Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Tribune Pour une démocratie consensuelle

Le compte à rebours a commencé : le 7 juillet 2000, l’armée israélienne devrait avoir évacué toute la zone occupée au Liban-Sud. Ce retrait se fera-t-il dans le cadre d’un accord général ou sera-t-il le fait d’une décision unilatérale ? Il est encore tôt pour répondre à cette question, mais les changements qu’un tel retrait va nécessairement entraîner s’annoncent considérables. Dans cette recomposition en cours du paysage régional, une question majeure se pose : les Libanais pourront-ils s’entendre entre eux pour gérer leurs affaires ou bien devront-ils rester sous tutelle dans l’espoir d’acquérir, un jour, la maturité qui leur fait défaut ? En d’autres termes, saura-t-on mettre à profit les quelques mois à venir pour jeter les bases d’une véritable solidarité nationale ou bien fera-t-on, une nouvelle fois, la preuve de notre incapacité à nous prendre en charge ? La solidarité nationale, objecteront certains, nécessite la conscience d’un destin commun, ce qui n’est pas le cas au Liban en raison du fait communautaire. Cette affirmation ne tient pas compte de l’expérience de la guerre. Les Libanais ont certes essayé de se dégager de leur destin commun et tenté même de lui substituer des «destins» propres en fonction de leurs appartenances communautaires ou idéologiques. Mais ces tentatives ont échoué et les Libanais, toutes communautés confondues, se retrouvent aujourd’hui devant la nécessité d’affronter leur destin commun. Celui-ci revêt un double aspect : – Un aspect de déchéance et de fragilité que la guerre a dramatiquement mis en évidence. Il serait utile ici de rappeler que l’Europe qui se construit aujourd’hui est, elle aussi, fondée sur la prise de conscience d’un destin malheureux et «la rage d’en finir avec un passé nationaliste où 150 conflits en moins de deux siècles ont fait plus de 80 millions de morts». – Un aspect d’ouverture et d’avenir : le style de civilisation que les Libanais avaient réussi à créer avant la guerre, le climat de liberté qui régnait au Liban alors que le monde arabe oscillait entre traditionalisme rétrograde et totalitarisme révolutionnaire, l’ouverture sur le monde et l’aptitude à intégrer le nouveau sans pour autant s’y perdre font aujourd’hui de cette expérience historique un modèle qu’il convient de réhabiliter, un modèle pour le Liban, mais aussi pour l’ensemble du monde arabe en proie à des convulsions qui risquent de dégénérer en un cycle généralisé de violence. La conscience de ce destin commun nécessite que soit mis un terme à cette lutte sordide pour le pouvoir à laquelle on assiste depuis l’arrêt des combats et dans laquelle tous les coups sont permis. Au sortir d’une guerre à laquelle nous ne parvenons pas, jusqu’à présent, à donner de nom – est-elle une guerre civile, «la guerre des autres», une guerre de «libération» ? –, les Libanais sont las de cet éternel recommencement où les hommes «providentiels» se succèdent les uns aux autres pour raconter, avec des mots différents, la même histoire, faire les mêmes promesses et finir de la même manière. Le Liban n’a pas besoin de «chefs» qui viendraient confisquer le pouvoir en demandant aux Libanais de bien vouloir rester chez eux en attendant qu’on leur reconstruise leur pays, mais de «guides» qui assureraient leur participation à la construction de leur avenir. Le mode d’emploi pour cela existe, encore faut-il le lire, le comprendre et le mettre en application. L’accord de Taëf prévoit, en effet, un régime de participation sur base d’une démocratie de type consensuel. Cette participation se situe à des niveaux différents : participation communautaire au sein des deux pouvoirs exécutif et législatif, participation socio-économique à travers le Conseil économique et social, participation régionale à travers la décentralisation, etc. Quant à la démocratie consensuelle que nos hommes politiques continuent d’ignorer, elle est inscrite dans le texte de la Constitution. Comment peut-on, en effet, qualifier un régime politique où le pouvoir exécutif est confié à une direction collégiale – le Conseil des ministres – formée à égalité de représentants des deux grandes communautés et qui prend ses décisions par consensus n’ayant recours au vote que si ce consensus est impossible à réaliser ? Où, ailleurs que dans une démocratie consensuelle, les chefs religieux ont-ils le droit de saisir le Conseil constitutionnel en vertu du «principe de l’harmonie à établir entre l’État et la religion» ? Dans quel régime politique, la légitimité du pouvoir se trouve-t-elle déterminée par sa capacité à maintenir le «vouloir-vivre en commun? Plutôt que d’appliquer l’accord de Taëf, nos dirigeants ont préféré s’en tenir, sans jamais évidemment s’y référer, à l’esprit de l’accord tripartite conclu en 1985 entre les milices. Peut-être est-il plus conforme à leur mentalité et plus utile à leurs ambitions ! «vouloir-vivre en commun? Plutôt que d’appliquer l’accord de Taëf, nos dirigeants ont préféré s’en tenir, sans jamais évidemment s’y référer, à l’esprit de l’accord tripartite conclu en 1985 entre les milices. Peut-être est-il plus conforme à leur mentalité et plus utile à leurs ambitions !
Le compte à rebours a commencé : le 7 juillet 2000, l’armée israélienne devrait avoir évacué toute la zone occupée au Liban-Sud. Ce retrait se fera-t-il dans le cadre d’un accord général ou sera-t-il le fait d’une décision unilatérale ? Il est encore tôt pour répondre à cette question, mais les changements qu’un tel retrait va nécessairement entraîner...