Dans la foulée des congés et des fêtes de fin d'année, les Libanais, toutes confessions confondues, se sont réjouis et ont fait des projets. À ce niveau, le Liban donnerait l'exemple d'une cohabitation réussie où l'ensemble des communautés se met d'accord sur les jours fériés. Une diversité culturelle qui a été vantée par le pape Jean-Paul II, lors de sa visite historique au Liban en 1997.
Et pourtant, loin des plaisirs futiles qui découlent des pauses et des jours de congé, ce côté multiconfessionnel du Liban n'a toujours pas été une bénédiction pour les Libanais. Ce soin dans la répartition des jours fériés représente, en effet, l'une des conséquences de l'histoire récente du pays. Pour mieux comprendre, il suffit de remonter 34 ans dans le temps, au chapitre de la guerre civile entre 1975 et 1990. En effet, dans ce pays où l'on marche sur le fil du rasoir entre chrétiens et musulmans, leurs différends y avaient alors atteint leur apogée. Des combats au nom du même Allah ont éclaté dans les différentes régions libanaises. Une guerre meurtrière a divisé la capitale en deux camps qui se sont affrontés : Beyrouth-Est abritant les chrétiens contre Beyrouth-Ouest à majorité musulmane. Ici, il y a lieu de relever que ces appellations sont demeurées dans la langue des Libanais. Ces derniers, pris dans le même guêpier de violence, quelle que soit leur appartenance religieuse, ont subi les mêmes atrocités exercées pour chacun par l'autre camp : attentats, enlèvements, assassinats, les victimes ayant pour seul crime de ne pas appartenir à la même religion.
Finalement, au bout de ce cauchemar, tous ceux et celles qui ont assisté, de près ou de loin, à ces événements sont sortis avec des cicatrices profondes dans leurs esprits. La mémoire collective libanaise traîne le fantôme des disparus et des tués, au point de vouloir transmettre aux jeunes leur héritage de haine et de méfiance, les survivants voulant revivre en continu les péripéties douloureuses de ce passé que la nouvelle génération veut enfouir à jamais. En effet, les esprits ont évolué, on vit au quotidien l'ouverture des deux sociétés, longtemps fermées l'une à l'autre. Loin des pratiques religieuses, chrétiens et musulmans mènent des modes de vie qui se croisent en plusieurs points. Ils fréquentent les mêmes collèges, universités, restaurants, lieux de travail, pubs et boîtes de nuit, partagent la même joie de vivre, tissent des liens d'amitié basés sur les valeurs humaines, et même des histoire d'amour voient le jour. Des histoires d'amour malheureusement vouées souvent à l'échec pour des raisons que les protagonistes ne comprennent pas trop ! Inutile de préciser que les unions mixtes réussies font bien des jaloux et des admirateurs dans le rang des plus conformistes, ayant été contraints de se plier aux normes établies par la société.
Pour conclure, en l'état actuel des choses, le bout du tunnel est encore loin. Pour en sortir, nos chers dirigeants politiques sont censés prendre des leçons de Charles de Gaulle qui a mené à bien la réconciliation entre l'Allemagne et la France, les Français ayant surmonté les douloureux souvenirs de l'occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale.
Pour leur part, les Libanais doivent respecter l'histoire et renoncer à traîner le lourd fardeau de la guerre.
Manal HABKA