Tennis Roland Garros : toutes les spéculations sont permises

ROLAND-GARROS — Marie-Claude ACRA
Rarement le tournoi de Roland-Garros qui débute ce matin fut aussi ouvert. A la vue du tableau des précédentes éditions, plusieurs joueurs se présentaient comme vainqueurs potentiels, si ce n’est un joueur largement favori à l’instar de Thomas Muster en 1995. Cette année au contraire, toutes les spéculations sont permises. Les cotes des joueurs auprès des bookmakers anglais doivent être certainement très serrées, et miser sur l’un ou l’autre des joueurs présents à Paris relèverait plutôt des jeux du hasard.
En effet à lecture du tableau, aucun nom ne se dégage clairement du lot. Dans cette partie de poker, plusieurs cartes sont déjà à éliminer car avant même le tirage au sort, les blessures avaient fait des ravages parmi les joueurs, ce qui avait conduit aux absences de Todd Martin, Malivaï Washington et Boris Becker qui voit encore ses rêves de remporter son premier Roland-Garros s’envoler.
Après le tirage au sort, c’est Michael Stich qui, après une succession de «oui» et de «non», s’est finalement résolu à déclarer forfait à cause de ses problèmes d’épaule.
Sans parler d’André Agassi dont la grande photo affichée sur la route menant à Roland-Garros le représente près d’une étoile brillante... et qui, faute de briller sur les courts ces temps-ci, brille plutôt par... son absence à Paris et au niveau de ses résultats tennistiques.
Alors sur qui miser sans trop de risques?
Commençons par le numéro un mondial Pete Sampras, noblesse oblige.
L’Américain, après un petit passage à l’infirmerie à Düsseldorf (encore!) où il avait renoncé à poursuivre sa participation à la World Team Cup pour préserver ses chances à Paris, se déclare prêt et ne s’estime pas selon ses propos moins bien préparé que l’année dernière où il avait atteint les demi-finales. Ce qui est de bon augure pour le leader du tennis mondial qui avait montré en 1996, lorsqu’il s’était présenté diminué et affecté moralement par le décès de son coach Tim Gullikson, qu’il savait se battre dans les moments difficiles même contre lui-même. Pour lui qui a déjà tout prouvé en s’imposant dans tous les autres tournois du Grand Chelem, gagner enfin Roland-Garros le ferait entrer dans la légende.
Pour son entrée dans le tournoi, il sera opposé d’office au Français Fabrice Santoro qui se présente comme le porteur des espoirs français. En net regain de forme, il a battu récemment les meilleurs spécialistes de la terre battue dont Thomas Muster. Il aura à cœur de bien faire devant son public.
Yevgeny Kafelnikov, vainqueur ici même l’an dernier, peut espérer rééditer son exploit. Avant de pouvoir espérer rencontrer Sampras en demi-finales, il devra passer le cap Thomas Muster en quarts de finale, ce qui ne sera pas chose aisée.
Quant à Muster lui-même, après s’être présenté ici les années précédentes en conquérant et terreur des courts, cette année, c’est plutôt le passage du désert. Jamais il n’était apparu tellement à court de forme sans aucune victoire sur terre battue et après des éliminations prématurées dans les tournois sur terre battue, sa surface de prédilection. Le seul atout qu’il aura sera sa fraîcheur physique, mais si l’on connaît la résistance et la force physique de l’Autrichien, ce n’est pas vraiment un gros avantage. Mais vu la détermination et la force de volonté qu’on lui connaît, et dont il fait preuve à toutes les occasions, on peut estimer qu’il est toujours aussi dangereux que d’habitude.
Au chapitre des anciens vainqueurs de Roland-Garros, Michael Chang figure encore au trop du palmarès. Toujours discret mais présent, il est de nouveau au sommet du tennis mondial, et pourrait bien s’imposer huit ans après sa victoire ici même.
Pour lui barrer le chemin, Marcelo Rios, qui ne fait que progresser et qui figure parmi les meilleurs mondiaux et surtout spécialistes de la terre battue. Ses quatre victoires en tournoi, il les a obtenues sur terre battue! Un Chilien vainqueur à Roland-Garros?
Goran Ivanisevic, lui, se dit bien dans sa tête. Et lorsque l’on sait que c’est la tête qui fait et défait tout chez le Croate, on se dit que son heure est peut-être venue. Très doué, talentueux, c’est à son mental, ses sautes d’humeur et son manque de concentration qu’on peut attribuer son manque de résultat dans les grands tournois. Assagi, plus calme et résonné, Goran a tous les atouts de son côté et a une belle carte à jouer cette année. Miser sur lui serait assez judicieux.
Les Espagnols sont toujours bien représentés à Paris mais la nationalité étant une constante, ce sont les individualités qui ont changé. A l’instar de Sergui Bruguera et Alberto Berasategui dans le passé, ce sont Alex Corretja ou Carlos Moya tous deux dans le top ten mondial qui ont toutes les chances de briller ici et d’être couronnés à Paris. Réguliers, évoluant sur leur surface, ce ne sera pas une surprise que de voir l’un d’eux s’imposer ici. Avec Felix Mantilla, Alberto Costa et les toujours présents Bruguera et Berasategui, l’armada espagnole est bien parée.
A côté de Richard Krajicek ou Andreï Medvedev qui viennent compléter un tableau européen déjà bien fourni, Tim Henman, le nouveau porte-flambeau du tennis britannique classé 17e mondial et médaillé à Atlanta, fera certainement parler de lui pour refaire vivre un tennis anglais longtemps tombé dans les oubliettes.

Graf, Hingis ou Pierce?

Chez les dames, le parallèle avec les hommes ne se fera qu’au niveau de la condition physique. Car chez ces dames la santé n’est pas florissante aussi...
Le tennis féminin ne présente jamais des enjeux très ouverts. Les noms des favorites se détachent souvent pour tirer des conclusions plutôt sans surprise.
Arantxa Sanchez n’est plus ce qu’elle était quand elle se présentait aux internationaux de France. A court de bons résultats, tombée au 6e rang du classement mondial, elle ne doit toutefois pas être exclue de la course au titre; car avec la combativité qu’on lui connaît, elle est capable de tout. Autre avantage, la condition physique dont elle bénéficie et qui fait défaut actuellement aux numéro un et deux mondiales.
Toutes deux revenant de blessure, Martina Hingis et Steffi Graff seront bien diminuées. A moins que ce break n’ait été bénéfique pour elles vu qu’elles n’arriveront pas à Paris avec un surcroît de matches et de fatigue. Avec un avantage peut-être à Steffi Graff dont l’expérience et la force devraient jouer en sa faveur.
Epargnée par les blessures, en regain de forme physique et mentale, Mary Pierce a une grosse carte à jouer. Devant son public, et après une saison qui l’a vue revenir parmi les meilleures, elle devrait saisir sa chance à Paris.
Avec Jana Novotna et Mary-Joe Fernandez toujours bien placées mais toujours faibles mentalement quand les enjeux sont importants, le trio Hingis-Graff-Pierce paraît le mieux placé.
Alors, faites vos jeux.