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Israël-Iran: la guerre entre la peste et le choléra


Au fil des ans, c’était devenu une évidence : le Liban n’avait pas la moindre chance d’aspirer à la paix, à la stabilité et à la prospérité tant que le Hezbollah était aussi dominant.

Il était possible de faire le même constat à l’échelle régionale. Rien de positif ne pouvait être espéré tant que l’Iran, avec ses alliés, était la force non pas dominante, mais disposant de la plus grande capacité de nuisance au Moyen-Orient. Le régime n’avait rien d’autre à offrir à sa population et à celles de la région qu’un cocktail de propagande et de répression qui pouvait, il est vrai, être extrêmement ingénieux et même séduisant par moments.

Mais une fois que l’on a dit cela, quelles conclusions faut-il en tirer ? Faut-il se satisfaire du fait que l’attaque lancée jeudi par Israël, ultime étape d’une guerre déclarée depuis des décennies, puisse aboutir à la chute du régime iranien ? Faut-il fermer les yeux sur le fait qu’elle viole en tout point le droit international et qu’elle soit menée par un acteur qui, dans le même temps, tente de mettre en œuvre, a minima, un nettoyage ethnique à Gaza, poursuit son entreprise de colonisation en Cisjordanie et intervient militairement en toute impunité en Syrie et au Liban ? L’hostilité légitime envers le régime iranien doit-elle conduire à ignorer les leçons de l’histoire, et notamment celle de l’intervention américaine en Irak, qui ont maintes fois prouvé que l’usage disproportionné et illégitime de la force n’aboutissait qu’à renforcer le chaos que ses promoteurs prétendaient combattre ?

Ce serait une erreur de calcul. Une faute morale et politique. D’abord parce que l’on ne peut pas faire abstraction du droit international quand cela nous arrange et le défendre à cor et à cri le reste du temps. Le recours à la force peut être parfois inévitable face à un acteur qui ne comprend aucun autre langage. Mais dans le cas d’espèce, tant le timing que les motivations de l’attaque israélienne sont hautement discutables, même si la République islamique avait effectivement accéléré l’enrichissement de son uranium.

Ensuite parce que l’on ne peut pas reprocher d’un côté à une puissance d’avoir été une source de déstabilisation pour la région pendant des décennies et applaudir en parallèle celle qui la défait en mettant la région à feu et à sang. L’Iran est un État voyou, mais Israël n’a absolument rien à lui envier à ce niveau-là, si ce n’est qu’il traite sa population, excluant les Palestiniens, avec beaucoup plus d’égards.

Enfin, parce qu’Israël n’a lui non plus rien à proposer à la région si ce n’est la loi du chaos et du plus fort. Sa guerre, motivée par une volonté de prendre sa revanche sur le 7-Octobre et de redessiner le visage du Moyen-Orient, est une course vers l’abîme. Il n’a pas les moyens de détruire seul le programme nucléaire iranien et veut entraîner Washington dans un conflit qui enflammerait toute la région. Quel est son objectif final ? Bombarder le régime iranien jusqu’à ce qu’il capitule ? Éliminer tous ses représentants jusqu’à en trouver un qui mette le genou à terre ? Et si les jours et les semaines passent et que ce scénario ne se produit pas, que Téhéran ne renonce pas à ses ambitions nucléaires et que les États-Unis refusent d’intervenir, Benjamin Netanyahu mettra-t-il fin à une guerre qui, à l’instar de celle de Gaza, aura mis en lumière les limites de sa toute-puissance ?

Même en admettant qu’Israël parvienne à ses fins et que le régime finisse par tomber, quelle sera la suite ? Qui va organiser la transition de pouvoir dans un pays ruiné, de 90 millions d’habitants et qui fait soixante quinze fois la taille d’Israël et trois fois celle de l’Irak ? Comment imaginer que cela puisse aboutir à autre chose qu’un chaos généralisé qui outrepassera largement les frontières de l’Iran ?

La fin de l’ère iranienne est une bénédiction pour le Moyen-Orient. Mais ne nous faisons aucune illusion : le début de l’ère israélienne est bien une malédiction. L’Iran n’avait pas les moyens de la toute-puissance contrairement à Israël. L’Iran n’avait pas le soutien inconditionnel de l’Occident contrairement à Israël. L’Iran ne pouvait pas mettre en œuvre sa volonté d’effacer un peuple et de changer le visage de la région contrairement à Israël.

Durant ces deux dernières décennies, la République islamique était sans doute le principal problème de la région. L’État hébreu ne s’est pas contenté de lui disputer la palme d’or, mais l’a battu à plates coutures.

Il est incontestablement le plus fort et ses prouesses technologiques impressionnent le monde entier. Mais aucune domination, aussi affirmée soit-elle, ne peut reposer indéfiniment sur un tel déséquilibre et une telle injustice. Cela prendra des années ou des décennies, mais si rien ne change, Israël finira, à l’instar de la République islamique, par être dévoré par son hubris. Nous risquons toutefois entre-temps de payer, bien au-delà des frontières du Moyen-Orient, le prix de sa folie.

Au fil des ans, c’était devenu une évidence : le Liban n’avait pas la moindre chance d’aspirer à la paix, à la stabilité et à la prospérité tant que le Hezbollah était aussi dominant.Il était possible de faire le même constat à l’échelle régionale. Rien de positif ne pouvait être espéré tant que l’Iran, avec ses alliés, était la force non pas dominante, mais disposant de la plus grande capacité de nuisance au Moyen-Orient. Le régime n’avait rien d’autre à offrir à sa population et à celles de la région qu’un cocktail de propagande et de répression qui pouvait, il est vrai, être extrêmement ingénieux et même séduisant par moments.Mais une fois que l’on a dit cela, quelles conclusions faut-il en tirer ? Faut-il se satisfaire du fait que l’attaque lancée jeudi par Israël, ultime étape...
commentaires (19)

Edito parfait, comme d’habitude. Bravo !

Ongulé

18 h 55, le 18 juin 2025

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Commentaires (19)

  • Edito parfait, comme d’habitude. Bravo !

    Ongulé

    18 h 55, le 18 juin 2025

  • Excellent édito. C’est tjrs un plaisir de vous lire

    Fatim Tahiri

    11 h 22, le 18 juin 2025

  • analyse parfaite et très pertinente

    Frédéric Moreau

    17 h 22, le 17 juin 2025

  • C'est injuste par prudence. Nous avions un accord de paix en 1983, comme l'Égypte avant nous et la Jordanie plus tard, accords qui ont apporté la paix à leurs peuples et que la Syrie, le Hezbollah et l'Iran nous ont refusé afin de nous asservir pour leurs intérêts propres en jouant aux résistants dont le masque est complètement tombé le 26 mai 2000, jour de l'invention des Fermes de Chebaa.

    M.E

    15 h 28, le 17 juin 2025

  • L intervention US en IRAK a été un chaos precisemment á cause de l IRAN et de ses satellites comme la SYRIE d ASSAD. Aujourd hui l IRAN est totalement seul ,sans aucun appui ni interne ni externe. Si cette théocratie satanique tombe enfin,ce sera la paix au moyen orient pour la 1 ere fois en 75 ans. ISRAEL n étant plus menacé sera ouvert á des négociations sur la question palestinienne.

    HABIBI FRANCAIS

    17 h 50, le 16 juin 2025

  • Très bonne analyse. Merci.

    Brunet Odile

    14 h 47, le 16 juin 2025

  • L’Iran a fait des calculs depuis longtemps que L’arme nucléaire lui était nécessaire pour la survie de son régime actuel et pour rejoindre le club des puissances nucléaires mais les mollahs n’ont jamais compris que ces mêmes puissances et surtout Israël ne la leur permettait jamais de L’avoir couté a les détruire.

    PT

    13 h 35, le 16 juin 2025

  • excellent titre et analyse. -- Merci

    Zakariah

    11 h 45, le 16 juin 2025

  • Le jour où on nous expliquera pourquoi les mollahs ont infiltré certains pays de la région, les ont armé pour déstabiliser les pays concernés qui ne leur avait causé aucun tort, pendant qu'Israël se contente de s’armer à l’intérieur et compte sur ses seuls citoyens pour défendre son pays et n’a aucun proxy armé dans la région, alors on pourrait les mettre à pied d’égalité. En attendant, il ne faut pas, et par soucis de fausse équité,tout mélanger.En suivant le déroulement de cette guerre, on constate qu’Israël bombarde les lieux stratégiques et militaires, les mollahs bombardent les civils.

    Sissi zayyat

    11 h 33, le 16 juin 2025

  • Décidément l'OLJ doit être subventionné par les sionistes, à force de taper sur le Hezbollah et l'Iran il a perdu toute crédibilité. Juste une question si jamais Israël perd devant l'Iran, qu'allez-vous titrer ?

    Croizé

    10 h 42, le 16 juin 2025

  • JE SOUSCRIS A VOTRE TITRE. CA DIT TOUT !

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EN PERIL.

    10 h 01, le 16 juin 2025

  • le début de l’ère israélienne est bien une malédiction: je souscris à 100%. Depuis la guerre d’Irak, les EU ont commencé à démonter l’ordre international qu’ils avaient eux-mêmes créé au lendemain de la 2nde guerre mondiale et, depuis, les États voyous se sont engouffrés dans la brèche, que dis-je, le tunnel. Ça craint, pour les petits États comme le nôtre mais aussi pour le monde entier. Sous la houlette de Netanyahu, Israël est devenu un élément gravement déstabilisateur de l’ordre mondial.

    Marionet

    08 h 52, le 16 juin 2025

  • Bravo Anthony Samrani, analyse très percutante comme d’habitude !

    nmelki55@gmail.com

    08 h 34, le 16 juin 2025

  • Avec les fantastiques avancées technologiques, ceux qui disposent de la science moderne peuvent s’imposer arbitrairement aux autres. Putin veut bouffer l’Ukraine, trump veut acheter le Canada, netanyahu veut digérer la Palestine et la Chine se prépare à rejoindre le club des prédateurs. C’est la Loi de la jungle, celle du plus fort. Le Droit international n’existe plus que pour les plus démunis. La bonne diplomatie aujourd’hui consiste à bien connaître ses limites, pour éviter le pire. Trop mécontenter les puissants peut devenir fatal. L’Iran en sait quelque chose.

    Goraieb Nada

    06 h 31, le 16 juin 2025

  • Bravo. Comme d'habitude votre analyse n'est pas émotionnelle et bien rationnel. L'Israélien ne sera jamais notre ami parce que de nature il a peu d'égard pour nous et pour tout les arabes. Son hubris exagéré de sa puissance qui vient de l'appui de ses partenaires Américains et Occidentaux est bien monté a sa tête. Quelqu'un devrait le dégonfler pour avoir plus d'équité.

    Ma Realite

    02 h 29, le 16 juin 2025

  • ‘’La guerre entre la peste et le choléra’’, une drôle de manière de renvoyer dos à dos les protagonistes, comme au temps de la guerre civile libanaise où l’on renvoyait dos à dos les protagonistes. Je regarde ma part de responsabilité, moi Libanais.

    nb

    01 h 58, le 16 juin 2025

  • ‘’Au fil des ans, c’était devenu une évidence : le Liban n’avait pas la moindre chance d’aspirer à la paix, à la stabilité et à la prospérité tant que le Hezbollah était aussi dominant’’. Au fil des ans, le Liban ne pouvait connaître la paix tant que les factions palestiniennes étaient dominantes. La période chiite suit la palestinienne et une bonne partie des Libanais justifiaient cette domination. Ne dit-on pas il y a cinquante ans que le Liban ne connaîtra pas la paix, oui la paix (pas de stabilité ou prospérité) avant le règlement de la question palestinienne, kurde, et autres.

    nb

    01 h 51, le 16 juin 2025

  • ‘’Cela prendra des années ou des décennies, mais si rien ne change, Israël finira, à l’instar de la République islamique, par être dévoré par son hubris’’. Très polémique, M. Samrani ! Dans deux décennies, Israël aura un siècle, et pour les siècles des siècles, alors que d’autres pays de la région risquent de disparaitre sous leur forme actuelle, morcelés en des petites entités en guerre perpétuelle.

    nb

    01 h 39, le 16 juin 2025

  • Merci Anthony pour ces lignes intéressantes. L’avenir nous dira si votre opinion est valide. En attendant, j’aimerais clarifier un point que vous avez touché (“(Israël) traite sa population … avec beaucoup plus d’égards.”): Israël agit par amour de sa population, et se fout royalement des conséquences pour le reste du monde (en l’occurrence nous-mêmes)… Le régime iranien, et feu la Syrie des Assad, le Hamas, les Houthis, et le Hezbollah, sont animés par la haine d’Israël, et se foutent royalement des conséquences pour leur propre population… Entre les deux…

    Micheline

    01 h 01, le 16 juin 2025

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