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Diaspora - CORRESPONDANCE - WASHINGTON, Irène MOSALLI

Helen Thomas, 88 ans, grande dame de la presse US

Née de parents tripolitains, elle était chargée d’ouvrir et de clore les conférences de presse présidentielles
Elle n’en finit pas de faire des vagues au plus haut des échelons et, tout récemment, le grand public, en la voyant à l’action, a pu découvrir en quelque sorte la manière avec laquelle cette doyenne chevronnée de la presse traite le sommet de la pyramide américaine. Il s’agit de la journaliste Helen Thomas (aujourd’hui 88 ans), qui, durant 57 ans, a couvert les activités de la Maison-Blanche en tant que chef de bureau de l’agence United Press International (UPI) et par la suite pour le groupe de presse Hearst. Autrement dit, sa plume a fait la chronique des mandats de tous les présidents américains de John F. Kennedy à George W. Bush.
Un destin auquel ses parents, qui avaient émigré du Liban en 1890, n’auraient jamais pu penser. Son père, Gergios Touma, et sa mère, Marianne Rawadi, étaient originaires de Tripoli et ne savaient ni lire ni écrire. Ils se sont d’abord installés dans le Kentucky où ils ont ouvert une épicerie puis se sont fixés à Detroit. Ils ont eu neuf enfants qu’ils ont poussés à faire des études avancées. Helen fréquenta l’université de Wayne où, en prenant en charge la rédaction de la gazette du campus, elle décida qu’elle deviendrait journaliste. Après avoir obtenu son diplôme, elle se lançait à l’assaut de Washington.

« Thank you Mr. President »
Un documentaire télévisé vient de lui être dédié. Réalisé par Rory Kennedy (la fille de Robert Kennedy), il s’intitule Thank you Mr. President (Merci M. le président), en référence à un privilège d’Helen Thomas à qui avait été confié, durant cinq décades, l’initiative de mettre fin aux conférences de presse des présidents américains par ces mêmes mots. À elle aussi l’honneur, lors de ces sessions, de poser la première question. Ce qui ne l’a jamais empêchée de tenir tous les chefs d’État, sans exception, sur le grill, notamment George W. Bush dont elle dit aujourd’hui, pour être gentille, qu’il « aurait pu être un meilleur président ». Auparavant, elle avait déclaré, au cours d’une interview télévisée, qu’il était « le pire des présidents américains ». C’est du Helen Thomas pur sucre, et c’est cette manière forte et sans ambages qui l’a rendue célèbre. Cependant, une animosité s’était créée entre elle et George W. Bush qu’elle mettait continuellement sur la sellette (notamment pour la guerre en Irak) et qui avait fini par ne pas répondre à ses questions.
La notoriété, la personnalité et le caractère trempé d’Helen Thomas n’en ont été nullement affectés. Ses convictions non plus. « Je pense, dit-elle, que les chefs d’État doivent être continuellement interrogés, même d’une manière irrévérencieuse, pour les ramener à leur juste mesure… Par ailleurs, avoir accès à eux ne veut pas dire que l’on va obtenir la vérité. » Pour sa part, elle ne leur a jamais donné de répit. Elle n’avait pas hésité à interroger durement Richard Nixon sur le scandale du Watergate, alors que ce dernier venait de la féliciter pour avoir été la première femme nommée chef de bureau de la UPI auprès de la Maison-Blanche. Helen Thomas a aussi été la première femme à être acceptée au prestigieux Gridirion Club, jusque-là réservé aux seuls hommes. John Kennedy avait d’ailleurs refusé d’assister au dîner annuel du Club tant qu’il continuait à exclure les femmes.

Kennedy, Johnson, Reagan, Nixon, Bush et les autres
Helen Thomas rappelle qu’à l’époque de John Kennedy et jusqu’au mandat de Bill Clinton, la presse était très proche des chefs d’État et de leur famille. Cependant, même en l’absence des strictes mesures de sécurité actuelles, il y avait un gentlemen’s agreement pour que les journalistes gardent secrètes « les escapades présidentielles ». L’album de photos d’Helen Thomas témoigne combien elle a été dans les secrets des dieux de la politique, tout en ayant toujours le courage de révéler ce qui devait être révélé. On la voit notamment soufflant les bougies du gâteau d’anniversaire de Bill Clinton et riant aux éclats avec Pat Nixon. Elle trouvait Reagan « charmant mais distant, néanmoins bien rodé par son équipe ». Elle évoque « la marche sadique » de Lyndon Johnson qui arpentait les jardins de la Maison-Blanche en s’entretenant avec la presse.
Elle n’épargnait pas non plus ses collègues journalistes : ceux qui ont soutenu la guerre contre l’Irak, après le 11-Septembre, et ceux persécutant Bill Clinton au nom de l’extrême droite. Aujourd’hui, à 88 ans, elle continue à avoir la dent dure : dans ses écrits, elle pose déjà des points d’interrogation sur l’attitude des deux candidats à la présidence, John McCain et Barrack Obama, qu’elle juge bienveillants pour Israël et hostiles aux Palestiniens.
En 1971, elle avait épousé un collègue de l’agence rivale, Associated Press (AP). Il se nommait Douglas Cornell et est décédé en 1982. À son actif, trois ouvrage dont Les chiens de garde de la démocratie ou l’échec de la presse washingtonienne. Tout récemment, Helen Thomas et George W. Bush ont enterré la hache de guerre : à l’issue d’une conférence de presse, le président lui a souhaité un joyeux anniversaire.
Last but nos least, car on n’en finit pas de raconter cette « dame de fer » de la presse : la robe rouge qu’elle arborait durant les conférences de presse de Ronald Reagan (couleur favorite de son épouse Nancy) trône aujourd’hui au « Newseum », le musée de la presse.
Elle n’en finit pas de faire des vagues au plus haut des échelons et, tout récemment, le grand public, en la voyant à l’action, a pu découvrir en quelque sorte la manière avec laquelle cette doyenne chevronnée de la presse traite le sommet de la pyramide américaine. Il s’agit de la journaliste Helen Thomas...