonctionne pas seulement au niveau des États mais également au niveau des associations». Mère de détenu À ces opinions de techniciens vient s’ajouter le témoignage poignant d’une mère d’un des détenus en Syrie, rencontrée au hasard du séminaire, et qui attend des nouvelles de son fils disparu depuis dix ans. «J’ai des preuves de sa présence en Syrie, mais les responsables libanais refusent de m’aider et les responsables syriens nient sa détention», dit-elle, tremblant d’émotion. Elle raconte avoir déjà payé des sommes considérables et avoir rencontré de nombreuses personnalités sans avoir même obtenu un droit de visite. «Je n’ai des nouvelles de mon fils que grâce aux efforts que je fais moi-même, personne n’ose m’aider», conclut-elle.
Les propos tenus par différents représentants d’ONG européennes et arabes lors de la session de formation aux ONG libanaises organisée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) en coopération avec deux associations locales et l’Union européenne, témoignent de leur préoccupation concernant le sort des prisonniers détenus arbitrairement au Liban, en...