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Idées - Point de vue

Fonction publique : le gouvernement doit agir sur l’égalité de genre

Fonction publique : le gouvernement doit agir sur l’égalité de genre

Le Conseil des ministres (où siègent cinq femmes sur 24 membres) réuni au palais de Baabda, en avril 2025. Photo d’illustration/Archives ANI

Lors d’un discours prononcé à la télé à l’occasion des 100 premiers jours d’exercice du pouvoir, ce jeudi 5 juin, le Premier ministre, Nawaf Salam, est revenu sur le bilan de son gouvernement. Une occasion de saluer les réformes entreprises et, en particulier, l’adoption, en mars dernier, d’un mécanisme destiné à promouvoir le mérite, la transparence et l’intégrité dans la nomination des cadres supérieurs. Si cette décision constitue en effet une avancée vers la professionnalisation de l’administration publique et le rétablissement de la confiance des usagers, il reste pourtant un point à relever stipulé clairement par le mécanisme : l’importance de « garantir une représentation équitable, en particulier des femmes et des personnes handicapées » dans les nominations à des postes publics de haut niveau.

Écart persistant entre engagements et réalité

Et pour cause : malgré cet engagement déclaré, les nominations effectuées au cours des premiers mois sous le nouveau système continuent de refléter une tendance inquiétante : la grande majorité des fonctionnaires nouvellement nommés sont des hommes.

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Cela est particulièrement évident dans les récentes nominations au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et à son comité exécutif, une institution-clé pour la reprise, la reconstruction après la guerre et la coordination de l’aide. Jusqu’à présent, toutes les nominations à des postes exécutifs sont occupées par des hommes. La même tendance s’applique aux nominations de plusieurs directeurs généraux dans les ministères et les organismes publics. Cela semble refléter une tendance de longue date dans la culture de gouvernance du Liban, qui marginalise les femmes des postes de décision et de direction.

Les nominations aux conseils consultatifs ont également reproduit un biais masculin, comme par exemple le « Comité consultatif juridique constitutionnel de la présidence de la République », composé exclusivement d’hommes. Cela souligne la nécessité de réformes institutionnelles plus profondes et du respect des engagements pris.

La diversité des genres n’est pas un geste symbolique. Elle est un indicateur de la santé des institutions, de la justice sociale, des droits des citoyens et d’une démocratie solide. La confiance inspirée par ces mécanismes de nomination repose sur une mise en œuvre cohérente et équitable qui garantit l’inclusion des genres, sans quoi les réformes n’auront aucun résultat transformateur.

Sous-représentation politique

En février 2025, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a formé un nouveau gouvernement composé de 24 membres, marquant ainsi une évolution politique importante après une longue période d’instabilité gouvernementale. Si la composition du gouvernement reflétait un engagement en faveur des réformes et de la reconstruction nationale, un problème crucial restait flagrant : la sous-représentation des femmes aux postes politiques de haut niveau.

Le nouveau gouvernement compte cinq femmes, qui occupent les ministères de l’Éducation, de l’Environnement, des Affaires sociales, du Tourisme et de la Jeunesse et des Sports. Cela représente environ 21 % du cabinet, soit une augmentation notable par rapport à l’administration précédente, qui ne comptait qu’une seule femme ministre. Malgré ces progrès, ce chiffre est loin des 30 % préconisés par les féministes libanaises et les organisations internationales.

Historiquement, le Liban a toujours eu du mal à atteindre la parité hommes-femmes en politique. Depuis son indépendance en 1943, seules 19 femmes ont occupé des postes ministériels sur plus de 1 000 nominations, selon la plateforme féministe de la société civile libanaise. Cette disparité flagrante souligne les obstacles systémiques auxquels les femmes sont confrontées pour accéder au pouvoir politique.

Démanteler les obstacles systémiques

Au Liban, les femmes constituent une main-d’œuvre hautement qualifiée, et elles ont prouvé qu’elles étaient capables d’exercer des fonctions de haut niveau dans la société civile, le monde universitaire et le secteur privé. Le Liban est déjà confronté à une crise de gouvernance, de légitimité et de confiance publique. Un gouvernement qui exclut la moitié de sa population du pouvoir ne reflète pas le pays qu’il est censé servir.

Si l’adoption d’un mécanisme fondé sur les compétences constitue une étape importante vers la modernisation des institutions de l’État, la sous-représentation des femmes dans les récentes nominations soulève des inquiétudes quant à l’efficacité du nouveau mécanisme pour atteindre ses objectifs déclarés en matière d’inclusion des genres.

Pour parvenir à une véritable parité entre les sexes, il faut faire preuve d’assurance afin de démanteler les obstacles systémiques qui entravent l’avancement des femmes et de créer un environnement où la méritocratie et l’inclusivité sont véritablement mises en œuvre.

Sans cette assurance, l’objectif de mettre en place une administration publique transparente, efficace et inclusive restera difficile à atteindre, et la promesse d’une égalité des chances pour tous les citoyens continuera d’être lettre morte.

Nous appelons le Premier ministre, le Conseil des ministres et tous les dirigeants politiques à : examiner immédiatement les récentes nominations afin de vérifier l’équilibre entre les sexes, y compris celles au CDR et aux postes de directeur général ; veiller à ce que la prochaine vague de nominations inclue des femmes qualifiées, conformément aux principes du mécanisme ; institutionnaliser l’égalité des sexes en exigeant la parité dans les comités de sélection et des quotas pour les listes restreintes pour tous les postes de haut niveau afin d’inclure un nombre égal de candidats masculins et féminins ; créer un mécanisme de suivi pour contrôler la représentation des sexes dans les nominations et rendent compte publiquement des progrès réalisés.

L’intégrité du mécanisme dépend de la volonté politique. Le gouvernement libanais ne peut se permettre de traiter l’égalité des sexes comme un idéal facultatif. Elle doit être un critère fondamental, appliqué avec le même sérieux que la compétence et l’intégrité. Il ne s’agit pas seulement d’équité. Il s’agit de légitimité, d’efficacité et de la construction d’un État qui fonctionne pour tous ses citoyens.

Par Lamia MOUBAYED BISSAT

Présidente de l’Institut des finances Basil Fuleihan et vice-présidente du Comité des Nations unies pour la gouvernance publique.

Lors d’un discours prononcé à la télé à l’occasion des 100 premiers jours d’exercice du pouvoir, ce jeudi 5 juin, le Premier ministre, Nawaf Salam, est revenu sur le bilan de son gouvernement. Une occasion de saluer les réformes entreprises et, en particulier, l’adoption, en mars dernier, d’un mécanisme destiné à promouvoir le mérite, la transparence et l’intégrité dans la nomination des cadres supérieurs. Si cette décision constitue en effet une avancée vers la professionnalisation de l’administration publique et le rétablissement de la confiance des usagers, il reste pourtant un point à relever stipulé clairement par le mécanisme : l’importance de « garantir une représentation équitable, en particulier des femmes et des personnes handicapées » dans les nominations à des postes...
commentaires (4)

21% de femmes: je préfère voir la coupe à moitié pleine!

Vincent Gélinas

18 h 44, le 19 juin 2025

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Commentaires (4)

  • 21% de femmes: je préfère voir la coupe à moitié pleine!

    Vincent Gélinas

    18 h 44, le 19 juin 2025

  • Pour le genre, Bof . Il faudra donc résoudre le problème des affiches : SEXE des toilettes dans les ministères ...

    aliosha

    16 h 43, le 10 juin 2025

  • Donner les mêmes chances à tous et choisir les plus compétents, indépendamment du sexe, pardon, du genre !

    Politiquement incorrect(e)

    16 h 37, le 09 juin 2025

  • L'égalité des genres imposée de la sorte empêche aux meilleurs qualifiés d'avoir des responsabilités. Les Constitutions á commencer par l'américaine se basent sur une égalité dans l'opportunité= tout le monde doit avoir les mêmes chances dans la vie. La promotion de l'idée de placer á des postes des personnes uniquement parcequ'elles appartiennent á un genre donné rappelle l'Union Soviétique où on attribuait les postes aux membres du parti communiste même s'ils ne sont pas aptes. C'est ça l'objectif: Faire primer le genre sur la compétence? Vous avez une vision 100% wokiste madame.

    Moi

    01 h 11, le 07 juin 2025

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