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Actualités - REPORTAGES

Privatisations - Débat ouvert sur l'avenir de certains organismes étatiques Faut-il vendre les services publics ou confier leur gestion au secteur privé ? (photos)

Après la loi de finance, c’est la question des privatisations qui revient sur la sellette. Les dernières semaines ont été marquées par des tiraillements entre l’Exécutif et le Législatif au sujet de l’avenir de certaines institutions publiques, que d’aucuns souhaitent voir passer aux mains du privé, croyant ainsi assurer quelques rentrées pour les caisses de l’État. Cependant, beaucoup de confusion entoure la notion même de privatisation. S’agit-il de privatiser l’institution publique dans sa totalité, en vendant ses actifs, ou simplement d’en «privatiser la gestion», ce qui signifie que l’État continuerait de posséder ces entités après en avoir confié la gestion à des entreprises privées ? Le débat sur ce plan est ouvert. «Dès le début, soutient M. Élie Yachou’i, analyste économique, l’équipe actuelle a cherché, par le biais de la privatisation, à amortir la dette publique au moyen d’une cession totale d’actifs de certains services publics au secteur privé». Cependant, la question principale qui doit être soulevée, dit-il, est de savoir si les recettes espérées sont véritablement en mesure de réduire le montant de la dette publique ? Pour cet économiste, la vente ne pourra servir qu’à couvrir une partie du service de la dette, ce qui est largement insuffisant par rapport aux pertes (ou au manque à gagner) subies par l’État en cas de privatisation totale, en raison du fait que le Trésor ne pourrait plus bénéficier des rentrées régulières de ces services. M. Yachou’i estime que le déficit public n’est pas principalement dû à la seule défaillance des entreprises étatiques. «Ce déficit est fondamentalement une conséquence des carences des politiques administrative, monétaire et fiscale», d’où l’importance de la mise en place d’un plan quinquennal réaliste et (en partie) réalisable ainsi que d’un programme de réajustement structurel qui s’attaquerait à toutes les dimensions du problème. Une réalité qui semble désormais acquise par la majorité des économistes et experts financiers. Le pouvoir de décision Pour M. Yachou’i, la solution serait plutôt de confier uniquement la gestion ou l’exploitation des services à des sociétés privées. En effet, si la privatisation a pour objectif, entre autres, d’améliorer la performance économique, pourquoi abandonner des services qui, une fois bien gérés selon des méthodes modernes et efficaces, pourraient assurer des rentrées substantielles et régulières à l’État ? Ce type de privatisation permettrait à l’État de garder un contrôle sur les systèmes de tarification différenciés «dont le but, relève M. Yachou’i, est d’encourager la production nationale et d’aider les catégories sociales les moins favorisées». Ainsi, note l’analyste économique, l’État garderait le pouvoir de décision en ce qui concerne les tarifs à appliquer au niveau de l’électricité ou du téléphone, à titre d’exemple, en décidant des tarifs spéciaux pour favoriser une catégorie de la population (habitants du Sud) ou encore pour stimuler certains secteurs de la production nationale. «Les sociétés privées ne peuvent pas être sensibles à ce genre de considérations d’ordre national», note Élie Yachou’i. Il convient également, dans ce cadre, de s’interroger sur l’éventuel contrôle que l’État exercerait sur les entreprises, au cas où elles seraient entièrement privatisées. Ce contrôle serait-il suffisamment efficace pour garantir l’intérêt des contribuables et des entrepreneurs ? «Au Liban, répond Élie Yachou’i, le risque de voir les forces du marché (représentées par les grandes entités économiques) dévorer la puissance de l’État est très grand. De fait, la concentration très élevée de l’épargne dans une économie limitée (telle que l’économie libanaise) favorisera les grandes concentrations économiques et, avec elles, les grandes oligarchies financières et les grands pouvoirs privés». Réformer par la gestion Quant aux objectifs secondaires attendus par l’État, à savoir celui de se débarrasser du fardeau causé par une administration improductive et un surplus d’effectifs coûteux, il n’est pas besoin de privatiser l’ensemble des services pour atteindre ce but, dit Élie Yachou’i. Car, il suffit d’appliquer les principes de base de gestion moderne – telles que «la gestion de la qualité totale» (GQT), «la direction par objectif» (DPO), «la formation du personnel, la responsabilisation au travail, l’esprit d’équipe, l’incitation à la productivité» (bref tous les principes qu’une gestion privée saura immédiatement mettre en place) – pour «réformer le système», avance l’économiste. Et M. Yachou’i de recommander pour nos entités économiques publiques la forme de privatisation la plus légère, mieux adaptée, dit-il, que celle se basant sur la concession, le BOT, ou les cessions partielles ou totales. C’est en faveur de «la privatisation de l’exploitation pour une période de sept ans et dans le cas des seules entreprises perdantes» que plaide l’économiste, convaincu que, par ce moyen, l’État pourrait améliorer les performances et les résultats de ces institutions tout en gardant tous les avantages de leur statut public. «La rémunération des sociétés de gestion sera fonction du bénéfice réalisé, explique Élie Yachou’i. L’État continuera à payer les frais d’exploitation et les investissements. C’est la meilleure façon d’introduire dans le public les techniques modernes de gestion du privé». Définir le concept Quant au débat qui est apparu récemment entre l’Exécutif et le Législatif sur cette question, il semble moins porter sur le fond de la question des privatisations que sur la forme. En d’autres termes, les discussions portent aujourd’hui beaucoup plus sur les entreprises à privatiser que sur la forme choisie de cette privatisation, d’où la solution du «cas par cas» avancée par le président de la Chambre. Cependant, il est peut-être plus urgent de définir le concept même de privatisation avant de débattre du cadre juridique à adopter. Pour M. Kamal Hamdane, économiste, il existe effectivement une confusion autour de cette question, du moins pour certains. Cette confusion serait en partie due au fait que l’équipe gouvernementale n’a pas encore décidé quelle forme de privatisation adopter et pour quelle entité publique, «cela pouvant aller d’une simple privatisation de gestion jusqu’à la privatisation totale. Il n’existe pas encore de position unifiée à ce sujet», ajoute M. Hamdane qui manifeste également une nette préférence pour la privatisation de la gestion uniquement. Le débat est, en tout état de cause, ouvert. Les décisions tardent cependant à venir tant il est vrai que cette question de privatisation, à l’instar de l’ensemble de la politique économique du gouvernement actuel, est délicate puisqu’elle devra marquer un revirement fondamental par rapport au passé. De plus, en l’absence de données chiffrées sérieuses, comme par exemple l’évaluation du «prix» de certaines de ces entreprises publiques, il semble difficile pour la nouvelle équipe au pouvoir de trancher aussi rapidement Certaines sociétés n’ont même pas de bilan, ajoute Kamal Hamdane, ce qui risque de retarder encore plus la prise de décision. Toutefois, le gouvernement ne pourra plus bénéficier pendant très longtemps de «circonstances atténuantes», tant la situation est devenue critique. S’il est vrai que l’erreur dans les choix économiques n’est plus tolérée aujourd’hui, il est aussi vrai que trop de lenteur dans les délibérations risque également de porter préjudice à la crédibilité du gouvernement.
Après la loi de finance, c’est la question des privatisations qui revient sur la sellette. Les dernières semaines ont été marquées par des tiraillements entre l’Exécutif et le Législatif au sujet de l’avenir de certaines institutions publiques, que d’aucuns souhaitent voir passer aux mains du privé, croyant ainsi assurer quelques rentrées pour les caisses de l’État....