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Actualités - ANALYSE

Administration - La révolution est en cours La décentralisation au printemps

Le «printemps au printemps», comme le promettait à ses débuts M. Rafic Hariri ? Peut-être pas. Mais une révolution dans la révolution en cours : la mise en œuvre dès le printemps prochain de cette décentralisation administrative décidée à Taëf il y a dix bonnes années et restée lettre morte. C’est du moins ce qu’annonce le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, qui, on le sait, a récupéré dans le présent Cabinet le portefeuille des affaires municipales. Il précise que le projet sera prêt en mars et transmis aussitôt, après approbation par le Conseil des ministres, à la Chambre des députés pour qu’elle en connaisse durant sa session ordinaire du printemps qui va jusqu’à fin juin. M. Murr, qui avait eu l’élégance de défendre le précédent régime dans la période transitoire précédant l’entrée en fonctions du président Lahoud, se montre maintenant un peu moins prévenant à l’égard d’un passé dont il était lui-même l’une des figures de proue. Ainsi, il affirme que la décentralisation administrative, gardée pendant des années au frigo, devient enfin réalisable parce que «nous avons maintenant un président de la République fort et propre, ainsi qu’un chef de gouvernement plein de science et de probité». Ce qui laisse assez clairement entendre que les anciens présidents, dont il était naguère l’ami, n’étaient pas à la hauteur. À part les jugements de valeur qu’il exprime, M. Murr prend un engagement ferme : «La décentralisation administrative, dit-il, sera appliquée dans les meilleurs délais et constituera une grande réalisation du régime». Mais nombre de politiciens estiment que c’est là faire preuve de trop d’optimisme. Ils rappellent que ce sont de sérieuses considérations politiques, bien plus que la faiblesse imputée par M. Murr à l’ancien pouvoir, qui ont entravé la mise en place de ce volet essentiel de la réforme. En effet, la décentralisation, comme son nom l’indique parfaitement, signifie que le poids de l’administration se déplace en termes d’influence de Beyrouth en province et se disloque beaucoup. Il y aurait de ce fait beaucoup de cas d’empiètement de prérogatives entre les ministères ou départements installés dans la capitale et les «branches» dans les régions. La liste des formalités que les provinciaux pourraient accomplir sans avoir à gagner Beyrouth, ainsi que la liste des services publics qui seraient autorisés à trancher sans en référer à l’administration centrale ne sont pas faciles à établir. Parce qu’elles posent des problèmes de financement, de partage des ressources aussi, et d’effectifs. Car si des fonctionnaires on peut en trouver à la pelle, par contre, les qualifications nécessaires ne courent pas les rues. Et encore moins la campagne. Projet coûteux Ces mêmes politiciens soulignent ensuite combien il est difficile d’appliquer la seule solution que le bon sens puisse recommander : une décentralisation et une déconcentration relativisées en fonction des possibilités effectives en matière de personnel qualifié et de fonds. Car il est évident que le projet sera extrêmement coûteux puisqu’il faudra louer ou acheter des bureaux, les doter d’équipements divers et démultiplier les salaires. Sans compter qu’il faudra aussi décentraliser les organismes de contrôle, sans quoi les services de province s’en donneraient à cœur joie dans l’absentéisme, les pots-de-vin et autres joyeusetés bureaucratiques. Autre source de dépenses et de litiges de prérogatives : la décentralisation implique comme on sait la création de fédérations municipales et de conseils régionaux élus. Se pose également la question, vis-à-vis de la loi et des règlements, de la responsabilité : si le citoyen devait être mal servi, comment y remédierait-on. Cependant, des loyalistes estiment que, dans un petit pays comme le Liban, il ne serait pas vraiment besoin d’installer toutes les administrations de l’État sans exception en province, mais seulement celles auxquelles les citoyens s’adressent le plus fréquemment et, bien sûr, celles dont la vocation est plus rurale qu’urbaine, comme l’agriculture ou la richesse animale. Reste que pour lier la sauce d’une façon cohérente, il faut évidemment un pouvoir central fort, car selon M. Murr il n’y aurait pas d’autorité hiérarchique du centre administratif par rapport aux branches de province. Il faut donc que l’autorité politique assure elle-même la cohésion de l’ensemble. Cela semble entrer dans les possibilités du présent régime. Mais cela pourrait bien ne plus être le cas sous le prochain sexennat.
Le «printemps au printemps», comme le promettait à ses débuts M. Rafic Hariri ? Peut-être pas. Mais une révolution dans la révolution en cours : la mise en œuvre dès le printemps prochain de cette décentralisation administrative décidée à Taëf il y a dix bonnes années et restée lettre morte. C’est du moins ce qu’annonce le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr,...