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Actualités - REPORTAGES

Perdus de vue ... Emilie Barakat : toute la ville a chanté avec elle !

Elle nous a longtemps fait chanter, la belle Émilie, applaudir, et puis sourire. Ses yeux pétillants et communicatifs ont éclairé le petit écran d’une étincelle pleine de vie, sa voix a réchauffé les ondes tous les matins. Elle trouvait la note juste, le public suivait. Et puis un jour, la musique s’est tue. La ville n’a plus chanté, mais Émilie a continué à parler une autre langue, ailleurs, sous d’autres cieux... On ne refait pas sa vie, elle continue...». Émilie Barakat trouve encore une fois la note, choisissant celle de la sincérité et de la nostalgie. Très vite, elle remplit la pièce de sa présence, de son regard vert mais plus bavard, de sa voix impatiente mais plus profonde. Les dates, elle les a oubliées, au profit des émotions, qui demeurent intactes. Sa mémoire fait battre son cœur, les mots semblent se bousculer. «Je suis rentrée à la télévision par la porte, comme tout le monde !» Le Canal 9, chaîne francophone, lui ouvre grand ses portes. À 17 ans, la jeune Émilie, de père libanais, de mère irlandaise, et ayant vécu son enfance en Suisse, réunissait des qualités assez rares ! Recrutée d’abord comme speakerine, elle animera très vite une émission pour enfants, «Jeux-dits» qui passait bien évidemment les jeudis après-midi. «Une émission où l’enfant était roi, et occupait presque toute la scène. Avec des conseils, des jeux en studio et des séquences tournées en extérieur». Après le monde des enfants qu’elle quitte pour une petite escale dans une émission de jeux, Émilie s’embarque dans l’aventure de «Toute la ville chante». Émilie fait chanter plus d’un... «Je me situe toujours avant, pendant ou après “Toute la ville chante”». 1971, Simon Asmar, jeune réalisateur plein de talent, trouve le concept. Une émission de divertissement, filmée en direct, avec un concours de chansons ouvert aux amateurs et un chanteur célèbre, de passage au Liban, président du jury pour un soir. Barbara, Aznavour, Bécaud et bien d’autres, ainsi que des débutants comme Bernard Sauvat ou Michel Jonasz feront partie des invités de marque. «Certains ont démarré leur carrière après leur passage dans l’émission. Le Liban leur a donné des ailes ! Mais c’est l’amour qui donne des ailes à Émilie. Elle se marie en 1974 et devient Madame Mobarak. Son premier enfant, Sacha, naîtra en 1979, suivi très vite par Timour. Nour se fera attendre jusqu’en 1985. Toute la ville chantera plus de dix ans, «jusqu’à ce que la ville ne chante plus... Ce sont les plus belles années de ma vie. J’avais la chance de me lever tous les matins et d’être emportée par la journée à venir. J’ai su apprécier le moment, au moment même». La radio entraîne Émilie dans une passion parallèle, presque complémentaire. Tous les matins, les Libanais se réveillent au son de ses «matinales», sur ORTF, un rendez-vous quotidien de deux heures qu’elle ne ratera jamais. Tout comme celui qu’elle donne à ses auditeurs le dimanche après-midi. J’aime le côté robe de chambre et bigoudis de la radio, où l’on ne cherche pas à montrer le plus beau profil de l’animateur ! C’est un travail plus profond, il faut y vendre une personnalité, faire passer beaucoup plus de soi-même». En 1981, le bruit persistant des obus couvre les applaudissements d’une ville qui n’a plus le cœur à chanter, Émilie préfère se taire et partir. «Nous avons passé sept ans en Égypte, dans un semi-coma, à attendre, comme beaucoup de Libanais, le moment de revenir». Une lourde attente, faite de défis quotidiens. Émilie enseigne le français au Cairo American College et soigne son fils Sacha, tombé gravement malade, à l’âge de cinq ans. Émilie mère-courage relève le défi, transite par Milan un an, avant de tourner les pages noires du passé pour des histoires plus belles où le hasard fait enfin bien les choses. La vie est une loterie Incroyable et pourtant vrai. En cette fin des années 80, Émilie, sans vraiment le savoir, joue sa vie dans une loterie ! Son frère, vivant aux USA, a l’idée – brillante – de la faire participer à la loterie annuelle organisée par le gouvernement américain, et qui offre à 50 000 personnes d’origine européenne la chance d’obtenir immédiatement une green-card. Le nom de Émilie Mobarak sera tiré, au hasard. La décision de s’embarquer pour le Nouveau Monde s’impose. «Mais pour avoir des ailes, il faut avoir ses racines. C’était un choix très douloureux, un véritable exil où il ne restait plus aucun témoin de notre passé. Et puis nous avions ce sentiment d’avoir trahi, claqué la porte, tiré sur l’ambulance». Washington devient une terre d’accueil «pour y continuer sa vie». Grâce à son amie Suzie Yazbeck, elle est introduite à la Banque mondiale où elle est recrutée dans la division de formation professionnelle des cadres. Elle divorce en 1994 et se remarie en 1996 avec David Craig, un Néo-Zélandais qui travaille également à la Banque mondiale. Aujourd’hui, les jours passés ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Une ombre légère dans les tableaux de Sacha, peintre bourré de talent qui poursuit ses études à l’Académie de Beaux-Arts de New York. Timour est étudiant en génétique, et Nour, 14 ans, achève ses études scolaires à Washington. Émilie s’occupe de la traduction des accords et des crédits de la Banque mondiale, distribuant et contrôlant le travail à plusieurs niveaux. Et surtout, elle se laisse vivre, avec des parenthèses libanaises nécessaires, pour pouvoir retrouver ses racines et les emporter avec elle, ces ailes qui lui permettent de mieux s’envoler vers l’avenir.
Elle nous a longtemps fait chanter, la belle Émilie, applaudir, et puis sourire. Ses yeux pétillants et communicatifs ont éclairé le petit écran d’une étincelle pleine de vie, sa voix a réchauffé les ondes tous les matins. Elle trouvait la note juste, le public suivait. Et puis un jour, la musique s’est tue. La ville n’a plus chanté, mais Émilie a continué à parler une autre...