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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Propriété intellectuelle - Séminaire national à l'Ordre des avocats Droit d'auteur et droits connexes : les lacunes et les difficultés du recours en justice

À l’initiative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en coopération avec le gouvernement libanais, “Le droit d’auteur et les droits connexes” étaient à l’affiche, à l’Ordre des avocats, du 6 au 8 septembre. Ont pris part à la clôture des travaux, hier, M. Xavier Blanc et Me Sami Touma. Directeur des affaires juridiques et internationales de la Société de perception et de distribution des droits d’artistes et interprètes de la musique (SPEDIDAM), à Paris, M. Blanc a passé en revue les “droits voisins dans la nouvelle loi libanaise du 3 avril 1999”. Me Sami Touma a évoqué, dans le cadre des mass medias, la protection des droits, les difficultés du recours en justice et les différentes problématiques entravant la loi. M. Xavier Blanc a présenté quelques notes sur la nouvelle loi libanaise. Mais il a voulu que ses remarques sur le dispositif législatif soient placées «sous réserve», car ses observations ont été faites à partir d’une traduction anglaise du texte de la loi en arabe, «ce qui peut présenter parfois certaines anomalies terminologiques». M. Blanc a mis l’accent sur l’«absence d’une définition de l’artiste interprète», sur une lacune dans la définition des droits voisins, où «seuls les producteurs d’enregistrements sonores sont cités, et par conséquent les producteurs audiovisuels ne sont pas considérés comme titulaires de droits voisins, mais obtiennent des transferts de droit au titre de droit d’auteur». Dans la définition du producteur d’enregistrement sonore ou d’œuvre visuelle, on ne mentionne comme titulaire de droits que «les producteurs d’enregistrements sonores». Les producteurs d’œuvres visuelles ne sont pas reconnus. De plus, la référence à l’initiative et la responsabilité de la production «est relativement vague». Dans la définition de la publication, c’est-à-dire la mise à la disposition du public (par la vente ou la location) d’une œuvre ou d’un enregistrement sonore, il semble que le législateur distingue d’une part le droit de l’auteur concerné par l’œuvre, et de l’autre, les droits voisins qui ne seraient concernés que par l’enregistrement sonore. «Ceci corroborerait la définition des droits voisins qui ne vise pas le producteur d’œuvre audiovisuelle». Par ailleurs, M. Blanc s’inquiète «de ne voir aucune référence au consentement de l’artiste interprète», alors que le texte indique avec précision la référence au consentement de l’auteur et du producteur. Le conférencier note également le caractère relativement novateur de l’assimilation à la «publication» et de «la mise à la disposition d’œuvres ou d’enregistrements sonores» par des moyens électroniques. Or un seul exemplaire mis sur Internet peut satisfaire à la demande générale du public». Et M. Blanc de rappeler que lors des négociations sur le nouveau traité OMPI de 1996, «une telle extension de la notion de publication» a été refusée. «La définition adoptée fait référence au concept classique mais limité : mise à la disposition du public en quantité suffisante». En ce qui concerne la définition d’un enregistrement sonore, la loi libanaise entend exclure de cette formule la partie sonore d’une œuvre audiovisuelle (la bande originale musicale d’un film). «On comprend mal pour quelles raisons un enregistrement sonore s’il est associé à une œuvre audiovisuelle ne serait plus un… enregistrement sonore !», dit Xavier Blanc. Quant à la radiodiffusion, elle est définie comme la «transmission d’une œuvre au public par transmission sans fil, y compris par satellite». Mais, «il n’est fait référence qu’à l’œuvre, et non pas à des enregistrements ou à des interprétations», souligne le directeur des affaires juridiques et internationales de SPEDIDAM. D’un autre côté, M. Blanc a planché sur le contenu des droits voisins, examinant les dispositions concernant les artistes interprètes, les producteurs et les organismes de radiodiffusion. «La loi libanaise distingue entre droit moral et droits patrimoniaux. La protection des droits moraux des artistes interprètes et des auteurs est sans limitation de durée, comme c’est souvent le cas dans de nombreuses législations. La loi leur reconnaît également un certain nombre de droits patrimoniaux exclusifs». Mais les droits portant sur l’interprétation vivante des artistes sont tout autre : «Il leur est reconnu le droit d’autoriser ou d’interdire la radiodiffusion de leur interprétation ou sa transmission au public sauf lorsque la radiodiffusion ou la transmission est effectuée à partir d’une interprétation qui a déjà été radiodiffusée». Ce droit disparaît toutefois si l’interprétation a été déjà radiodiffusée. «On aurait souhaité que ce droit ne disparaisse qu’en cas de radiodiffusion préalable licite», dit M. Blanc «Car la rediffusion non autorisée (pirate) ne donne ainsi pas prise à l’exercice du droit des artistes interprètes, ce qui est choquant», a-t-il signalé. «Il est vrai que la rediffusion implique au préalable une fixation, qui est couverte par un droit exclusif», ajoute-t-il. Sur les modalités d’exercice des droits voisins, il relève deux éléments importants. La nécessité d’accords écrits, prévus par la loi, «on ne peut que se féliciter de cette garantie». Et la représentation commune des artistes interprètes d’un groupe, c’est-à-dire que le groupe d’artistes participant à une prestation doit désigner, par une majorité, une personne qui les représente pour l’exercice de leurs droits exclusifs. «Cette disposition est très dangereuse, car la loi ne prévoit pas que le représentant soit lui-même un artiste», dit M. Blanc. Un intermédiaire pourrait se faire remettre le produit de l’exercice des droits des artistes… «Une telle situation est une source potentielle d’abus», souligne le conférencier. La durée des droits voisins : en application de l’article 54, les droits des artistes sont protégés pendant une durée de 50 années, «à partir de la fin de l’année de leur interprétation». Idem des droits des producteurs d’enregistrements sonores et des radiodiffuseurs. Les organismes de radiodiffusion ne sont à ce jour protégés que par la Convention de Rome qui prévoit une durée de protection minimum de 25 ans. Quant aux producteurs audiovisuels, ils sont toujours considérés comme non titulaires de droits voisins. «Le point de départ de la durée de protection n’est toutefois pas pleinement satisfaisant», dit M. Blanc. «Comme pour le traité OMPI, le point de départ de la durée de protection devrait être repoussé, en cas d’enregistrement à la date de cette publication. À titre d’exemple, un enregistrement pirate d’un concert, qui serait publié 50 années après la date de ce concert, ne donnerait pas prise à une action des artistes interprètes concernés. Ce problème est loin d’être théorique». M. Xavier Blanc devait mettre l’accent sur les lacunes de la loi traitant des artistes «représentant la partie économique faible». Ainsi, «un système de transfert au bénéfice du producteur audiovisuel semble être instauré». De plus, «aucun droit n’est reconnu à l’artiste interprète en matière de radiodiffusion ou de communication au public d’interprétations fixées (enregistrées)». Or les droits reconnus aux artistes par l’article 39 portent sur la radiodiffusion ou la communication au public d’interprétations «non fixées». «S’il est un pilier des droits des artistes et des droits des producteurs phonographiques, c’est bien le droit portant sur la diffusion et la communication au public de phonogrammes publiés à des fins de commerce. Or ni la radiodiffusion ni la communication au public de phonogrammes ou de vidéogrammes ne sont protégées par la loi libanaise… Cela ne facilitera guère les échanges internationaux que permet normalement la Convention de Rome», dit M. Blanc. Il ajoute que les droits exclusifs des producteurs d’enregistrements sonores sont également réduits au minimum. Les radiodiffuseurs sont par contre les premiers bénéficiaires, non pas en qualité d’ayants droit, mais en qualité d’utilisateurs d’enregistrements sonores et audiovisuels. «On ne peut donc que souhaiter une nouvelle évolution législative… et moins de déséquilibre entre les différents titulaires de droits voisins», conclut Xavier Blanc. Recours en justice Prenant à son tour la parole, Me Sami Touma a abordé les droits portant sur la copie privée notant que les articles de loi 39 et 43 ne mentionnent aucune interdiction de transmission de radiodiffusion ou de télévision comme si le législateur a voulu aplanir les obstacles devant tout ce qui peut entraver la retransmission publique. Celle-ci peut se faire sans l’obtention d’une licence de l’auteur ou du coproducteur ; mais aussi sans l’obligation de verser des compensations ou une rémunération équitable, comme le stipule la Convention de Rome. Est-ce que le législateur a omis volontairement ces droits ? Me Sami Touma a plutôt tendance à considérer que ces droits n’ont simplement pas été revendiqués par les personnes concernées. «Aucun groupement d’artistes n’a revendiqué des droits portant sur la copie privée. Les artistes interprètes et les producteurs du phonographe attachaient, peut-être, une plus grande importance à l’avantage qu’ils pourraient tirer de la publicité à travers la retransmission au public de leurs œuvres. Comme les hommes politiques, ils sont très heureux de poser devant les caméras et ne prévoient pas les conséquences que cela implique à long terme. Mais tout récemment, l’artiste a commencé à organiser ses intérêts… La protection des droits de la copie privée a été prévue dans le projet soumis, en 1997, au gouvernement libanais par un groupe consultatif de l’OMPI. M. Albert Kilo, président de l’Ordre des artistes professionnels au Liban, a avancé une requête en ce sens, indique le conférencier. Me Touma passe ensuite au chapitre de l’utilisation de certains «extraits courts» (événements-actualité). Il rappelle que dans l’article 30, le législateur autorise les radios et télés à diffuser des «extraits courts» sans pour autant leur imposer l’obligation de verser des rémunérations. «Cette exception se trouve dans la majorité des lois internationales», dit l’avocat. La confusion qu’elle apporte aussi. En effet, le législateur libanais n’a pas déterminé des critères précis permettant de fixer la longueur de ces extraits. Il s’est contenté de souligner «extraits courts» sans préciser la durée limite. On imagine ce que tout cela implique de préjudice si, par exemple, le législateur octroie à une station de télévision le droit de choisir certains extraits diffusés par une autre station qui a acheté l’exclusivité de l’événement ! Mieux encore, la loi ne fait pas mention de la nature de cette «actualité», c’est-à-dire qu’elle n’apporte aucune définition précise à ce terme. Et comme il semble que les bulletins d’information ne sont pas protégés par la législation, «il y a une confusion qui résulte». Qu’est-ce qu’on entend par «actualité» : des événements politiques, sociaux, artistiques ou sportifs ou encore les programmes qu’on désigne sous le titre de «magazine» et qui n’ont pas été définis dans l’article 30 ? Si la définition dépasse les questions politiques et sociales, cela peut accorder à certaines stations de radiodiffusion ou de télévision les droits d’enregistrement et de retransmission, en contrepartie toutefois du versement d’une somme très importante. Comme c’est le cas pour la retransmission de certains matchs sportifs par exemple. En outre, si l’article 30 stipule la radiodiffusion ou la projection d’«extraits courts d’événements», il n’indique pas si les séquences peuvent être prises à travers une transmission directe ou dans le cadre d’un câble d’enregistrement qui serait par la suite rediffusé. «La juridiction et le législateur doivent se charger de préciser les limites dans lesquelles on peut prendre un extrait pour éviter de porter atteinte au droit de propriété». Par ailleurs, dans les articles 87 et 88, la loi octroie une protection supplémentaire aux stations de radiodiffusion et de télévision codée. Cette protection a posé la première problématique qui a suivi la publication de la première loi. Le Parlement a ratifié la loi qui stipule la suspension des articles 87 à 89 de la loi 75/99. Cet arrêt n’est cependant pas entré en vigueur, le président de la République l’ayant renvoyé à l’Assemblée. Me Sami Touma n’a toutefois pas voulu s’arrêter au niveau de cette problématique à caractère politique. Il abordera le thème du programme protégé conformément au «droit voisin». Me Touma relève que le législateur a désigné par «programme», tous les services assurés par la station et «dont la retransmission est câblée par n’importe quel moyen». Le conférencier considère que l’objectif consiste à protéger les établissements de radiodiffusion et de télévision en élargissant l’étendue de leurs «droits voisins» pour que ces droits puissent englober également les moyens de transmission de leur programme. «Dans le cadre d’une collaboration internationale, le Liban reste un pays avant-gardiste dans la protection des droits», dit Me Touma, soulignant «que la majorité des productions intellectuelles et d’œuvres intellectuelles libanaises n’est qu’une partie de l’ensemble des productions intellectuelles de la production arabe. Par conséquent, la protection des droits ne peut être garantie en l’absence d’une harmonie entre les législations arabes. «Tous doivent adhérer à la Convention de 1996». Le conférencier a rappelé qu’une étude préliminaire sur la protection de la propriété intellectuelle dans le monde arabe a été effectuée par M. Élias Belaribi, directeur général adjoint de la télévision algérienne. L’étude a été présentée au Comité supérieur de la coordination entre les différents canaux de transmission par satellite. Mais seulement huit à neuf pays arabes ont adopté des lois protégeant les droits voisins. «On a besoin d’une plus étroite coordination à ce niveau», a conclu Me Sami Touma.
À l’initiative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en coopération avec le gouvernement libanais, “Le droit d’auteur et les droits connexes” étaient à l’affiche, à l’Ordre des avocats, du 6 au 8 septembre. Ont pris part à la clôture des travaux, hier, M. Xavier Blanc et Me Sami Touma. Directeur des affaires juridiques et...