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Actualités - ANALYSE

Education - Une conception plus politique que scientifique L'enseignement technique et professionnel a besoin d'être rationalisé

Autour de l’enseignement technique et professionnel officiel, un consensus national s’est toujours dégagé. Mais, malgré cette unanimité, ce secteur reste l’enfant pauvre de l’Éducation. Pour s’en convaincre il suffit de savoir par exemple que le ministère de l’Enseignement technique et professionnel (METP), créé en 1992, n’a pas encore complété son cadre. Toutefois, la bonne volonté ne manque pas. Ainsi, plusieurs projets ont été proposés par le CDR et des services du ministère, soit directement, soit par bureaux d’études interposés, pour la création d’une série de nouvelles écoles, grâce à un certain nombre d’accords financiers. Mais lorsqu’on regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que cet ensemble de projets a été conçu dans un esprit plus politique que scientifique, et qu’une rationalisation de ces projets est nécessaire. En 1993, estimant que le nombre des élèves inscrits dans les écoles techniques officielles atteindra, en l’an 2002, les 25 000, le CDR a conçu un projet global, prévoyant pour l’an 2000 la création et l’équipement de 21 nouvelles écoles avec un coût général estimé au départ à 85 millions de dollars. En 1995, le même conseil a demandé à deux bureaux d’études locaux de lui proposer un plan de redressement pour l’enseignement technique et professionnel. Ce travail a défini les différents genres d’écoles à créer ou à réhabiliter, a précisé les lieux de leur implantation et la nature de leurs équipements, en fonction du nombre des élèves pouvant emprunter cette filière. Considérant que l’enseignement technique et professionnel officiel devra recevoir en l’an 2005, 72 000 élèves (contre 108 000 pour le secteur privé), les auteurs de cette étude ont proposé la création de 78 écoles réparties ainsi : 4 à Beyrouth, 24 au Mont-Liban, 20 au Nord, 18 au Sud et 12 dans la Békaa. Les deux bureaux d’études avaient fait leur calcul en considérant qu’en 1995 le Liban comptait 4 075 000 personnes et que ce chiffre atteindra les 4 778 875 en 2002. Les projets du METP Pour sa part, le ministère de l’Enseignement technique et professionnel n’a pas attendu que des projets lui soient proposés. En 1993, 1995 et 1996 il a pris l’initiative de préconiser la création d’un certain nombre d’écoles sans aucune coordination avec le CDR. Le premier projet, conçu en 1993, prévoyait la réhabilitation de l’école des sciences de la mer à Batroun et se proposait d’en créer une seconde à Sarafand au Sud, ainsi que 5 autres nouvelles écoles techniques, dans cinq chefs-lieux de régions. Il comptait en outre transformer 14 écoles secondaires en centres éducatifs polyvalents afin de pouvoir y créer des lycées techniques. Cette initiative du METP devait constituer un test qui aurait pu se généraliser ultérieurement dans le cas où il se serait révélé concluant. En 1995 et 1996, des décrets, prévoyant la création de 70 nouvelles écoles ont été adoptés en Conseil des ministres, sur proposition des différents ministres de l’époque. Au terme de ces décrets, une seule nouvelle école avait été prévue à Beyrouth, tandis que le Mont-Liban avait eu droit à 17, le Liban-Nord à 12, le Liban-Sud à 19 et la Békaa à 21. La grande majorité de ces écoles sont prévues dans des localités à faible densité démographique, ce qui compromettait, au point de départ, leur avenir, car le nombre insuffisant d’élèves du complémentaire, véritable vivier pour les écoles techniques, va certainement leur manquer. Ce n’est pas la seule remarque à faire concernant le choix des sites de ces écoles. Ainsi, on ne comprend pas les raisons qui ont poussé le METP à doter la Békaa de 21 nouvelles écoles techniques contre un total de 18 pour le Grand Beyrouth et le Mont-Liban. On sent trop dans ce choix le clientélisme politique et très peu le souci éducatif. Ces précédentes remarques ne sont qu’un échantillon révélateur d’un certain esprit porté sur l’ostentatoire toujours omniprésent dans le cercle des administrations : pour ranimer le secteur de l’enseignement technique, certains ont cru bon de le doper en proposant de le noyer sous un nombre impressionnant de nouvelles écoles qu’aucun critère de rentabilité ne justifie. Par ailleurs, dans le cas ou de telles propositions auraient abouti, l’administration allait vite découvrir que certains de ses choix étaient vraiment inadéquats. À ce moment, il ne lui sera plus possible de se rétracter en décidant par exemple la fermeture de telle ou telle école. Les localités concernées par de telles décisions risquent de très mal prendre la chose. Et ce qui n’était au point de départ qu’une simple bavure technique risque de se transformer en une affaire d’État. Budget et prêts L’enseignement technique et professionnel est peut-être actuellement un des secteurs pour lequel l’argent ne manque pas. En effet le CDR, au nom de l’État libanais, a signé trois importants accords avec la Caisse arabe pour le développement, la Banque islamique et l’Opep pour la construction et l’équipement d’un ensemble d’écoles. Sans pour autant oublier la part que ce secteur s’est toujours réservée dans les exercices budgétaires successifs. Dans le cadre du congrès des “Amis du Liban” qui s’est tenu à Washington en décembre 1996, le CDR a préparé un projet pour le développement de cet enseignement avec un coût total estimé à 400 millions de dollars. Mais ce qui est regrettable, c’est qu’au bout du compte toutes ces sommes décidées ou promises ne signifient aucunement qu’un plan général homogène et global a été élaboré. Les textes des décrets et les options retenues par les études du CDR ne mentionnent aucunement les raisons des choix retenus. Ce genre d’enseignement ne devant ses raisons d’être qu’aux services qu’il est censé rendre au marché du travail, on comprend mal qu’on puisse envisager son développement en dehors de ce critère. On ne peut encore que regretter que l’ensemble de ces projets, décidés, soit par le CDR, soit par le METP, soit complètement ignoré. Cet état de fait ne signifie pas seulement de l’argent dilapidé, mais aussi une carence certaine dans la gestion politique qui ne manquera pas d’avoir, le moment venu, des répercussions aux conséquences imprévisibles. Avant le déclenchement des hostilités dans le pays en 1975, la direction générale du ministère de l’Éducation, et plus particulièrement la direction de l’enseignement primaire avait mis au point un projet appelé à l’époque le “Rassemblement scolaire”. Ce projet consistait à créer de grands centres scolaires, d’abord primaires et ensuite complémentaires, en fonction de la densité démographique des localités et des régions. Il devait permettre la réduction du coût de l’enseignement et offrir une meilleure qualité des services rendus. Rien n’empêche qu’un tel projet soit appliqué à l’enseignement technique et professionnel. L’implantation d’une école performante ne peut être le résultat d’un caprice de politicien, c’est un luxe qu’un pays du tiers monde ne peut plus se permettre. Une école est la réponse à un besoin. Conçue différemment elle devient de la gabegie. Par ailleurs, notre pays ne pouvant se soustraire aux implacables lois de la mondialisation doit se repenser en fonction des marchés qu’il aura à desservir notamment en matière grise. La concurrence est acharnée et ce n’est pas en créant de façon arbitraire des écoles techniques qu’il sera capable de répondre aux besoins des marchés local et régional. Des écoles on en aura certainement besoin. Le Liban est trop petit pour tout ce nombre d’écoles. Et si elles sont prévues en fonction du marché régional, rien ne montre qu’elles ont été précédées d’une quelconque étude de ces marchés. Il est encore temps d’inverser la tendance : commencer d’abord par définir les priorités à desservir et décider ensuite du nombre et de la nature des écoles à créer.
Autour de l’enseignement technique et professionnel officiel, un consensus national s’est toujours dégagé. Mais, malgré cette unanimité, ce secteur reste l’enfant pauvre de l’Éducation. Pour s’en convaincre il suffit de savoir par exemple que le ministère de l’Enseignement technique et professionnel (METP), créé en 1992, n’a pas encore complété son cadre....