Egypte : la diffusion télévisée de l'émigré annulée sur intervention d'un avocat islamiste

LE CAIRE, 25 Mai (AFP). — La télévision égyptienne a décidé dimanche d’annuler la diffusion le soir même du film «L’Emigré» après l’intervention d’un avocat islamiste qui a affirmé que la projection du film était interdite en Egypte par décision de la justice, a-t-on appris auprès de la télévision.
La présidente de la télévision, Mme Soheir al-Etreiby, a pris cette décision après que l’avocat islamiste Mahmoud Aboul Faid se fut rendu au bâtiment de la télévision pour présenter une copie du verdict interdisant le film, a-t-on ajouté de même source.
Interdit en décembre 1994, autorisé de nouveau en mars 1995, le film a connu une longue saga judiciaire qui s’est achevée fin mai 1996 par un jugement interprété contradictoirement par ses partisans ou ses adversaires.
Mme Etreiby a décidé de déférer l’affaire au département juridique de la télévision afin d’établir si les documents présentés par l’avocat islamiste sont définitifs ou révocables.
«Si le verdict est irrévocable le film ne sera pas diffusé, mais s’il est révocable, Mme Etreiby le projettera sur le petit écran», a ajouté la source.
Le film devait être diffusé à 01h00 locale, horaire légèrement décalé des heures de diffusion habituelles.
Selon la même source, le réalisateur Youssef Chahine s’était présenté dimanche après-midi à la télévision et avait offert une copie de son film ainsi qu’une copie du verdict, affirmant que ce texte légalisait sa diffusion.
Cette diffusion devait constituer un hommage au cinéaste récemment primé au festival de Cannes. La télévision avait montré une bande-annonce du film avec un texte en surimpression disant: «Notre soirée avec le film «L’Emigré» de Youssef Chahine».
«Pour nous, c’est une consolation», avait expliqué M. Gabriel Khoury, le directeur de la compagnie cinématographique de Youssef Chahine, Misr International.
Accusé de personnifier le prophète Joseph dont il raconte l’histoire, le film était devenu après sa sortie en salle la cible des islamistes mais aussi de coptes intégristes lui reprochant de dénaturer des faits relatés par la Bible. Le scénario avait pourtant été modifié au préalable sur recommandation d’Al-Azhar, principale autorité de l’islam sunnite.
«Le film n’a pas été interdit puisque le dernier jugement en date renvoie au premier jugement qui avait ensuite été annulé» a assuré M. Khoury.