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Liban - Hors piste

La berceuse des somnambules

Que le dialogue national n'aboutira vraisemblablement jamais à un résultat concret est un secret de polichinelle.
Tout le monde savait dès le début que ce processus n'avait pas d'issue possible, dans le contexte régional actuel. Après la guerre de Gaza, tout le monde a compris qu'il n'a plus d'objet, plus de substrat, plus de sous-jacent.
Quelle que soit la conclusion de chaque chapitre de la guerre israélo-palestinienne ou israélo-libanaise, quelle que soit l'issue de chaque épisode du conflit, quelle que soit la réalité sur le terrain meurtri par les occupations et les dictatures, les forces dites de la résistance ou du refus y verront une victoire pour leur camp, une preuve de la pertinence de leur choix, un nouvel exploit à inscrire à leur actif et au passif de leurs compatriotes et adversaires. Faute de pouvoir remporter un franc succès contre l'ennemi, il suffit de modifier le sens arabe du mot victoire pour en faire le tribut de ceux qui n'ont pas été complètement écrasés.
S'il ne s'agissait que d'une simple affaire de sémantique, l'affaire prêterait à sourire, sans plus. Sauf que les forces de la résistance autoproclamée finissent par se convaincre elles-mêmes qu'elles ont réellement triomphé de l'occupant et qu'elles méritent de cueillir les fruits politiques de leur victoire. Le Hezbollah a ainsi voulu monnayer son succès à empêcher Israël de l'anéantir en juillet 2006 par un tiers de blocage au gouvernement. Le Hamas, lui, ne veut aujourd'hui rien de moins que créer ses propres OLP et Autorité palestinienne, à en croire son chef, Khaled Mechaal, pour le récompenser d'avoir pu sauver quelques lance-roquettes ici ou là, tout en échouant à défendre les quelque 1 300 Palestiniens froidement assassinés par Israël.
Outre les gains immédiats qu'elles ont effectivement engrangés ou qu'elles cherchent à obtenir en interne, les deux formations tentent de s'arroger une rente politique à long terme en imposant à leurs compatriotes respectifs d'abandonner toute arme politique pour prêter allégeance au projet de la résistance militaire version islamiste, comme seule voie possible face à l'occupation. Comme unique stratégie de défense nationale efficace contre l'agresseur perpétuel.
C'est ce que ne cessent de répéter les caciques du Hezbollah qui martèlent à toute occasion, et surtout depuis le début de la guerre contre Gaza, que la résistance, tels qu'ils la conçoivent, est la seule stratégie de défense possible. Le parti de Dieu participe donc à des négociations nationales officielles tout en définissant unilatéralement au préalable leurs conclusions. On frôle le cynisme ubuesque.
Pour une fois, le 14 Mars n'a pas été dupe de ses illusions. La coalition majoritaire n'a probablement jamais cru que dans l'état actuel des choses, au Liban comme au Proche-Orient, le Hezbollah pourrait accorder la moindre concession relative à son bras armé. Elle s'en est encore mieux rendu compte suite à la guerre contre Gaza, lorsque ni les destructions massives ni l'industrialisation de la mort n'ont empêché le Hamas et le Hezbollah de crier victoire.
La majorité a en outre compris qu'il n'est pas complètement inutile ce dialogue que le parti de Dieu semble mépriser au point de refuser de lui soumettre un document exposant sa propre vision de la stratégie de défense. Car une réunion mensuelle ou, pour être plus précis, bitrimestrielle des Quatorze peut réduire les ardeurs de la rue et entretenir ce calme si cher au chef du PSP, Walid Joumblatt. Pourquoi tirer sur une ambulance, même si elle n'est chargée que de produits anxiolytiques ?
Toujours est-il qu'il est un aspect de ce dialogue national que la majorité ne devrait pas admettre, au nom de son attachement aux institutions constitutionnelles et à l'État en tant que référence nationale sans partage. Dès sa reprise au lendemain de l'accord de Doha, ce processus a été chargé d'une seule et unique mission : rechercher un consensus national autour de la stratégie de défense. Les Quatorze ne sont appelés ni à traiter de la situation à Gaza ni de la politique étrangère du Liban et encore moins des nominations des hauts fonctionnaires, des préparatifs des législatives, de l'implantation des réfugiés palestiniens et des manifestations devant telle ou telle ambassade.
Le dialogue national ne saurait se transformer en conseil des sages, en instance de pouvoir tribal, en second gouvernement, plus influent que le premier, en nouvel hémicycle, moins bruyant que celui où règne Nabih Berry. Le projet dont se revendique le 14 Mars lui impute la tâche de lutter contre les effets secondaires du dialogue somnifère ; de recentrer les discussions autour de la seule et unique stratégie de défense ; d'éviter que le dialogue national ne se transforme en institution coutumière fondée sur le fait accompli et la menace des armes ; d'empêcher un dédoublement des institutions contre toute logique démocratique ; d'épargner au pays une segmentation supplémentaire de son système politique qui ne profiterait qu'à la logique des périmètres de sécurité, aux zones de non-droit où se terrent les vainqueurs.
Que le dialogue national n'aboutira vraisemblablement jamais à un résultat concret est un secret de polichinelle.Tout le monde savait dès le début que ce processus n'avait pas d'issue possible, dans le contexte régional actuel. Après la guerre de Gaza, tout le monde a compris qu'il n'a plus d'objet, plus de substrat, plus de sous-jacent.Quelle que soit la...
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