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Actualités - REPORTAGES

Le Liban est entré dans l'ère de la grande distribution

«Mabrouk et bonne chance», Chaouki Bou Khalil, directeur commercial des hypermarchés et supermarchés du même nom, accueille avec fair-play l’arrivée d’un nouveau concurrent. Il faut dire que le secteur n’en est pas à son premier élargissement. Avant Monoprix, plusieurs enseignes ont déjà effectué leur entrée sur le marché libanais, en proie à de grands bouleversements. Dès la fin de la guerre – pendant laquelle l’éclatement du pays, l’absence d’infrastructures routières et l’incertitude économique rendaient impossible toute recomposition du paysage du commerce de détail –, les grandes manœuvres avaient débuté. Le Liban est entré dans l’ère de la grande distribution. Dans cette nouvelle bataille, une seule certitude prévaut : le consommateur sera le grand vainqueur. Les prix ont d’ailleurs déjà baissé, notamment depuis l’introduction l’année dernière d’un classement des points de vente les moins chers. Côté victimes, on compte déjà la chaîne française Écomax. Arrivés en force sur le marché en 1996 avec treize enseignes et un concept novateur pour le Liban, ces «hard discounters» ont dû plier bagage au début de l’année après plus de 15 millions de dollars de pertes. Erreurs d’appréciations, mauvaise estimation des besoins en parkings… la direction de Primistères Reynoird a vite tiré les leçons de cet échec, qui a toutefois eu le mérite de bouleverser les habitudes du secteur. L’introduction de produits sans marque était peut-être également précoce, si l’on se réfère aux évolutions intervenues ailleurs. Pour l’instant, la tendance au Liban est pour l’instant au gigantisme, aux économies d’échelle et les mètres carrés des nouvelles surfaces se comptent donc désormais par milliers. Spinney’s s’étale sur 6 300 m2 sur l’autoroute d’Antélias, Monoprix ouvre sur 4 000 m2 près de la Cité sportive, Bou Khalil qui disposait fin 1998 de 8 300 m2 de surface de vente et de réserves en est aujourd’hui à 24 200 m2 et compte atteindre les 52 000 m2 à la fin de l’année avec l’ouverture de nouveaux centres... Économies d’échelle Une vieille photo noir et blanc de la petite épicerie familiale établie en 1935 à Baabda pend au mur du bureau de Chaouki Bou Khalil, dans l’hypermarché – centre commercial de Hazmieh. L’ex-président du syndicat des propritéraires de supermarchés et actuel vice-président de l’organisation, sait bien que les méthodes de travail traditionnelles, comme la photo, doivent être classées au rang des souvenirs. «Pendant toute la guerre, nous avons étudié l’évolution du marché européen, en particulier français, pour nous préparer», explique-t-il. «Je n’ai cessé de mettre en garde, mes collègues : il faut évoluer», poursuit-il, citant Carrefour, Auchan et autres groupes de renommée internationale qui ont fait tant de mal aux petits commerces. Service de proximité contre prix compétitifs, choix étendu… les enjeux de la bataille sont connus. Abela’s, situé en plein cœur d’Achrafieh, semble avoir misé sur les deux à la fois, contrairement aux centres commerciaux installés sur de grands axes à proximité de la capitale. Mais la direction du magasin a refusé de parler chiffres ou stratégie commerciale. Même fin de non recevoir chez Embassy, le petit voisin de la grande surface qui verra bientôt arriver un nouveau concurrent près de la place Sassine, sous l’enseigne Saint-Élie. Pour Marc Tabourian, actionnaire majoritaire de Master Mall, un supermarché racheté par dix associés arméniens à Bourj Hammoud, il existe encore une place pour des structures telles que la sienne, qui a rouvert il y a une dizaine de jours. Il dispose certes de deux mille mètres carrés sur un étage, d’une vingtaine de milliers de produits, d’une cinquantaine d’employés, de plus de 200 places de parking. Les rayonnages et l’éclairage ont été améliorés, de nouveaux services introduits, le système informatique rénové… mais le concept du supermarché demeure. Nouvelles méthodes Là, c’est le quartier – ses artisans bijoutiers, son électroménager – qui fait office de centre commercial, explique-t-il en substance. «On ne cherche pas comme Spinney’s par exemple à attirer une clientèle à plusieurs kilomètres à la ronde». L’emplacement stratégique ne suffit quand même pas et le nouveau groupe a confié la direction de l’établissement à un professionnel : Sami Abou Jaoudé, chargé de remplir les objectifs de sept à dix millions de dollars de chiffre d’affaires. Dans une logique plus globale, la course est engagée entre les groupes dominants pour le partage du marché. Multiplier les enseignes pour se constituer en chaîne est le premier axe de développement. Spinney’s a ainsi annoncé son extension dans une dizaine de points de vente dans le pays. Bou Khalil, qui a placé 25 % de son capital à la Bourse de Beyrouth pour financer sa croissance, s’installe en septembre à Tripoli et en décembre à Ras Beyrouth-Koraïtem. Un cash & carry, où l’on pourra s’approvisionner en gros, ouvrira aussi au-dessus du nouvel entrepôt centralisé de la chaîne en formation, à Hadeth. L’année prochaine, deux autres centres sont prévus à Khaldé et dans le secteur du Musée. «Dans ce métier, on ne peut survivre sans expansion horizontale», résume M. Bou Khalil. Son groupe, qui a investi dans un système informatique perfectionné, un parc propre de camions… mise sur une complémentarité entre ses surfaces alimentaires et des espaces réservés à des commerces divers, soigneusement sélectionnés. Le projet de Tripoli, par exemple, inclut 4 000 m2 d’hypermarché et 12 000 m2 de centre commercial. Monoprix joue de son côté la complémentarité avec le BHV. En tout état de cause, pas une surface n’omet de proposer un coin restauration. Le retour du britannique Spinney’s, après 23 ans d’absence, a aussi sonné l’heure des nouvelles méthodes de marketing. Grandes affiches pour annoncer des promotions devant l’hypermarché d’Antélias, réductions en tout genre… les techniques de ventes commencent à s’affiner. Le BHV se dit satisfait de son opération «6 jours», à la manière de ce qu’organise l’enseigne en France. Quant à Bou Khalil, la fidélisation est selon lui le maître mot. Une carte privilège appelée à devenir une carte de paiement a ainsi été lancée. Le consommateur peut d’ores et déjà se frotter les mains : tous les moyens seront bons pour le séduire. D’où la nécessité de faire évoluer la réglementation, dépassée, comme souvent, par les transformations économiques. Des garanties concernant l’hygiène, le respect de la chaîne du froid, l’étiquetage, les promotions… voilà encore un chantier en vue pour le ministère de l’Économie.
«Mabrouk et bonne chance», Chaouki Bou Khalil, directeur commercial des hypermarchés et supermarchés du même nom, accueille avec fair-play l’arrivée d’un nouveau concurrent. Il faut dire que le secteur n’en est pas à son premier élargissement. Avant Monoprix, plusieurs enseignes ont déjà effectué leur entrée sur le marché libanais, en proie à de grands bouleversements. Dès la...