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Actualités - REPORTAGES

Société - Au service de la France et du Liban François Abi Saab, diplomate sans frontières (photos)

Il est de ces personnages de la scène publique qui laissent, après leur départ vers d’autres cieux, un grand vide. Non pas tant à cause des fonctions ou des tâches – pourtant bien difficiles souvent – dont ils se sont acquittées, ou encore de réalisations qui leur ont valu reconnaissance et estime, mais surtout à cause d’une certaine présence, d’un charisme irrésistible. François Abi Saab fait partie de ces gens-là. Attaché de presse près l’ambassade de France au Liban, chef du protocole, il a réussi à cumuler avec bonheur ces deux fonctions importantes. Par-delà ses compétences, François Abi Saab est connu pour un sens aigu de l’humour et un grand cœur qui lui a valu l’affection de tous ceux qui l’ont connu. Le diplomate a sû faire preuve, dans l’exercice de ses questions, de gentillesse et de modestie, affirment en chœur journalistes et politiciens qui l’ont côtoyé. Des caractéristiques, ô combien appréciables dans un Orient où le pouvoir est souvent synonyme d’arrogance et de fatuité. Servant de «messager» entre l’ambassade et les représentants de la société politique et civile libanaise, François Abi Saab a d’autant plus réussi dans sa tâche qu’il a toujours su demeurer à égale distance des événements et des parties en présence. «J’ai toujours considéré que j’avais une mission, dit-il, que je devais l’assumer : celle de servir la France au Liban, en toute conscience, mais aussi d’essayer d’aider le Liban à travers la France». Pour lui, il n’y a jamais eu de conflits d’intérêts entre les deux pays, car dit-il, «tout ce que la France a fait pour le Liban était désintéressé. J’étais bien placé pour connaître la sensibilité libanaise et comprendre d’autre part l’objectif de la France». Affichant en permanence un sourire désarmant, il aura réussi à jeter des ponts, même avec les plus irréductibles, et ce malgré les accusations de certains qui ont cru déceler chez lui une inféodation quelconque. «J’ai toujours refusé de croire qu’il y avait des lignes de démarcation», commente M. Abi Saab, qui dit s’être toujours rallié à la position de la France, favorable à «un Liban uni». François Abi Saab avait une connaissance remarquable de l’échiquier politique et social libanais, ainsi que des subtilités du monde diplomatique français. Ayant servi de courroie de transmission entre les ambassadeurs successifs d’une part, la caste politique et religieuse libanaise d’autre part, il a su traduire les nuances de la mosaïque communautaire et familiale, interpréter les contradictions et prodiguer ses conseils dans les moments les plus difficiles. Son apprentissage des us et coutumes du pays des cèdres et de son histoire, il l’a commencé très tôt, d’abord par le biais de son père qui avait servi à l’ambassade, ensuite dès les premiers jours de sa prise de fonctions, c’est-à-dire à l’âge de 18 ans. Le diplomate se souvient aujourd’hui d’un épisode particulièrement enrichissant, lorsque, en 1968, il a eu la chance unique de travailler avec Mme Victoire Duval, qui était à l’époque conservateur des archives diplomatiques. «Pendant six mois, raconte-t-il, je veillais avec cette dame jusqu’à une heure tardive de la nuit, à relire et à classer les rapports, notes et documents concernant le Liban. J’étais surtout impressionné par les signatures du général De Gaulle, du général Weygand et de tous ceux qui ont façonné la politique au Liban à l’époque du Mandat et après l’Indépendance», dit-il. Témoin des grandes crises qui ont secoué la France et le Liban, François Abi Saab se remémore des moments tragiques : l’enlèvement de Marcel Carton, l’assassinat de l’ambassadeur Delamare, la guerre interchrétienne, l’agression israélienne d’avril 1996. Il s’en souvient, bien sûr, mais refuse d’en parler, tenu par le devoir de réserve que lui impose sa fonction. C’est d’ailleurs à la suite de cette attaque que le ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, a recommandé sa promotion. Il est alors nommé au Quai d’Orsay, à la direction de la presse, de l’information et de la communication. Si la transparence a toujours été son maître-mot et la franchise une doctrine à laquelle il n’a cessé d’être fidèle, Abi Saab sait garder le secret dès lors que les circonstances l’exigent. L’attaché de presse qu’il était aura joué son rôle avec l’intelligence et la subtilité nécessaires à sa fonction. «À l’ambassade, j’étais tenu par un langage que je devais respecter, confie-t-il. Les journalistes l’ont compris bien vite». Mais dès lors qu’il pouvait parler, c’était un langage franc et direct qu’il tenait à ses interlocuteurs «quitte à être parfois brutal». «Il y avait une confiance certaine qui me liait aux journalistes, affirme-t-il. J’arrivais toujours à les convaincre de ma transparence». Son secret, c’est qu’il est «très près des gens», foncièrement bon. «J’ai toujours été profondément touché par l’accueil chaleureux des personnes que j’ai abordées durant mes trente années de fonction. Je crois que c’est dû au fait que je réagis avec mon cœur», dit ce chef de protocole, dont la seule règle est l’altruisme. François Abi Saab aime autant les gens que son métier. «Je dois cela à ma marraine, Mme Simone Catoni, qui m’a appris à être à l’écoute de mon cœur. Je crois que les gens sont sensibles à cela», dit-il avec un air jovial et une bonhomie qui détonne de la part d’un diplomate chevronné. Il suffit pour s’en rendre compte de voir combien sont nombreux ceux qui, aujourd’hui, commencent seulement à réaliser l’importance de la place qu’occupait François Abi Saab sur la scène libanaise.
Il est de ces personnages de la scène publique qui laissent, après leur départ vers d’autres cieux, un grand vide. Non pas tant à cause des fonctions ou des tâches – pourtant bien difficiles souvent – dont ils se sont acquittées, ou encore de réalisations qui leur ont valu reconnaissance et estime, mais surtout à cause d’une certaine présence, d’un charisme...