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Actualités - ANALYSE

Suspicion et confusion dans les cercles politiques

C’est un comble, ou plutôt c’est le monde à l’envers : au lieu de tenter de justifier le retard sérieux apporté à l’élaboration du projet de loi électorale, le gouvernement dément par la bouche du ministre de l’Intérieur que les dispositions soient déjà prêtes ! Il a en réalité de bonnes raisons de réagir de la sorte aux bruits qui courent à ce propos. Car le système qu’on le soupçonne de vouloir adopter risque de déplaire à beaucoup, de provoquer un tollé politique. Or, pour le moment, les consignes des décideurs sont très strictes : pas de secousses sur la scène intérieure libanaise, toute la priorité allant au dossier régional. Toujours est-il que les dénégations de M. Michel Murr ne semblent pas convaincre l’opposition et M. Walid Joumblatt, entre autres, continue à pousser les hauts cris contre les intentions électorales gouvernementales. Du reste, beaucoup de politiciens pensent que c’est à seule fin de désamorcer ces critiques que le pouvoir soutient qu’il n’a pas encore choisi ses options en matière de découpage des circonscriptions. Un député modéré relève de son côté que «le gouvernement n’est sans doute pas prêt pour affronter la tempête, c’est pourquoi il élude. Mais il est invraisemblable qu’à ce stade il n’ait toujours pas sa petite idée sur ce que va être la loi électorale et sur la configuration de la prochaine Chambre». Un loyaliste, peut-être plus habile que ses collègues, répond par un semi-aveu qu’il rattrape aussitôt. «Il est vrai, indique-t-il, que nous avons lâché par-ci par-là de petites phrases sur nos intentions et laissé courir certains bruits. Mais c’était à dessein, pour tâter le pouls des forces politiques et de l’opinion, provoquer des réactions qui nous aideraient à faire nos choix. Autrement dit, nous n’avons encore rien décidé, nous n’avons pas de plan préétabli et nous restons disposés à discuter de tout». Une ouverture qualifiée aussitôt par un opposant de «manœuvre dilatoire». Selon cette personnalité, proche des décideurs et généralement bien informée, «le pouvoir veut organiser les élections de l’an 2000 sur base du mohafazat. Il n’y aura ni exception ni fractionnement d’un district en deux ou en trois circonscriptions. MM. Nabih Berry et Rafic Hariri vont être contents, mais certainement pas M. Walid Joumblatt». Ce politicien note cependant que «rien n’est encore joué. Étant donné la complexité des rapports de force, ici mais aussi chez les décideurs, où on trouve des centres d’influence parfois opposés, un fort mouvement de protestation contre cette formule élargie peut encore avoir du succès». On peut en douter. Car M. Joumblatt risque de se retrouver isolé dans cette bataille. Il est vrai que tout comme lui, le camp chrétien préfère théoriquement la petite circonscription. Mais le plus important pour l’Est, singulièrement pour Bkerké, semble être qu’il faut une même loi pour tous afin que la discrimination flagrante des précédentes élections ne se répète plus. On trouve cependant beaucoup de pôles qui plaident pour un compromis à la libanaise. M. Farès Boueiz plaide ainsi pour la circonscription moyenne groupant par exemple deux cazas. À son avis, il n’y aurait plus de la sorte de «bulldozer» ou de «bus», c’est-à-dire de «liste principale» plus ou moins soutenue par les officiels. La représentativité de proximité serait assurée ainsi qu’un degré raisonnable de brassage de communautés. Un point de vue que partage le vice-président de la Chambre, M. Élie Ferzli. À signaler, que selon certains, les décideurs ne tenant pas à lâcher M. Joumblatt, ce dernier obtiendrait comme en 92 ou en 96 que le Mont-Liban soit divisé, alors que les autres mohafazats ne le seraient pas. M. Boueiz, comme beaucoup d’autres, se mobilise contre une telle perspective en rappelant qu’elle irait contre le principe d’égalité défendu par le chef de l’État. Parmi les bruits qui courent, on entend par ailleurs affirmer qu’au bout du compte, le gouvernement se laverait les mains de l’affaire et demanderait à la Chambre d’élaborer elle-même la nouvelle loi électorale. Une idée qui ne plaît ni aux politiciens ni aux juristes.
C’est un comble, ou plutôt c’est le monde à l’envers : au lieu de tenter de justifier le retard sérieux apporté à l’élaboration du projet de loi électorale, le gouvernement dément par la bouche du ministre de l’Intérieur que les dispositions soient déjà prêtes ! Il a en réalité de bonnes raisons de réagir de la sorte aux bruits qui courent à ce propos. Car le...