Près de six mois après la béchamel à la purée de missile qu’ils ont dégustée et la trêve qu’ils ont quémandée, les trois ou quatre barbes qui restent du Hezbollah peuvent maintenant se prélasser au soleil d’été, les doigts de pied en bouquet de violette. Ils sont pépères et pour eux, ça baigne : Tonton Nawaf et son patron n’ont pas l’air de vouloir les secouer pour leur faire rendre gorge et armes. Demandez à Istiz Nabeuh, seul élément du tandem chiite encore fréquenté, nez bouché et sur la pointe des pieds, par les diplomates occidentaux : n’est-elle pas belle la vie dans le cloaque libanais ?
« Le désarmement ne pourra se faire que par le dialogue et la patience. » Ce puissant pensum est bêlé régulièrement par certains ministres qui se complaisent dans le verbiage et ont sans doute les moyens financiers d’attendre, pendant que des milliers de pauvres hères dorment parmi les décombres, espérant une reconstruction qui ne viendra jamais. D’où ce principe libanais tout aussi puissant : pourquoi se taper le sale boulot, tant qu’il se trouve des agités de la kippa toujours prêts à le faire à notre place ?
Procrastination doublée de sous-traitance ! Voilà les deux mamelles de la classe politique. La première tire sa praxis du fameux principe IBM nappé de sauce arabe, « Inchallah, Boukra, Maalech », la deuxième est une forme aiguë de paresse mentale dans l’espoir d’une improbable phosphorescence issue du frottement des neurones ministériels.
Mais si la procrastination existe depuis le fond des âges, la sous-traitance, elle, traîne chez nous sa latte depuis la fin des années 1970. C’était la belle époque du paradis syrien. Il avait fallu sous-traiter auprès des frérots du Baas la première raclée à Yasser Arafat et ses sbires en keffieh. Puis tant qu’à faire, continuer à amortir les soldats de Damas en les faisant cogner tantôt sur les chrétiens, tantôt sur les musulmans. Une série de dérouillées mémorables où, tour à tour, chacune des tribus libanaises en avait pris pour son grade.
Les Israéliens étaient venus entre-temps pour la même sous-traitance : embarquer sur un rafiot ce vieux larron d’Arafat, hilare et faisant comme il se doit le V de la victoire. Mission accomplie, et zou ! Du balai ! Mais la facture était salée : 22 ans d’occupation du Liban-Sud. Depuis, la sous-traitance est restée confinée à cette dernière région où nos gouvernements successifs ont refilé à la Finul le grand ménage dans les villages qu’ils sont infoutus de torcher.
Aujourd’hui, changement de fortune. Les Casques bleus se déglinguent à leur tour et risquent de se tirer avec leur barda pour aller bronzer sous d’autre cieux. Ne restera plus alors que les Hébreux en seuls prestataires de services pour raser les dernières barbes, sous l’œil torve d’un pouvoir qui regarde passer les vaches en sifflotant…
Moralité de l’histoire : entre sous-traiteurs et sous-traités, les maltraités que nous sommes n’ont plus qu’à la boucler. Allez, une dernière tournée de Koullouna, et on tire la chasse !
gabynasr@lorientlejour.com
Le Liban sera épargné quand l’Iran est dans la tourmente. On annonce de beaux jours pour l’Irak débarrassé des milices iraniennes, alors qu’en est-il pour le Liban ?
23 h 48, le 13 juin 2025