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Actualités - CHRONOLOGIE

Santé- Cinq jours de prison dans l'affaire du décès d'un sergent-chef Grève générale des médecins et sit-in demain devant le Parlement

L’affaire de l’arrestation sur ordre du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire Nasri Lahoud de trois médecins accusés de faute professionnelle ayant entraîné la mort d’un sergent-chef de l’armée n’en finit pas de susciter de vifs remous au sein du corps médical. Hier après-midi, le tribunal militaire a rendu son verdict, condamnant les trois médecins à cinq jours de prison (qu’ils ont déjà purgés en détention préventive). L’Ordre des médecins de Beyrouth n’a pas tardé à réagir. À l’issue d’une réunion extraordinaire tenue en début de soirée, à Baabda, il a adopté une recommandation proclamant une grève de vingt-quatre heures de tous les médecins, demain mercredi. La fronde des «blouses blanches» se traduira par un arrêt du travail dans les cliniques privées et dans les hôpitaux «sur tout le territoire libanais», sauf dans les cas d’urgence. Parallèlement à cette grève symbolique de vingt-quatre heures, les médecins organiseront le même jour un sit-in, à 11 heures 30, devant le siège du Parlement, place de l’Étoile. Les Ordres et syndicats des professions libérales ont été invités à participer à ce rassemblement dont le but est de presser l’Assemblée nationale à adopter un projet de loi (dont le bureau de la Chambre est déjà saisi) concernant l’immunité du corps médical. L’Ordre des médecins entend protester dans cette affaire contre le principe même de l’arrestation préventive d’un médecin avant que sa culpabilité ne soit prouvée et avant qu’une enquête ne soit menée à ce sujet. L’Ordre souligne sur ce plan qu’il revient à une commission scientifique et à l’Ordre des médecins, et non pas au parquet ou à un juge, de déterminer si oui ou non il y a eu faute professionnelle. Les milieux en question soulignent, de fait, qu’un juge ou que les membres d’un tribunal ne sont nullement qualifiés pour déterminer si un médecin a réellement failli à sa mission. Atmosphère fiévreuse Le précédent ainsi créé a provoqué un véritable tollé parmi les médecins, à en juger, du moins, par la mobilisation qui s’est manifestée hier soir à l’occasion de la réunion extraordinaire de l’Ordre. L’atmosphère était particulièrement fiévreuse lors de cette réunion, les médecins refusant de demeurer passifs face au précédent d’une arrestation préventive d’un médecin avant qu’il ne soit reconnu coupable et sans que l’avis d’une commission médicale agréée par l’Ordre ne soit pris en considération. Ce point de vue a été exposé en toute franchise en soirée par le président de l’Ordre des médecins de Beyrouth, le Dr Ghattas Khoury, qui a dénoncé, dans une déclaration à la presse, l’atteinte portée à la renommée du corps médical libanais. Invitant les responsables à prendre conscience de la nécessité de préserver ce secteur vital, le Dr Khoury a réaffirmé que les médecins s’élèvent contre le principe même de l’arrestation préventive avant qu’une commission spéciale et que l’Ordre ne soient consultés au sujet du cas considéré. «Nous ne sommes pas des hors-la-loi pour être poursuivis de la sorte», a notamment déclaré le Dr Khoury. Rappelons que le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire avait ordonné au début du mois l’arrestation préventive de trois médecins, les Drs Sélim Youssef Meghamès, Nazir Ali Naoufal et Jihad Ramez Assaf, les accusant de négligence et de faute professionnelle ayant entraîné la mort, le 15 août dernier, du sergent-chef Khalil Hamad, qui avait été admis le 14 août à l’Hôpital militaire à la suite de maux à l’estomac accompagnés de vomissements. Son état de santé s’était détérioré et il avait été admis à l’hôpital Beyrouth puis à l’hôpital Mont-Liban où il est décédé le 15 août. Le juge Lahoud a estimé que le décès du sergent-chef avait été provoqué par une faute professionnelle. Les réactions En tout état de cause, de nombreuses réactions hostiles à l’arrestation préventive des trois médecins ont été enregistrées hier. Les députés Ismaïl Succarieh (Békaa) et Mohammed Abdel Hamid Beydoun (Liban-Sud) ainsi que le département médical du PSP ont estimé à l’unanimité que le tribunal militaire n’est pas habilité à traiter ce genre d’affaires et qu’une commission d’enquête aurait dû être constituée pour déterminer les responsabilités et tirer l’affaire au clair avant que les médecins ne soient interpellés et placés en garde à vue. «La justice, qu’elle soit militaire ou civile, ne peut pas trancher dans une affaire scientifique aussi délicate et compliquée que l’infection du pancréas», a fait valoir le député Succarieh, médecin de profession. Grosso modo, MM. Succarieh, Beydoun et le PSP ont développé le même point de vue, considérant que la manière dont l’affaire Hamad a été traitée va à l’encontre de l’édification de l’État des institutions. «Nous sommes encore loin du chemin qui doit nous conduire à l’édification de l’État des institutions», a déploré M. Succarieh, estimant que l’arrestation préventive des trois médecins «est contraire au code d’éthique médicale et à l’accord conclu entre l’Ordre des médecins et la brigade médicale de l’armée». Selon le député de la Békaa, les deux textes «stipulent qu’en cas de négligence ou de faute médicale, une commission commune d’enquête doit être formée pour suivre de près les investigations qui seront menées jusqu’à ce que le verdict soit prononcé ». M. Succarieh s’est en outre demandé «comment l’Hôpital militaire peut transférer à des établissements hospitaliers moins importants ce genre de cas (infection du pancréas) s’il n’est pas lui-même en mesure de les traiter?» Le PSP a également insisté sur la formation d’une commission commune d’enquête. Selon lui, l’arrestation préventive des médecins constitue «une atteinte à la liberté de mouvement du médecin, et une épée de Damoclès constamment suspendue au-dessus de sa tête». Le PSP a en outre proclamé son appui au mouvement de protestation enclenché par l’Ordre des médecins, soulignant la nécessité de le «dynamiser pour empêcher que ce genre d’incidents ne se répète». M. Mohammed Abdel Hamid Beydoun a pour sa part insisté sur la nécessité d’une révision des prérogatives accordées au tribunal militaire, qui, a-t-il rappelé, «reste un tribunal d’exception». Après avoir prié le ministre de la Justice, M. Joseph Chaoul, de se pencher sur ce problème, M. Beydoun a constaté que «presque tous les dossiers sont déférés devant ce tribunal d’exception, comme si nous étions condamnés à vivre dans des conditions exceptionnelles». Selon lui, «aucun pays démocratique n’est doté d’un tribunal militaire ayant de larges prérogatives l’habilitant à se saisir de tout genre d’affaires». «Cela va à l’encontre de la consolidation de l’État de droit et des institutions», a-t-il soutenu. M. Beydoun a ensuite affirmé le droit des syndicats des professions libérales à défendre les règles qui doivent être appliquées en cas de faute professionnelle grave.
L’affaire de l’arrestation sur ordre du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire Nasri Lahoud de trois médecins accusés de faute professionnelle ayant entraîné la mort d’un sergent-chef de l’armée n’en finit pas de susciter de vifs remous au sein du corps médical. Hier après-midi, le tribunal militaire a rendu son verdict, condamnant les trois médecins...