A la va-comme-je-te-pousse Que sont mes amis devenus (Rutebeuf)

L’heure n’est pas aux poètes. Mais que sont devenus : – La nouvelle carte d’identité. Elle traîne de logiciel détraqué en courrier perdu entre le centre et la province. Et c’est aussi bien. Car son utilité est quasi nulle : à l’UL, établissement d’État, on exige qu’elle s’accompagne d’un extrait d’état civil. Quand on pense qu’aux States on peut se contenter de son permis de conduire pour seule pièce d’identité. Mais allez, on n’est pas aussi irresponsable… – Le courrier, puisqu’on en parle. Canadisé mais presque toujours, comme par hasard, arrivé au Liban en bien mauvais état. Pas un colis en provenance de l’ailleurs qui ne soit déchiqueté, avec le joli tampon : «Nous est ainsi parvenu». C’est quoi qu’ils cherchent les déchireurs, les plans de la comète, les aveux de Paco Rabanne, des chèques endossés, des pépites d’or ? Liban Post. Post-Liban : était-ce la peine d’arracher notre indépendance pour livrer notre correspondance aux Canadiens, notre téléphone aux Allemands, notre électricité aux Italiens, notre casino à la piscine, notre port aux Grecs et notre aéroport au Séoudien ? On aurait mieux fait de garder les Français. On aurait eu au moins confiance. Dans le mandat-poste. – Les extincteurs, la ceinture de sécurité, les nouvelles plaques d’immatriculation et l’interdiction du cellulaire en voiture. Lettres mortes. C’est vraiment l’État des gestes manqués. Tant d’amnésie pour autant d’actes fortuits. Sinon gratuits.