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Actualités - ANALYSE

Désenclavez Jezzine

Occupée pendant 17 ans, Jezzine a retrouvé sa liberté après le retrait humiliant de l’ALS et la reddition des miliciens pro-israéliens. Mais cette liberté n’est pas totale. Et elle ne le sera pas tant que l’État n’aura pas fait ce qu’il faut pour prouver que les événements dramatiques des derniers jours n’étaient pas une simple promotion de statut de ville otage à celui de no man’s land. Jezzine est effectivement libérée…du péché que constituait la pseudo-protection que prétendait lui assurer Israël. Les miliciens l’ont quittée honteusement, la nuit, par des routes percées à la hâte et sous les coups de boutoirs de la Résistance. Il s’agissait plus d’une débâcle que d’un retrait. Mais Jezzine reste enclavée. Et c’est seulement lorsqu’elle cessera de l’être qu’elle pourra savourer le goût de la liberté. En allant à Jezzine, on a l’impression de pénétrer dans un îlot. Le filtrage des voitures par l’armée, établi pour rassurer les habitants angoissés, entrave la libre circulation des biens et des individus à l’intérieur de leur propre pays. L’allègement des mesures de sécurité aux passages de Kfarfalous et de Bater est impératif pour permettre le brassage des populations et la normalisation des déplacements entre Jezzine et Saïda et entre Jezzine et le Chouf. La simplification du dispositif de filtrage est également nécessaire pour permettre à toute une génération de Libanais, qui n’a jamais mis les pieds à Jezzine, d’aller à la rencontre d’une partie de leur pays séquestrée durant presque deux décennies. La liberté de Jezzine restera aussi incomplète tant que la cité n’aura pas retrouvé son rôle sur l’échiquier politique interne. Si la ville est réellement revenue dans le giron de l’État, elle devrait pouvoir élire ses conseils municipaux et ses moukhtars. Le gouvernement doit envisager, dès à présent, l’organisation d’élections partielles, après avoir évidemment fait le nécessaire pour éradiquer les réminiscences de l’influence israélienne dans la région. La liberté de Jezzine ne sera totale, enfin, que si nous savons tirer les leçons des récents développements. Par-delà le ton triomphaliste des médias du Hezbollah qui campe dans la ville, les angoisses de la population qui s’interroge sur son sort et la récupération politique que tentent d’effectuer certains notables, il y a sûrement des enseignements enrichissants à tirer. La détermination à ne pas céder face à Israël est sans doute la leçon la plus pertinente. Certes, Jezzine n’est pas d’une importance militaire stratégique pour l’État hébreu. Mais son évacuation porte quand même un coup fatal au moral de la milice, créée, armée et financée par Israël pour servir de sacs de sable à ses soldats. Après avoir renoncé, au milieu des années 80, à établir une influence politique au Liban (notamment à travers l’instauration d’un régime qui ne lui soit pas hostile), Tel-Aviv s’était rabattu sur un projet beaucoup moins ambitieux : former une milice libanaise qui lui servirait de rempart. Mais voilà que ce rempart s’effondre. La Résistance a porté ses fruits. Deuxième leçon : Israël abandonne ses alliés. Ceux qui espéraient encore que l’État hébreu pourrait leur fournir une quelconque assistance ont été une fois de plus déçus. Rares, en effet, sont ceux qui ont collaboré avec Israël et qui ont pu recueillir les dividendes du choix qu’ils ont fait. Troisième leçon (elle concerne Israël) : en empêchant l’ALS de se retirer dignement, en harcelant ses troupes en fuite, en détruisant ses blindés qui évacuaient Jezzine, la Syrie (par le biais du Hezbollah) a donné un avant-goût de ce que signifierait pour l’État hébreu un éventuel retrait unilatéral du Liban-Sud. Si les Israéliens avaient encore des doutes sur l’attitude de Damas en cas de retrait unilatéral de leurs troupes, ils sont maintenant fixés. Cela ne fait que renforcer la conviction des travaillistes que toute évacuation du Liban-Sud doit se faire dans le cadre de négociations avec les Syriens qui porteraient aussi sur le sort du Golan. Quatrième leçon : l’affaire de Jezzine devrait permettre à l’État libanais de définir avec précision les marges à l’intérieur desquelles il peut se mouvoir, sans craindre de contrevenir aux contraintes de la concomitance des volets libanais et syrien. Aujourd’hui Jezzine, demain Marjeyoun… La détermination a porté ses fruits. Celle des habitants et celle des résistants. Ceux qui sont restés sur leur terre en dépit des privations, de la souffrance, de l’angoisse et des suspicions dont ils faisaient l’objet ont autant de mérite que ceux qui sont tombés au combat.
Occupée pendant 17 ans, Jezzine a retrouvé sa liberté après le retrait humiliant de l’ALS et la reddition des miliciens pro-israéliens. Mais cette liberté n’est pas totale. Et elle ne le sera pas tant que l’État n’aura pas fait ce qu’il faut pour prouver que les événements dramatiques des derniers jours n’étaient pas une simple promotion de statut de ville otage...