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Actualités - OPINION

Une américaine mal briefée

Madeleine Albright ne mérite peut-être pas tout à fait qu’on la coiffe d’un bonnet d’âne pour sa halte beyrouthine de samedi dernier. Après tout, elle portait à son revers, en guise de broche, un cèdre, attention touchante (que certains trouveront un peu niaise) envers ses hôtes. Mais il est vrai que les résultats de sa rencontre avec M. Hoss ne furent pas brillants. Qui plus est, ses propos concernant le Hezbollah tenaient tout de la gaffe ainsi que de l’obsession qui pousse les Américains dans leur ensemble à voir du «terrorisme» partout et aussitôt que dans le monde un mouvement politique porte les armes, au risque de pratiquer l’amalgame plus souvent qu’à leur tour. Il est vrai aussi que, revenant d’Israël et dûment chapitrée dès Washington sur le sort des civils de Kyriat Shmone (mais vraisemblablement myope pour ce qui est des victimes libanaises du Sud), la secrétaire d’État, qui est, au demeurant, encore novice quant aux questions proche-orientales, n’était sans doute même pas informée de ce que l’opinion publique libanaise – et en particulier le Premier ministre – perçoit le parti chiite comme celui de la résistance nationale à l’ennemi. Pour ce qui est du sujet de «l’implantation», l’ancienne représentante de son pays à l’Onu a eu tout l’air d’en entendre parler pour la première fois ; il serait naïf d’ailleurs d’imaginer que cette préoccupation, purement libanaise malgré les apparences, émeut au premier chef Washington. Il n’est pas inutile de donner aux choses leur juste proportion : en faisant un détour pour se poser à l’AIB, le chef de la diplomatie US venait en visite à Lilliput. Si l’on considère les choses dans cette perspective, Albright, que l’on sait déjà, comme il est dit plus haut, encore peu au fait du dossier régional, n’avait pas une connaissance approfondie des souhaits ni des soucis du peuple lilliputien que nous sommes. Ayant mis tout son zèle à notre égard dans le symbole arborescent ornant le revers de sa veste, il n’est pas tragique qu’elle se soit «plantée» sur le reste. En attendant de mieux faire ses classes, Mme Albright s’est montrée telle qu’elle est : une Américaine moyenne de bonne volonté, qui confond les combattants du Liban-Sud avec des pousse au crime, et envisage la question de l’implantation comme prétexte à des initiatives relevant de la bienfaisance. Quant à l’épineux chapitre de la mise en jugement par les autorités libanaises des auteurs des attentats antiaméricains pendant la guerre, sachant tout ce qu’elle aurait dû savoir, elle ne se sera sans doute pas étonnée que son interlocuteur fasse la sourde oreille, tout en feignant de lui répondre : que pouvait-il faire d’autre si l’on se souvient de l’écheveau des responsabilités qui se trouvèrent aux origines de chacun de ces crimes ? Et s’il était normal que l’émissaire d’un pays à juste titre légaliste demande réparation pour la mort violente de ses citoyens (souvenir brûlant pour nous de nos années noires), il est aussi normal que nos représentants n’en puissent mais et le fassent savoir... Mais Mme Albright a souhaité que nous soyons délivrés de toutes «les forces étrangères». Même si cela ne correspond pas en tous points aux vœux intimes de son gouvernement, c’est gentil tout plein. * * * Edward Saïd, l’un des universitaires les plus brillants des États-Unis, mais qui ne nous intéresse ici que parce qu’il est depuis très longtemps l’avocat le plus doué, outre-Atlantique, de la cause palestinienne, Edward Saïd donc, palestinien lui-même et sur le point de publier son autobiographie, est déjà en butte à une attaque frontale due à la revue Commentary et menée sous la plume de Justus Reid Weiner, un Israélien connu pour ses affinités avec les partisans du Grand Israël et son opposition à la paix. Au-delà du texte ponctuel de son auteur, l’intervention de Weiner laisse songeur. Cherchant, pour ainsi dire, à «dépalestinianiser» Saïd (né pourtant à Jérusalem en 1935), sur les origines duquel il s’est perdu en recherches pendant trois ans (!), le responsable de l’article adopte une démarche qui évoque, quelles qu’en soient les différences par ailleurs, celle empruntée par les négationnistes pour contester l’existence même de l’holocauste au cours de la Seconde Guerre mondiale. Car il s’agit bien d’existence : Weiner, en cherchant à semer la confusion sur les premières années de la vie de Saïd, voudrait lui dénier son existence en tant que Palestinien, lui ôtant par là même le droit à toute aspiration politique et plus encore à toute prise de position sur la question israélo-palestinienne. Ce n’est pas le lieu d’entrer ici dans les détails des lignes haineuses de l’Israélien, dont la presse libanaise et celle du Golfe viennent d’ailleurs de se faire l’écho. Il s’agissait simplement d’une brève réflexion sur l’aveuglement persistant d’un certain Israël qui n’a pas quitté le temps du mépris. Nous y reviendrons...
Madeleine Albright ne mérite peut-être pas tout à fait qu’on la coiffe d’un bonnet d’âne pour sa halte beyrouthine de samedi dernier. Après tout, elle portait à son revers, en guise de broche, un cèdre, attention touchante (que certains trouveront un peu niaise) envers ses hôtes. Mais il est vrai que les résultats de sa rencontre avec M. Hoss ne furent pas brillants. Qui...